Une encyclopédie interactive pour mieux comprendre le phénomène des migrations
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les migrations (sans jamais oser le demander) : tel pourrait être le sous-titre de l’Encyclopédie de la migration, un projet sans équivalent en République tchèque, voire même en Europe. Lancée par des étudiants tchèques, la nouvelle encyclopédie en ligne propose de nombreuses informations qui permettent de mieux comprendre ce sujet à la fois complexe et actuel.
Informer sur les mouvements migratoires de façon objective
« Nous sommes inquiets par la platitude des discussions autour du thème des migrations. Nous nous rendons compte que la peur des réfugiés, entretenue dans la société par certains politiciens et médias, découle d’un manque d’informations. C’est la raison pour laquelle nous nous efforçons de rassembler ces données et de les proposer, sous une forme accessible, à tous ceux qui veulent en savoir plus sur ce thème. »C’est ainsi que les auteurs du projet, des étudiants de l’Université Charles de Prague, mais aussi de plusieurs autres universités tchèques et étrangères, présentent la première mission de l’Encyclopédie de la migration. Un accès facilité à des informations situées dans un contexte plus large pourrait selon eux contribuer à simplifier la compréhension de la situation actuelle. Pour parler davantage du projet, Radio Prague a contacté Petr Felčer, un étudiant en arabe qui s’occupe des sujets liés au Proche-Orient, et plus précisément à l’Irak :
« L’idée est née à la suite de la crise migratoire, à l’automne 2015. Certains d’entre nous ont fait du volontariat dans des camps de migrants, des camps improvisés dans les Balkans. Nous avons ensuite ressenti la nécessité de nous impliquer dans le débat public qui commençait chez nous à s’enflammer de plus en plus. »
« Nous sommes arrivés, au fur et à mesure, à rassembler un certain nombre d’experts : des sociologues, des anthropologues, des juristes, des arabisants, etc. Ces experts se sont engagés à nous aider, à collaborer avec nous. Mais cela reste quand même un projet d’étudiants. Une partie des articles sont donc rédigés par des étudiants eux-mêmes durant leur temps libre et, dans la plupart des cas, sur la base du volontariat. L’important est que tous les articles soient lus et évalués par des spécialistes qui garantissent leur exactitude et donnent ainsi une certaine légitimité au projet. Il s’agit pour la plupart d’académiciens de l’Université Charles, mais aussi d’autres universités et institutions. »
Supervisée par des personnalités telles que le spécialiste de la culture arabe Luboš Kropáček ou le philosophe Jan Sokol, l’encyclopédie en ligne propose actuellement plusieurs dizaines d’articles répondant aux questions les plus fréquemment posées à propos des migrations, ainsi que des statistiques, des graphiques ou des analyses :« Quand vous accédez au site, vous trouvez une grande carte interactive où les principales routes migratoires sont indiquées. Cette carte permet de s’orienter dans les articles. Quant à la structure du site, nous procédons en rédigeant d’abord les articles les plus généraux, ceux qui expliquent par exemple des termes comme ‘migration’, ‘intégration’ ou ‘islam’, pour réaliser ensuite les articles plus spécialisés. Certains collègues couvrent la région de l’Afrique du Nord, d’autres l’Ukraine, les Balkans ou l’Asie centrale. Nous projetons d’inclure à l’avenir également l’histoire des migrations en Europe, notamment celles des Tchécoslovaques au cours du XXe siècle. Nous voulons en effet aborder le sujet des migrations le plus largement possible, non seulement dans le monde d’aujourd’hui mais aussi d’un point de vue historique. »
Découvrir les histoires des migrants
Mais cela ne s’arrête pas avec la présentation de la théorie. Grâce à leurs expériences des camps de migrants, certains auteurs de l’encyclopédie ont décidé d’illustrer le sujet par les histoires personnelles de certains réfugiés. En visitant le site, il est donc possible de découvrir une dizaine de témoignages vidéo présentant des personnes qui se sont vu contraintes de quitter leur patrie. Petr Felčer poursuit en indiquant que le nombre de ces récits va prochainement encore augmenter :« Mes collègues cherchent des migrants et parlent avec eux. Parfois, ils deviennent même amis. Ils suivent donc leur parcours et leur intégration ici en République tchèque ou bien ailleurs, par exemple en Allemagne. »
René, Yasir, Gharam, Samira, Fatima et Kamal de Syrie, ou encore Najib de l’Afghanistan expliquent ainsi les raisons qui les ont poussés à quitter leur pays d’origine, ils racontent leur installation dans les sociétés européennes et les difficultés qu’ils ont rencontrées :
« La composition des textes permet vraiment de les diffuser au plus grand nombre. Concrètement, les histoires de réfugiés peuvent aider les gens à comprendre par exemple ce qui se passe dans la région du Proche-Orient ou aussi en Ukraine. Il y a en effet des vidéos dans lesquelles les réfugiés parlent de ce qu’ils ont vécu là-bas. Ils parlent de la dictature, de l’oppression, des difficultés de la guerre et d’autres thèmes encore. C’est cet aspect immédiat, direct et humain qui peut aider les gens à comprendre. »
Une version anglaise à l’avenir ?
Même si le projet entend parler des migrations de manière plus générale, il se concentre pour l’instant surtout sur la région du Proche-Orient. Petr Felčer explique pourquoi :« Le débat s’est concentré autour du Proche-Orient. C’est dont on parle le plus et ce qui inquiète le plus les gens. Nous avons donc ressenti la nécessité d’informer sur cette région de façon plus objective et plus nuancée que ne le font les médias. Mais notre but n’est pas de convaincre les gens ou d’imposer une certaine vision des choses. La plupart des articles ont un caractère purement informatif. Nous essayons vraiment de rester objectifs. »
Cependant, dans une société très réticente à accueillir des réfugiés, l’Encyclopédie de la migration n’a pas pu passer inaperçue. Comment donc réagit le public tchèque à ce projet ?
« Nous avons reçu plein de réactions. Dans le milieu académique, il s’agissait de réactions plutôt positives. Mais bien sûr, nous avons reçu toutes sortes de réactions, et parmi elles des réactions négatives. Je pense que c’est normal : en regardant où en est le débat en Tchéquie, nous ne sommes pas surpris. Cela ne nous étonne pas qu’il y ait des réactions très négatives, voire même violentes. Tous ceux qui essaient d’aborder ces questions sont parfois automatiquement refusés dans le débat public. C’est la preuve que les gens sont en général habitués à voir les choses de façon très négative. Ils ont adopté une vision du monde très peu nuancée. C’est comme cela que ça marche aujourd’hui. »
L’Encyclopédie de la migration a été officiellement lancée en janvier dernier. Il ne s’agit pourtant que d’une première version. Quelles sont les suites envisagées ? Petr Felčer :« Nous verrons en fonction de notre temps libre, des financements que nous allons trouver et des possibilités des académiciens. Mais nous aimerions bien lancer aussi une version anglaise ou allemande et élargir le projet pour y intégrer également par exemple les expériences de nos collègues allemands. Puis, nous voudrions présenter l’Encyclopédie de la migration aux écoles pour qu’elles puissent l’utiliser comme un outil pédagogique. »
Plus de détails sur le sujet à l’adresse suivante : http://encyklopedie.org/.