Une leçon de danse

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C’est à un voyage insolite qu’ont été conviés, ce dimanche, les spectateurs du théâtre ABC de Prague. Une troupe composée de danseurs, de comédiens et de musiciens de l’ensemble Collegium Marianum y a présenté un spectacle intitulé «Voyage d’un maître à danser». Le spectacle qui raconte les rapports difficiles mais fructueux entre un vieux maître et son élève talentueuse, nous permet d’entrevoir à travers la danse le processus passionnant de la création artistique. A l’issue du spectacle Václav Richter a posé quelques questions au chorégraphe et danseuse Gudrun Skamletz et au metteur en scène et comédien de cette production Jean-Denis Monory.

Que peut-on dire de votre spectacle ? Est-ce un ballet, une leçon de danse ou peut-être un récit de voyage?

J.-D. Monory: «C’est une leçon de danse. C’est l’originalité du spectacle. J’avais envie de faire comme au cinéma. C'est-à-dire de créer un huis clos baroque, mais présenté en diction moderne par moments, un huis clos d’une leçon pour le public en temps réel.»

C’est pourtant aussi, je crois, un récit de voyage parce que pendant le spectacle on voit de différentes danses de différents peuples…

G. Skamletz: «Oui, c’était au début une idée de Jana Semerádová (chef de l’ensemble Collegium Marianum) qui nous a proposé un parcours musical à travers l’Europe. Donc, tout en gardant l’idée de la leçon, on a essayé de retracer les différentes étapes géographiques et typer les danses qui restent quand même à cette époque principalement influencées par la danse française. Les différences ne sont pas énormes, mais il y a de petites couleurs et tous ces petits caractères vont se mettre ensemble à la fin pour enrichir le vécu de la danseuse. »

Est-ce que la trame de ce spectacle s’appuie sur un fait historique concret, sur l’histoire d’un maître à danser concret?

J.-D. Monory: «Non, c’est à partir des témoignages et d’écrits de maîtres à danser qui ont vraiment existé qu’on a fait un mélange pour écrire le scénario. Donc c’est inventé mais la moitié de ce que dit le maître dans ce spectacle sont les véritables écrits des maîtres à danser des XVIIe et XVIIIe siècles.

G. Skamletz: «Effectivement Sébastien Ossart qui a écrit le texte s’est inspiré de témoignages de maîtres à danser et il a mélangé cela avec une manière de voir l’art qu’on peut retrouver dans le baroque avec toute cette finesse et cette richesse de rythmes et de rapports avec le partenaire. En même temps il a voulu en quelque sorte dépasser ça, en allant jusqu’à l’épurement. Donc d’un coté, l’enrichissement et d’autre côté l’épurement. Et cela se chevauche et du coup on va un peu dans les deux sens pour que cette danseuse puisse devenir une artiste.»

Etait-ce aussi une réflexion sur la perception et la réception de la danse française dans les différents pays européens?

G. Skamletz: «Oui, cela en fait partie. C’est le rayonnement que la France avait à cette époque-là et notamment au niveau de la danse parce que Louis XIV était un très grand danseur et, sous son règne, il fallait que tout le monde sache danser. C’est une des trois choses principales à savoir faire et, du coup, la France occupe au niveau de la danse une place très importante.»

Votre spectacle est présenté par des artistes de divers genres. Il y a des musiciens, des comédiens et des danseurs et tout ce monde, tous ces artistes jouent du théâtre. Etait-ce difficile de faire un tel spectacle?

J.-D. Monory: «Pas tant que ça. D’abord il faut dire que nous connaissons la plupart des membres du Collegium Marianum dirigé par Jana Semerádová. Cela fait cinq ans qu’on travaille ensemble. Donc il y a une complicité qui est tout de suite là. Et eux, ils s’intéressent à travailler avec le théâtre, sont prêts à être sur scène dans des costumes, il y a un violoniste qui chante et qui danse, donc ils sont prêts à faire ce genre de choses ce qui n’est pas évident. Donc déjà de leur part il y a quelque chose d’assez libéré et d’assez rare. Moi, par exemple, je suis metteur en scène et comédien, je n’ai jamais dansé. Alors j’ai du connaître quand même un peu la discipline de la danse baroque, j’ai du essayer. Gudrun qui est chorégraphe-danseuse, me l’a appris et moi je lui ai appris à jouer parce qu’elle joue un personnage. Elle ne danse pas seulement, elle est comédienne. Donc voilà, c’est assez drôle. Pendant les répétitions on a mélangé tout cela, on a évolué ensemble. C’était très plaisant. On s’est appris des choses. Cela s’est fait assez simplement, assez vite finalement.»

Qu’est ce que ce spectacle vous a apporté à vous-mêmes ? Allez-vous profiter de cette expérience pour la suite de vos carrières?

G. Skamletz: «C’est une belle question. Justement, j’en profite beaucoup parce que c’est un personnage qui fait un parcours et de vivre ça, même si certaines étapes ne m’étaient pas inconnues au départ, mais de les vivre consciemment, de les essayer transmettre au public, c’est les vivre autrement. Et puis j’ai appris des choses parce que Jean-Denis m’a fait travailler, parce que j’ai des échanges musicaux très forts avec Jana (Semerádová). J’ai appris donc quelque chose en tant que danseuse mais, comme on parle d’art et donc de quelque chose de plus grand, nous en avons profité aussi en tant qu’être humains. Pour moi, en tous cas, c’est vraiment ça.»