Une mallette de souvenirs pour aider les enfants abandonnés
A quoi je ressemblais quand je suis né ? Quels ont été mes premiers vêtements ? Dès le plus jeune âge, tout le monde se pose ce type de questions liées au premier moment de sa propre vie. La plupart d’entre nous pouvons garder ces souvenirs vivants grâce à la mémoire de nos parents. Ce n’est pourtant pas le cas des enfants abandonnés, qui sont près de 500 chaque année en République tchèque. Le projet « Život v kufříku » (« La Vie dans une mallette ») veut aider ces enfants à trouver une réponse à quelques-unes de ces questions en leur offrant une mallette qui contient des objets et des photos évoquant les premiers jours de leur vie.
Ne pas oublier son histoire
Pendant les premières années de leur vie, les enfants séparés de leurs parents biologiques peuvent changer plusieurs fois d’institutions et de familles d’accueil. A cause de ces déplacements fréquents, leur histoire, leurs origines et les réminiscences de leur toute petite enfance peuvent être perdues et oubliées à jamais. Ces souvenirs jouent pourtant un rôle très important dans le développement social et sentimental selon certains psychologues. Leur perte peut ainsi avoir un impact négatif sur la construction de l’identité de l’individu.Pour pallier à l’absence de ces souvenirs, certains hôpitaux donnent une mallette à ces enfants. Mais pas n’importe quelle mallette. Une mallette qui rassemble des objets et des informations liés aux premiers jours après leur naissance. A l’origine du projet, intitulé « La Vie dans une mallette », on trouve l’infirmière en chef du département de pédiatrie de l’Hôpital universitaire de Královské Vinohrady à Prague, Michaela Chmelařová. Elle a présenté la genèse et l’évolution de cette initiative pour Radio Prague :
« J’ai décidé de lancer ce projet parce que dans notre maternité à l’Hôpital universitaire de Královské Vinohrady naissaient, ces dernières années, de plus en plus d’enfants que nous n’avons pas pu confier, pour certaines raisons, à leurs parents biologiques. Et puisque nous sommes des infirmières puéricultrices, nous avions de la compassion pour ces enfants. Nous avons donc voulu améliorer leur entrée dans la vie et leurs souvenirs des débuts de leur enfance. »
Les secrets de la mallette de souvenirs
Que cache donc concrètement cette petite valise colorée qu’obtient dans cet hôpital chaque enfant abandonné à l’heure de son départ ?
« Le plus important élément de cette mallette est un livre dans lequel nous notons différentes circonstances de la naissance de l’enfant. Il y a bien sûr des données comme la taille et le poids du bébé. Mais nous nous efforçons d’y mettre aussi des informations plus personnelles. Nous donnons au bébé par exemple un surnom, nous faisons une photo de l’infirmière qui était présente pendant l’accouchement, nous inventons pour l’enfant un petit poème, toutes les infirmières et le médecin signent aussi une carte de vœux, nous prenons des empreintes de main et de pied du bébé… Bref, nous voulons que les informations dans le livre soient vraiment les plus personnelles possible. Il ne devrait pas s’agir seulement des données générales que tout le monde peut trouver dans les registres d’état civil. On essaie de montrer une approche individuelle pour le bébé. »Outre le carnet de naissance, des vêtements pour bébé, des chaussures ou encore un bonnet tricoté, un premier jouet ou encore un biberon sont fournis à l’enfant. Tous ces objets sont donnés par différents sponsors et ONG ou tout simplement par des particuliers. De plus, un journal est également ajouté, pour que, plus grand, l’enfant puisse connaître la météo et les principales informations du jour où il est venu au monde. La tâche est un peu plus compliquée pour ce qui est des premières photos de l’enfant :
« Pour ne pas violer la loi relative à la protection des données personnelles, nous sommes obligés de demander à la mère biologique de signer un document nous permettant de faire des photos. Quand on obtient cet accord, nous faisons des photos pendant les premiers soins du bébé, avec une infirmière et souvent même pendant la remise du bébé à sa famille d’accueil. »
L’objectif : faire participer toutes les maternités du pays
A Královské Vinohrady, les mallettes ont commencé à être distribuées en 2013. Depuis, cinq autres hôpitaux dans le pays, à Prague, à Olomouc, à Ostrava, à Ústí nad Labem et à Kladno, se sont associés au projet. Michaela Chmelařová décrit cette évolution :
« Le projet se poursuit déjà depuis plusieurs années. J’ai présenté cette activité de notre hôpital pendant différents séminaires et conférences destinés au personnel infirmier. J’ai essayé de motiver les infirmières à s’associer à cette initiative même s’il s’agissait d’un travail supplémentaire pour le personnel qui est déjà surchargé. J’ai donc essayé plutôt de les familiariser avec des possibilités qui existent dans ce domaine. J’ai donné aussi des conférences au ministère du Travail et des Affaires sociales car il est nécessaire de coopérer aussi avec les services de l’aide sociale à l’enfance. Puis, plus tard, on a créé la fondation ‘La Vida Loca’ qui a pris ce projet sous son patronage. Il a donc commencé à se propager très différemment. Nous avons découvert que suite à mes conférences, l’idée a pris corps également dans d’autres maternités en République tchèque. J’espère qu’on va réussir à unifier le concept. Par ailleurs, on prépare une réunion des employés des maternités associées à ce projet qui nous permettra d’échanger nos expériences et de motiver ensemble d’autres maternités à suivre notre exemple. »Prochainement, c’est au tour des hôpitaux de Karlovy Vary, de Hradec Králové et de Šumperk de préparer aux enfants leurs mallettes. Mais l’initiative ne veut pas s’arrêter là. Le but est ni plus ni moins de persuader toutes les soixante maternités dans le pays d’aider les enfants abandonnés à conserver des souvenirs de leur enfance.
La mallette comme un symbole
Et que se passe-t-il avec la mallette après le départ de l’enfant de l’hôpital lorsqu’il est placé en institution ou en famille d’accueil ?
« Nous motivons les familles d’accueil à continuer. Les parents d’accueil sont informés de l’existence de cette activité déjà pendant leur formation, avant l’arrivée de l’enfant. Ils savent donc que dans la maternité à l’Hôpital de Vinohrady, l’enfant obtiendra une mallette et ils savent aussi que l’objectif du projet est de continuer et de rassembler d’autres fragments de sa vie. Car cet enfant peut vivre différentes étapes, il peut changer la famille, etc. Et nous voudrions qu’il ait tout le temps, de manière continue, des informations relatives à son enfance. »Pourtant, pour Michaela Chmelařová, la mallette n’est pas seulement un objet dans lequel on peut placer tous ces petits cadeaux :
« La mallette symbolise un moyen pour ramener l’enfant aux premières étapes de sa vie. C’est nous qui le renvoyons au début de ce voyage. »