Une visite du château de Kynzvart
Bonne année 2004, chers amis auditeurs. Le sujet de cette première édition de la rubrique touristique m'a été suggéré par M. Christian Canoën. Sur sa demande, nous reparlerons du château de Kynzvart, qui mérite vraiment d'être visité, d'autant qu'il se trouve non loin du passage frontière tchéco-allemand, sur le chemin de Paris à Prague.
Le domaine de Kynzvart, confisqué à la noblesse tchèque après la bataille de la Montagne Blanche, a incombé à la famille Metternich de Rhénanie, en 1623. Elle l'a gardé jusqu'en 1945. Les capacités exceptionnelles et le charisme de certains membres de cette famille, la concentration unique de collections d'art, de livres, de monuments précieux portant l'empreinte de l'authenticité historique, la dimension européenne accentuée par la présence de grandes figures de la culture européenne, tout cela a fait de Kynzvart un lieu d'inspiration qui mérite, sans exagération quelconque, d'être appelé le phénomène Kynzvart. Les traces de ce rare phénomène sont tout particulièrement intenses dans la bibliothèque et dans le cabinet des curiosités que nous allons visiter tout de suite. Mais un peu d'histoire d'abord.
Entre 1681 et 1691, le comte Philippe Emmerich von Metternich a fait construire, sur l'emplacement de l'ancienne forteresse Renaissance délabrée, un château baroque. Celui-ci a subi, entre 1820 et 1833, un remaniement Empire de style classicisme viennois dont il est resté empreint jusqu'à aujourd'hui. Le château était alors la résidence du prince Cléments Wenzel, prince de Metternich, ministre autrichien des Affaires étrangères, chancelier autrichien et politicien d'influence européenne: c'est selon sa mise en scène que se déroula le congrès de Vienne réglant les rapports internationaux après la défaite de Napoléon. Au début de l'année révolutionnaire 1848, le chancelier a donné sa démission. Jusqu'à sa mort, en juin 1859, il séjourna à Kynzvart.J'e vais maintenant essayer de vous transmettre des impressions de la visite du château. Commençons par les collections d'oeuvres-d'art qui font partie intégrante et naturelle des intérieurs représentatifs. Parmi les objets les plus précieux, il y a 4 tableaux sur panneaux de style gothique tardif du peintre allemand Bernard Strigel de 1510, tableaux qui présentent la légende de la trouvaille de la Croix sainte. Il y a aussi une très précieuse tapisserie française Renaissance. En 1908, le prince Metternich a fait déménager à Kynzvart une importante partie de sa collection qui se trouvait dans sa villa viennoise et qui contenait une trentaine de tableaux, plus de 150 miniatures, une quarantaine de précieuses plastiques en marbre, des bustes, des reliefs et des vases décoratifs de style empire.
La bibliothèque du chancelier Metternich se range parmi les plus importantes bibliothèques aristocratiques en République tchèque. Elle contient plus de 12 000 titres en 24 000 tomes. Parmi les 160 manuscrits, il y a un fragment des cinq livres de Moïse du tournant des VIIIe et IXe siècles et deux lettres autographes de saint Bernard de Clairvaux du XIIe siècle. Les 230 incunables constituent l'une des plus importantes collections en son genre. Un vrai bijou de la bibliothèque de Kynzvart, un psautier richement illuminé du XIIIe siècle. Du XIVe siècle date un autre manuscrit richement illustré - "Histoire de France". La bibliothèque abrite des oeuvres de tous les domaines des connaissances humaines. Le cabinet des curiosités figure parmi les plus anciens musées d'antiquités d'Europe accessibles au public. Sa naissance est liée à la personnalité du dernier bourreau de Cheb, Karel Hussa, qui fut un chercheur et un philosophe marquant de la région. Ses collections de monnaie et de curiosités ont posé les bases de ce cabinet. La collection numismatique contient 11 000 exemplaires et on y trouve des pièces antiques, moyenâgeuses et orientales. Une partie importante du cabinet sont des objets personnels de personnalités connues: l'épée du roi Louis XIV, l'amulette turque de Lord Byron, le livre de prières de la reine de France Marie Antoinette et un papier écrit dans son cachot, la veille de son exécution, avec un message adressé au peuple français, le fauteuil d'Alexandre Dumas et son bureau couvert de fragments de la pièce non publiée Roméo et Juliette, le manuscrit d'une partition de Richard Wagner dédiée à la princesse Paulina de Metternich, ou encore un médaillon renfermant des cheveux de Beethoven. Le cabinet des curiosités a été enrichi de trouvailles archéologiques de la Grèce et de la Rome antiques, des fouilles de Pompei, d'objets du Mexique, du Pérou, et des momies égyptiennes offertes en don par le vice-roi d'Egypte Mouhmad Ali. On y trouve, entre autres, aussi une brique de la tour de Babylone, un fragment de la pierre du Temple de Jérusalem, etc, etc. La fin de la carrière politique du chancelier Metternich est évoquée par un boulet de canon ayant pénétré dans son cabinet de travail lors du bombardement de Vienne, en 1848. De nombreuses curiosités documentent les progrès techniques et l'habileté des artisans: des camées de pierre précieuses, des gemmes, des bagues, des cachets... ainsi que des daguerréotypes les plus anciens, y compris un exemplaire authentique offert par Daguerre à Metternich. Las de cette visite, nous pouvons terminer notre promenade dans le parc du château, lui aussi une perle du style empire. Son fondateur, le jardinier viennois Riedl, l'a conçu de façon à permettre trois échappées de vues du château. La partie sud du parc est enfermée par un salon de thé et la chapelle de la Sainte-Croix. Au nord-ouest, le chancelier a fait ériger un obélisque en hommage à l'empereur François 1er. Des fontaines, des sculptures, des pavillons romantiques, des coins de repos idylliques et des recoins cachés au milieu de la verdure complètent l'aménagement original du parc, qui se distingue, aussi, par son système d'étangs.