Une plate-forme européenne pour une meilleure coordination de la lutte contre l’exclusion des Roms
Dans un contexte particulièrement difficile, la nouvelle plate-forme européenne pour l’insertion des Roms a tenu sa première réunion vendredi dernier à Prague ; elle a pour objectif « de mieux coordonner les mesures prises à l’échelon national afin de lutter contre un phénomène d’exclusion qui touche les membres de la plus grande minorité ethnique d’Europe ».
Une nouvelle « plate-forme » après « la décennie pour l’inclusion des Roms » : on a parfois l’impression qu’on entreprend souvent des choses au niveau institutionnel et qu’on a du mal à voir un impact concret au niveau de la population.
« Naturellement, parfois on peut avoir cette impression. Mais c’est la raison pour laquelle nous avons crée cette plate-forme, pour stabiliser la base et donner à la question de l’inclusion des Roms une position au niveau de toutes les institutions européennes pour tenir notre effort sur la longueur, avec des résultats qui, je pense, seront utiles et visibles. On ne peut pas dire qu’il n’y a pas de succès : il y a des projets qui sont assez bons par exemple en Espagne, il y a aussi des projets solides qui ont aidé des milliers et des milliers de gens en Hongrie ou en Tchéquie. Mais même si les résultats ne sont pas toujours mauvais, ce n’est pas suffisant. C’est la raison pour laquelle cette plate-forme a été créée. »
Vous parliez de l’Espagne : y a-t-il des pays dans lesquels ça se passe mieux ou tous les pays sont-ils au même niveau et n’arrivent pas à trouver de politique efficace d’intégration des Roms ?
« Tous les pays ne sont pas au même niveau. J’ai cité l’Espagne et c’est sans doute un bon exemple. En Hongrie et maintenant aussi en Bulgarie notamment on peut voir des efforts. On ne peut pas dire que tous les pays sont au même niveau. Mais on ne peut pas encore être tout à fait satisfait, il y a des résultats positifs mais ça ne suffit pas. »
En République tchèque on a du mal à voir apparaître sur la scène politique des leaders et des personnes qui pourraient être capables, comme en Hongrie par exemple, de prendre une place en représentant et en défendant la cause des Roms...
« Je pense que ça arrive. Il faut préciser qu’en Tchéquie la minorité rom représente plus ou moins 2% de la population alors qu’en Hongrie ce chiffre est beaucoup plus élevé, mais je pense que ça va arriver ici. »
La Hongroise Livia Jaroka participait également à cette réunion pragoise. Elle est l’une des deux seules députées roms du Parlement européen :
« Ma situation et la situation de ma collègue qui est aussi arrivée à une ‘position élevée’ est liée, je pense, à l’éducation que nous avons reçue. J’ai toujours été une bonne élève, même si je dois ajouter que je n’ai jamais été dans une classe où il y avait de la ségrégation, grâce à l’engagement de mon père. »
« Ce qui fait un bon leader rom, c’est une très bonne connaissance du terrain, pas seulement vivre dans un endroit mais aussi connaître la situation des autres Roms en Europe. J’ai eu la chance d’engranger de l’expérience parce que j’ai fait partie des mouvements hongrois et internationaux de Roms depuis l’âge de 18 ou 20 ans. J’ai été étudié l’anthropologie et la sociologie en me spécialisant sur les Roms et en écrivant mon doctorat sur le sujet, tout en vivant la réalité rom. »
« Mais c’est également très important d’avoir le soutien des Roms eux-mêmes. Et ce que je vois comme un gros problème aujourd’hui est que l’ancienne génération essaye de manipuler ou d’utiliser les jeunes Roms qui sont peut-être plus intelligents ou mieux éduqués. Au niveau local ou national, je vois ce type de conflits entre jeunes et anciens. Ce dont nous avons besoin est de construire sur les bases de la connaissance, de l’expérience et de la capacité à mener des anciens mais aussi amener des jeunes garçons et filles qui peuvent d’abord organiser les Roms d’une autre manière. Pas d’une manière paternaliste comme avant, mais d’une façon beaucoup plus progressiste et basée sur le droit. »« Les leaders ont un rôle extrêmement important, ils doivent faire en sorte que les Roms soient impliqués dans ce processus dont nous parlons ici, cette plate-forme européenne et l’intégration des Roms. Nous voulons changer la situation des Roms dans toute l’Europe, une situation qui est tellement mauvaise aujourd’hui. Les leaders roms doivent être beaucoup plus responsables en ce qui concerne le besoin de développer une nouvelle génération de leaders. »
Si la communauté rom tchèque manque encore de jeunes leaders, en revanche c’est un jeune Rom qui va représenter la République tchèque à l’Eurovision. Radoslav « Gipsy » Banga et son groupe Gipsy.cz défendront les couleurs tchèques au mois de mai à Moscou:
« Nous les Roms, nous n’avons pas de fortes personnalités qu’on pourrait admirer. Nous n’en avons pas à l’échelle européenne – je ne compte pas les Gipsy Kings -, il n’y en a pas au niveau politique. Et l’Eurovision peut peut-être donner à Gipsy.cz l’occasion de remplir un vide, en tout cas je l’espère. »