Une pyramide d’ossements restaurée bientôt réassemblée à l’ossuaire de Kutná Hora
Lieu pour le moins insolite et très prisé par les touristes, l’ossuaire de Kutná Hora en Bohême centrale va bientôt retrouver sa pyramide d’ossements qui a dû subir d’importants travaux de nettoyage et de restauration. Cet immense assemblage de centaines de milliers d’os et de crânes devrait être à nouveau visible du public d’ici la fin de l’année.
Avant la pandémie de Covid-19, l’ossuaire de Kutná Hora, situé dans la petite église de Sedlec, était tous les ans visité par près d’un demi-million de touristes. Des visiteurs attirés tant par la charmante ville classée à l’UNESCO que par le décor intérieur singulier de l’édifice gothique remanié à l’époque baroque par Jan Blažej Santini-Aichel : en effet, l’église abrite en son sein les ossements de 40 000 à 70 000 personnes mortes de la peste dans la première moitié du XIVe siècle ou, un peu plus tard, lors des guerres hussites.
Tous ces ossements ont été arrangés de telle sorte à former des décorations : dais, chandeliers, blasons, lustres et autres sculptures d’ossements empilés. Une forme de dévotion qui peut sembler morbide à nos yeux contemporains qui ne voient presque plus les morts, a fortiori des ossements, mais qui n’a rien de surprenante si l’on se replace dans le contexte des XVIIe-XVIIIe siècle, époque à laquelle les intérieurs ont été ainsi aménagés.
La singularité du lieu de piété l’a d’ailleurs rendu victime de son succès : depuis 2020, il est d’ailleurs interdit de prendre des photos à l’intérieur. En cause, les manque de respect de certains visiteurs pour ces lieux sacrés, qui n’hésitaient pas à se prendre en selfie ou à manipuler les ossements, et à publier des photos douteuses sur les réseaux sociaux.
Parmi ces décors qui sortent de l’ordinaire, quatre pyramides d’ossements, donc, dont l’une a été désassemblée et est actuellement en phase de – longue – reconstruction. Vít Mlázovský est l’architecte en charge du projet :
« Les quatre pyramides ont de gros problèmes qui conduisent à leur destruction progressive et à un changement de forme. En cause, l’humidité, et donc par ricochet des moisissures et des champignons dans la partie inférieure de la pyramide. Donc le travail de restauration de cette pyramide est un projet pilote qui nous permet de tester toutes les procédures de restauration. Nous avons dû imaginer des procédures permettant d’empêcher à la fois la destruction et la déformation des ossements et l’affaissement de la structure. »
Pour traiter les os et les crânes, les restaurateurs ont utilisé les mêmes procédures que leurs prédécesseurs, comme l’explique l’un d’entre eux, Tomáš Král :
« Nous savons grâce à des documents d’époque que dès le XVIe siècle, les dépouilles exhumées des tombes subissaient un traitement spécifique. Une solution à base de lait de chaux était utilisée pour éliminer la saleté, et servait également de désinfectant. Ce n'est qu’après avoir été séchés que les ossements étaient placés à l'intérieur de la chapelle. »
Si l’idée était de préserver autant de restes historiques que possible, les restaurateurs ont dû se faire une raison : certains ossements étaient inutilisables en raison des effets de l’humidité et du temps. Sur les 12 mètres cubes d’ossements d’origine formant la pyramide, environ 4 mètres cubes ont disparu. Ainsi, de l’extérieur, la pyramide ressemblera exactement à ce qu’elle était il y a quelque 500 ans. Cependant, le nouveau monticule pyramidal sera creux, et les ossements seront assemblés sur une construction en bois, comme le détaille Tomáš Král :
« Après avoir installé la structure porteuse en bois, nous allons poser des éléments en bois d’origine qui ont été restaurés. Ce n’est qu’après cela que nous allons remonter et assembler les ossements. Nous aimerions terminer la pyramide d’ici la fin de l’année, mais cela risque de prendre un peu de retard : nous sommes encore en train de déterminer et d’apprendre comment exactement replacer tous les ossements comme ils l’ont été à l’époque. »
Les travaux de restauration de l’ensemble de l’église de Sedlec et de ses intérieurs sont en cours depuis 2014 et devraient durer encore au moins deux ans. Malgré ces travaux d’envergure, le site est resté ouvert au public – excepté pendant les différents confinements liés à la pandémie de Covid-19. C’est d’ailleurs à l’occasion de ce chantier qu’en 2019, lors de fouilles réalisées aux abords du célèbre ossuaire, les archéologues ont découvert quelque 34 fosses communes contenant 1 200 squelettes. La plupart des dépouilles découvertes étaient également celles de victimes de la peste noire et de la famine.