Une centième Journée internationale de la Femme timidement fêtée en République tchèque
Si dans d’autres pays, la Journée internationale de la Femme est un rendez-vous dûment célébré, en République tchèque, ce n’est pas si évident. A l’occasion du 100e anniversaire de cette journée, une association tchèque espère faire bouger les choses.
MDŽ. C’est par cet acronyme que les Tchèques désignent la Journée internationale de la femme. Sauf que pour beaucoup, le MDŽ est associé à l’époque communiste, à une fête obligatoire et rébarbative où en gros, en caricaturant à peine, les enfants offraient des oeillets à leur mère et les maris allaient se saouler à la brasserie du coin. Après 1989, cette fête, considérée comme un reliquat d’une époque révolue, a été supprimée. C’est le président Václav Klaus qui en février 2004 a signé le retour du MDŽ dans le calendrier. Aujourd’hui, pour les activistes du Lobby des femmes tchèques, il s’agit de redonner à la Journée internationale de la femme sa véritable signification. Alexandra Jachanová Doležalová, présidente du Lobby des femmes tchèques :
« Pour moi, cette fête signifie complètement autre chose que ce dont on se souvient de l’époque avant 1989. Cette fête ne célèbre pas la femme en tant que telle, l’idée ce n’est pas que les femmes doivent recevoir des fleurs. Mais cette fête devrait célébrer l’activisme pour l’égalité des droits. D’ailleurs, c’est ce à quoi servait cette journée autrefois : célébrer les féministes qui se battaient pour le droit de vote des femmes, pour une place à l’université. Cette fête, c’est celle de l’égalité entre les hommes et les femmes. »Etonnamment, les autres pays de l’ancien bloc soviétique n’ont pas cette aversion radicale vis-à-vis de cette fête internationale. Alexandra Jachanová Doležalová :
« D’après ce que me disent mes collègues à l’étranger, nous sommes assez uniques en notre genre à ce niveau-là. Par exemple dans certains pays des Balkans, c’est véritablement une fête officielle. Le fait que nous continuons à nous moquer de cette journée est assez unique. Peut-être que la vague ‘rétro’ a une forme d’influence. Et puis il y a aussi l’influence des hommes et femmes politiques qui utilisent cette journée pour montrer du doigt tout ce qui se faisait avant 1989. Mais moi je veux souligner que nous fêtons cette année le centenaire de cette journée, donc cela veut dire que cela remonte à bien avant cette époque. »
Si la situation des femmes s’est évidemment améliorée par rapport à l’époque des suffragettes, en République tchèque à l’instar d’autres pays d’Europe, les femmes continuent de rencontrer des problèmes de discrimination et restent sous-représentées aux postes de direction ou du monde politique : le nombre de femmes au Parlement ou dans des conseils régionaux oscille autour de 15% quant au monde de l’entreprise, les femmes au sommet restent une minorité avec à peine 6%. Pour Alexandra Jachanová Doležalová, la discrimination est moins visible qu’autrefois, mais d’autant plus insidieuse :
« Aujourd’hui, il y a surtout des barrières invisibles. Pour ce qui est de la discrimination au niveau des salaires, il y a des études qui montrent qu’à position égale dans une même entreprise, les femmes ont un salaire plus bas de 10%. Souvent, c’est impossible d’aller en justice parce qu’elles ne savent pas combien gagnent leurs collègues. Ensuite il y a tous les problèmes liés au fait d’être parent : ce sont les femmes qui continuent à gérer les problèmes de garde, or il y a un vrai déficit de garderies. Donc, elles sont forcément discriminées sur le marché du travail. »
Une chose est sûre, pour Alexandra Jachanová Doležalová, à l’heure où le féminisme a aussi eu, par ricochet, des effets négatifs sur l’identité masculine, l’émancipation des femmes ne se fera pas sans une émancipation des hommes.