Une rencontre des écrivains de langue française

Six écrivains d'origines et de pays différents se sont rencontrés, ce lundi, dans le cadre d'un débat à l'Institut français de Prague. Leur dénominateur commun est la langue française. Ils écrivent tous en français. Pourquoi ont ils choisi la langue française, dans quelle mesure l'exile politique ou intérieur dans lequel certains d'entre eux ont vécu, a influencé leur création littéraire ? Ces deux questions parmi d'autres ont surgi lors de ce débat organisé à l'occasion de la journée internationale de la francophonie et les réponses étaient évidement très diverses.

Pour Henry Lopes, écrivain congolais qui est aujourd'hui ambassadeur de son pays à Paris, le choix de la langue française était une évidence et une nécessité. Considère-t-il donc le français comme sa langue maternelle ?

« Oui et non. Disons que beaucoup de Congolais, et même la plus grande partie des habitants congolais ont appris le français l'école, en tout cas ceux qui sont de ma génération, j'ai soixante-dix ans dans quelques mois. En même temps le français est la langue officielle. Le français est la langue dans laquelle tous les actes gouvernementaux et institutionnels sont rédigés, l'hymne national est chanté en français donc le français est devenu une langue africaine. Je n'avais pas d'autre choix parce que je peux dire que de mon enfance, maternellement et paternellement, j'étais multilingue, je parlais plusieurs langues africaines et le français. Aucune des langues de mon enfance n'est une langue écrite. La seule langue écrite de mon enfance était le français et la question ne se posait pas autrement pour moi. Si j'écrivais cela ne pouvait être qu'en français, parce que j'avais été alphabétisé et j'avais appris à nommer les choses en français. »

A l'écrivain tchèque Vaclav Jamek, prix Médicis, le français a permis de se libérer :

« Oui, c'était un processus assez long et, pour utiliser le mot qu'on n'utilise plus guère, assez dialectique, et il n'était pas 'tout droit'. Le français m'a libéré d'abord quand j'avais seize, dix-sept ans, parce que j'étais dans une situation de blocage affectif. Ma vie jusque-là, cela avait été de me taire sur ce que j'étais, sur mon affectivité et pas pour des causes d'interdits quelconques. Il y avait des interdits, mais ce n'était pas le problème. Le problème était de me livrer, de sortir d'un enfermement introspectif et introverti. Et le français me l'a permis paradoxalement parce que je le connais moins bien que le tchèque. J'avais une connaissance primitive du français et du coup, les choses que je formulais en français ne me blessaient pas parce que je ne les pesais pas. J'avais une sorte d'insensibilité dans le français alors que j'avais une sensibilité extrême dans le tchèque et je n'arrivais pas à formuler certaines choses en tchèque. Mais je dis que c'était dialectique parce que le français d'abord a continué de se perfectionner et puis le tchèque a profité de l'ouverture que le français m'avait permise. »

(Nous reviendrons sur le débat des écrivains de langue française ce samedi dans la rubrique «Rencontres littéraires ».)