Une mosaïque des sœurs Válová redécouverte et vouée à être sauvegardée
Phénomène tout à fait unique en son genre, l’art des sœurs Jitka et Květa Válová n’a pu accéder à la reconnaissance qu’après 1989 et la chute du régime communiste qui les a empêché d’exposer leurs œuvres. Aujourd’hui, une mosaïque longtemps considérée comme perdue fait l’objet d’une campagne visant à la sauvegarder alors que le bâtiment qui l’abrite doit être démoli.
LIRE & ECOUTER
« Une tache noire sur Kladno la rouge ». Voilà comment l’écrivaine communiste Marie Majerová décrivait les sœurs Jitka et Květa Válová, deux artistes dont la création libre de tout carcan n’avait pas l’heur de plaire aux autorités de l’époque et alors que seul le respect des canons du réalisme socialiste assurait de se faire une place au soleil.
Aujourd’hui considérées comme des artistes phares de la génération d’après-guerre, les sœurs jumelles ont passé toute leur existence côte à côte, à créer dans cette ville industrielle située à une trentaine de kilomètres de Prague. Il y a deux ans, à l’occasion du centenaire de leur naissance, la Galerie de la région de Bohême centrale (GASK) à Kutná Hora avait organisé une grande exposition rétrospective permettant au public de (re)découvrir leur œuvre singulière : si celle-ci comprend essentiellement des peintures et des dessins, elles ont également créé quelques objets, dont une mosaïque composée de milliers de morceaux de verre, suite à une commande en 1976 de l’ancien Institut de recherche sur l’automatisation situé dans le quartier de Michle à Prague.
Magdalena Kracík Štorkánová, de l’organisation MOZAIKA, explique dans quelles conditions la grande mosaïque des deux sœurs artistes a été créée :
« À l’origine, elle se trouvait dans un espace ouvert qui servait de salle à manger. Elle est fabriquée en verre pressé tchèque préfabriqué de Železný Brod, ce qui s’explique probablement par le fait que Jitka a étudié à l’école de verrerie locale. La raison pour laquelle elles ont choisi des orchidées pour la salle à manger d’un institut de recherche reste un mystère. Ce qui est également intéressant, c’est que les mêmes orchidées sont représentées dans leur maison et leur atelier de Kladno, où les sœurs ont passé toute leur vie et qui est aujourd’hui un musée. Des détails de la mosaïque apparaissent dans leur salle de bain. Je pense qu’il devait s’agir d’une sorte de test pour la future mosaïque. »
Après la Seconde Guerre mondiale, les deux sœurs étudient auprès du peintre Emil Filla qu’elles considéraient un peu comme un père de substitution. Faute de pouvoir vivre de leur art, les deux femmes ont toujours été soutenues financièrement par leur mère ainsi que par des amis artistes, tout au long de leur vie. Malgré cela, il arrive, avec le relatif assouplissement du régime politique après les dures années staliniennes, qu’elles puissent réaliser une œuvre sur commande, comme dans le cas de cette mosaïque. Bien qu’il existe des photographies montrant les sœurs en train de travailler sur cette œuvre monumentale de 5,5 sur 3,5 mètres, on a longtemps cru qu’elle avait été perdue. Il y a quelques années, Magdalena Kracík Štorkánová et ses collègues découvrent toutefois que le bâtiment et la mosaïque existent toujours :
« Nous nous sommes immédiatement rendus sur place et avons demandé à la réception si, par hasard, il n’y avait pas une mosaïque dans le bâtiment. La réceptionniste nous a conduits jusqu’au fond du rez-de-chaussée et là, nous sommes restés stupéfaits. La mosaïque se trouvait dans une salle utilisée par les employés pendant les pauses et elle était presque entièrement recouverte par des étagères remplies de nourriture et de café. »
Actuellement, le bâtiment où se trouve la mosaïque est voué à être démoli. Il est désormais plus que nécessaire, selon Magdalena Kracík Štorkánová de sauver la mosaïque, bien préservée malgré les années, en lui trouvant un nouveau lieu qui pourrait l’accueillir :
« Nous avons discuté avec le propriétaire du bâtiment et avons appris qu’il était voué à être démoli. Nous avons donc contacté Marie Foltýnová de la Galerie de la ville de Prague et nous avons préparé ensemble un contrat, stipulant que la mosaïque sera donnée à la galerie qui est maintenant à la recherche d’un nouvel espace pour l’accueillir. »
D’ailleurs, la mairie du IVe arrondissement de Prague, où se trouve le quartier de Michle, a également exprimé son désir que la mosaïque reste sur son territoire. Cette œuvre fragile de verre n’est pas la seule création des sœurs Jitka et Kveta Válová à se trouver dans le bâtiment du quartier de Michle. La façade en céramique comporte également une œuvre de Jitka Válová représentant des cartes perforées dont Magdalena Kracík Štorkánová espère qu’elle pourra également être conservée. En attendant, il est possible d’aller admirer le monde dans lequel les sœurs jumelles ont composé l’œuvre d’une vie dans leur maison de Kladno : https://dumvalovek.cz/