Uprchlík, migrant, běženec : la crise migratoire en tchèque

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Chers amis tchécophiles, bonjour - dobrý den ! La tradition veut qu’en fin d’année, quand les rédactions cherchent désespérément à remplir colonnes et programmes entre Noël et la Saint-Sylvestre, un mot soit choisi comme mot de l’année écoulée, sondage plus ou moins fiable à l’appui.

Le charisme du président tchèque allié à son goût pour les boissons fermentées et la poésie ont eu pour conséquence de faciliter le choix des mots les années précédentes, avec notamment sa fameuse « virose »/ « viroza » contractée après une éprouvante réception à l’ambassade russe, puis le mot anglais « pussy », mal prononcé mais traduit pour le moins crûment en tchèque par un chef de l’Etat très désireux de faire comprendre aux auditeurs de la radio publique que les Pussy Riot n’avaient rien à voir avec des félins de compagnie.

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Il ne fait guère de doute que le mot de l’année 2015, sélectionné dans deux mois, sera lié de près ou de loin à la « crise migratoire »/ « migrační krize » que connaît actuellement l’Europe, d’autant que le président Zeman se prononce souvent sur la question avec le sens de la nuance qu’on lui connaît.

Quel sera ce mot ? Peut-être « uprchlík » uprchlice» au féminin et « uprchlíci » au pluriel) qui peut signifier « réfugié » et provient du verbe « uprchnout », en français « fuir » ou « s’enfuir » ou même « s’évader ». Du coup, un évadé de prison sera appelé un « uprchlý vězeň ».

Le mot « uprchlík » est la dénomination d’un réfugié au sens officiel du terme, employé dans les conventions et institutions internationales. Par exemple, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et appelé en tchèque « Úřad Vysokého komisaře OSN pro uprchlíky ».

La langue tchèque propose néanmoins de nombreux autres mots qui sont censés définir le concept de « réfugié » ou de « migrant » sans vraiment distinguer les deux :

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« Běženec », à rapprocher du verbe « běžet » (« courir ») et qui aurait été emprunté au russe беженец. Exemple dans le titre d’un article de cette fin de semaine : « Slovinsko kvůli běžencům požádalo EU o policejní jednotky » (en français : « La Slovénie demande des unités de police à l’UE à cause des migrants ».

« Utečenec » est un terme qui vient du verbe « utéct » (« se sauver ») et qui reste employé davantage en slovaque qu’en tchèque, même si une citation du chef de l’Etat s’impose à nouveau ici, rapportée par l’agence de presse ČTK : « Islámští utečenci nebudou podle prezidenta Miloše Zemana dodržovat a respektovat naše zákony a zvyklosti » (« Selon le président Miloš Zeman, les migrants islamiques ne respecteront pas nos lois et nos traditions »).

« Migrant » est évidemment le terme emprunté aux langues latines et au verbe latin « migrare », « voyager au loin », et de plus en plus employé avec l’afflux massif de nouveaux arrivants. La légende d’une photo de l’agence ČTK était rédigée de la manière suivante : « Migranti a uprchlíci se tlačí ve frontě v registračním středisku pro žadatele o azyl », soit en français « Migrants et réfugiés se pressent dans la file d’attente au centre d’enregistrement pour les demandeurs d’asile ».

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L’asile justement, parlons-en. Un demandeur d’asile est donc en tchèque un « žadatel o azyl » ou plus précisément un « žadatel o udělení mezinárodní ochrany » (demandeur de protection internationale).

D’après les chiffres communiqués par les autorités, leur nombre en République tchèque reste relativement stable, car d’autres pays comme l’Allemagne et la Suède sont les destinations privilégiées par ceux qui sont en route.

Toutefois, si une personne fait une demande d’asile dans le sens de la Convention de Genève (« Ženevská úmluva ») et qu’elle finit par être acceptée, alors elle sera appelée « azylant » dont l’équivalent français serait « réfugié statutaire ».

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Cela dit, avant d’obtenir l’asile, la procédure est longue et compliquée. Les choses se compliquent davantage lorsqu’on évoque les infrastructures dans lesquelles on enferme les migrants sur le territoire tchèque. Gérés par le service des installations pour réfugiés du ministère de l’Intérieur ou « Správa uprchlických zařízení Ministerstva vnitra », ils sont parfois appelés « uprchlický tábor », soit « camp de réfugiés » même si, selon la terminologie officielle, ils sont divisés en plusieurs catégories :

« Přijímací střediska » : « centre d’accueil », comme à l’aéroport et à Zastávka u Brna, pour ceux qui entament une procédure.

« Pobytová střediska » : « centre de séjour », comme à Kostelec et à Havířov pour ceux qui ont déposé une demande d’asile.

« Integrační střediska » : « centre d’intégration », comme à Jaroměř, Předlice, Brno et Havířov pour ceux dont la demande a été acceptée.

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« Zařízení pro zajištění cizinců » : « infrastructure de rétention des étrangers » également appelée « detenční zařízení » (infrastructure de détention), comme à Bělá, Vyšní Lhoty et Drahonice, et c'est ce type de camps qui fait l’objet des principales polémiques en ce moment, et dont les conditions ont été critiquées par la « Ombudsmanka », « médiatrice de la République ».

« Centra na podporu integrace cizinců » : « centres de soutien à l’intégration des étrangers », qui sont cofinancés par l’Union européenne.

Il reste encore quelques semaines avant que le mot de l’année 2015 soit choisi. Faites vos jeux.