Ancienne résidence du chancelier Metternich, le château de Kynžvart au cœur de l’histoire européenne du XIXe siècle
Parmi les dix nouveaux sites qui ont récemment reçu le label du patrimoine européen de la Commission européenne se trouvent trois localités tchèques, dont le château de Kynžvart en Bohême de l'Ouest. L’occasion de partir à la découverte de ce bâtiment, théâtre de certains moments importants de l’histoire européenne puisqu’il est lié à un des personnages les plus importants du XIXe siècle, le prince de Metternich (1773-1859), chancelier de l’empire austro-hongrois et ancien ambassadeur à la cour de Napoléon Bonaparte.
Si l’évolution de la situation sanitaire actuelle le permet et que le plan de déconfinement progressif du gouvernement peut être appliqué à la lettre, il sera possible à partir du 8 juin prochain de visiter à nouveau des châteaux. Puisque les voyages à l’étranger risquent de se réduire à la portion congrue, au risque de se retrouver une nouvelle fois en quarantaine au retour, autant planifier quelques visites en Tchéquie. Et pourquoi ne pas aller découvrir le château de Kynžvart que la Commission européenne a distingué, via son label, pour sa valeur symbolique et le rôle qu’il a joué dans l’histoire européenne ?
Ancienne résidence baroque remaniée à grands frais en demeure de type Empire, mais version autrichienne, par le chancelier Metternich entre 1821 et 1836, Kynžvart a accueilli des diplomates et les plus grands personnages de l’époque, venus des quatre coins de l’Europe. Conservateur du château de Kynžvart, Ondřej Cink confirme la valeur patrimoniale du site :« Au cours de la première moitié du XIXe siècle, le ministre des Affaires étrangères puis chancelier autrichien Metternich a organisé de nombreux évènements diplomatiques au château de Kynžvart. Entre ces murs ont été signés des documents importants qui ont eu une incidence sur le futur de cette région européenne. Nous voulons utiliser cet héritage historique dans le cadre de programme culturels qui soutiennent le projet européen, l’intégration européenne, des programmes qui mettent l’accent sur les valeurs européennes et nos valeurs communes. »
Le château de Kynžvart se situe dans le fameux triangle thermal de Bohême de l’Ouest, formé par les trois villes d’eau les plus célèbres où de grandes figures politiques, littéraires et artistiques de l’époque avaient leurs habitudes. Il existe même aujourd’hui un sentier Metternich à destination des touristes, à Mariánské lázně, située à une dizaine de kilomètres à peine du château. D’ailleurs la petite ville de Kynžvart est elle aussi connue pour ses sources thermales.
S’il a fini sa vie en exil, puis à l’écart de la vie politique à Vienne, le prince de Metternich a eu auparavant largement le temps de vivre dans le faste et le raffinement que permettent titre, position sociale et fortune. Tout ce petit monde de l’aristocratie politique ou artistique de l’époque se pressait donc pour prendre les eaux dans la région, et le cas échéant, à Kynžvart comme en témoignent les riches livres d’or de la maison : l’empereur Ferdinand Ier d’Autriche, logiquement, son héritier le futur François Joseph, mais aussi le banquier Rothschild ou tel grand personnage venu de Perse.
Ce qui fait aussi la richesse de ce château, hormis son magnifique parc, ses dépendances et même sa brasserie, c’est l’incroyable collection d’art entamée par le père de Metternich puis complétée par le futur chancelier lui-même.
« Le chancelier Metternich était très cultivé et un collectionneur passionné. Il savait reconnaître la valeur des objets. Grâce à sa position sociale et ses moyens financiers, il a fait l’acquisition d’œuvres très rares dont nous avons la chance qu’elles se trouvent toujours au château, mais aussi de choses plus ordinaires à partir desquelles il a plus tard créé son célèbre cabinet de curiosités. Il contient plus de 2000 objets, tous liés à une personnalité, un endroit, un événement particuliers. A côté de ces objets de collection, Metternich recevait également beaucoup de cadeaux. Aujourd’hui, nous appelons cela la collection de cadeaux diplomatiques parmi lesquels on trouve une collection d’art égyptien, la troisième plus importante en pays tchèques. On y trouve même deux momies égyptiennes dans leur sarcophage en bois. »
Les visiteurs peuvent également admirer quatre autels gothiques, une tapisserie française de la Renaissance représentant une scène de chasse et datée de 1560 ainsi que plusieurs portraits de la Renaissance et du début de l’époque baroque. Autant de pièces qui se trouvaient auparavant dans la villa viennoise du chancelier autrichien et transférées plus tard au château de Kynžvart. Autre curiosité, une table ayant appartenu à nul autre qu’Alexandre Dumas, acquisition, non du chancelier lui-même, mais de son fils :« C'était un diplomate comme son père. Richard Metternich a longtemps séjourné à la cour de Napoléon III à Paris. C’est là qu’il a rencontré la famille Dumas. Après la mort d'Alexandre Dumas père, sa fille Marie Alexandrine a fait don de toute une collection d'objets de son père au château de Kynžvart. C'est pourquoi nous possédons aujourd'hui le bureau où Dumas a écrit Les Trois mousquetaires et Le Comte de Monte-Cristo. Nous exposons également un fauteuil de l'écrivain, un porte-plume et un portfolio décoré de malachite. »
Outre la collection d’art, la bibliothèque constituée par le chancelier fait partie des plus importantes de République tchèque : elle contient plus de 12 000 titres répartis en 24 000 volumes. Quelques raretés s’y trouvent également comme 230 incunables, une des plus grandes collections de livres datant d’avant Gutenberg dans le pays.
Le château de Kynžvart a subi d’importants travaux de restauration au début des années 2000, en partie financés par l’Union européenne. Il faudra encore un peu de patience avant de pouvoir aller découvrir les riches coulisses préservées d’une des périodes les fascinantes de l’Europe du XIXe siècle.