Usage des diminutifs : quand ce qui est petit n’est plus mignon (2nde partie)
Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague ! Nous allons revenir sur l’usage des diminutifs – zdrobněliny, dans la langue tchèque. Comme nous l’avions remarqué lors de l’émission précédente, à la différence du français, où leur emploi est somme toute assez restreint et figé, les Tchèques sont très friands de ces diminutifs, formés à partir des substantifs comme des noms propres, généralement à l’aide d’une suffixation. Certains se plaignent cependant de plus en plus d’une utilisation par trop excessive et parfois même intempestive de ce procédé de dérivation lexicale qui peut servir à ajouter une idée de petite taille ou de fragilité à un mot neutre originel ou à lui ajouter une nuance affective, une connotation positive. Dans notre dernier numéro, nous nous étions ainsi intéressés notamment au mot pivo – bière, dont les diminutifs pivko, pivečko ou encore pivínko ne servent pas à désigner une « petite bière » dans le sens de « bière de petite taille », mais plutôt une « p’tite bière » comme on l’entend parfois aussi en français dans le sens de « boire une bonne bière, avec envie, avec goût » parce que l’on apprécie particulièrement cette boisson.
L’exemple de la bière vaut pour la majorité des autres substantifs. C’est bien simple, les Tchèques raffolent des diminutifs, et pas seulement lorsqu’ils s’agit de boire et de manger.
Toutefois, dans certains cas, beaucoup plus rares, l’emploi du diminutif peut avoir une connotation négative. L’exemple le plus marquant est sans aucun doute de dámička, un diminutif du mot dáma– dame, qui signifie donc « petite dame ». A la différence du français, où l’on entend parfois notamment certains commerçants interpeller une femme en l’appelant « ma p’tite dame », en tchèque, ce mot de dámička est plutôt employé ironiquement pour désigner une dame qui fait des manières ou qui se prend pour ce qu’elle n’est pas. Il en va de même également avec le mot slečinka, diminutif de slečna– demoiselle, employé le plus souvent dans un sens clairement péjoratif.
Les diminutifs sont également très présents dans le vocabulaire des enfants. Et peut-être plus encore dans celui de leurs mamans, ce qui en devient parfois franchement agaçant. C’est d’ailleurs sans doute la raison pour laquelle les diminutifs portent avec eux plutôt un attribut de féminité. Car même si les hommes tchèques parlent eux aussi par exemple de fotbálek et non pas de fotbal pour évoquer le football (et pas le baby-foot) et donc de pivečko pour suivre les matchs à la télé, il n’en demeure pas moins que ce sont d’abord les femmes tchèques et les mamans de petits enfants qui raffolent de diminutifs. Et même si elles ne sont pas mères, il n’est pas rare d’entendre des femmes, par exemple dans un magasin, s’extasier devant une paire de botičky– diminutif de boty– chaussures, ou une « petite robe » - šatičky, même si celles-ci sont de taille 42 ou XL.Outre les substantifs, les diminutifs sont aussi très souvent employés pour les noms propres. Prenons ainsi l’exemple de quelques prénoms tchèques parmi les plus courants. Chez les garçons, citons Jan - Jean, Pavel - Paul, Petr - Pierre, Tomáš - Thomas, Karel - Charles, Jiří - Georges, ou encore Lukáš - Luc. Remarquons que pour les prénoms Jean et Georges, les Tchèques, en dehors des occasions « officielles » comme à l'école ou au travail, n'emploient que très rarement leurs formes originelles, soit Jan et Jiří. Ainsi, Jan devient Honza ou encore Jenda dans certaines régions. Jiří, quant à lui, se transforme en Jirka. Tous ces prénoms possèdent plusieurs diminutifs. Ceux-ci sont généralement employés avec les enfants, mais ils peuvent aussi exprimer un sentiment, de la sympathie, de l'amitié, de l'amour, que l'on ressent pour la personne à laquelle on s'adresse. Ainsi Jean, soit Jan ou Honza ou Jenda peut se dire Honzík, littéralement « petit Jean » ou « gentil Jean », ou encore Honzíček pour les petits-enfants. L'autre forme de Jan - Jenda, nous donne Jeníček, là-aussi pour les petits enfants, mais encore Jeník, Janík, Jéňa, Jano, Janeček ou Janek. Et il en va ainsi pour la majorité des prénoms tchèques : Georges - Jiří, ou, comme nous l'avons signalé, Jirka, peut se transformer en Jiřík ou Jiříček. Paul - Pavel, peut lui devenir Pavlík, Pavlíček ; Pierre - Petr, donne par exemple Péťa ; Thomas - Tomáš : Tom, Tomi, Tomášek. Charles - Karel, se transforme en Kája, Karlík, Karlíček. Et, enfin, Luc - Lukáš, nous donne Lukášek.
Passons maintenant aux prénoms féminins, pour lesquels nous nous contenterons aussi des plus classiques d’entre eux. Comme pour les garçons, les parents tchèques ont un petit faible pour les prénoms de la Bible. Citons donc Eve - Eva, Marie - Marie, et Madeleine - Magdalena. D'autres prénoms favoris sont Thérèse – Tereza et Catherine - Kateřina. Tous ces prénoms disposent eux aussi d'une multitude de diminutifs. Ainsi Eve - Eva, peut devenir Evka, Evička, ou encore Evinka. Avec Marie - Marie, n'en citons que deux, les plus jolis, Maruška et Mařenka. Et pour cause, pour le prénom Marie, il n'existe pas moins de plusieurs dizaines de formes de diminutifs ! Concernant Madeleine - Magdalena, celle-ci peut devenir Magda, Madla, Madlenka, Magdalenka, Madluška, Magduška, ou Majka. Enfin Thérèse - Tereza, dispose, elle, de nettement moins de diminutifs. Ne mentionnons donc que Terka et Terezka. En comparaison, Catherine - Kateřina, est plus riche avec Katka, Kačenka, Katuška, Kateřinka, Káťa, voire Kátěnka.C’est donc en bien bonne compagnie, avec toutes ces petites Madeleine, Catherine, Thérèse et autres Eva que s’achève ce « Tchèque du bout de la langue » consacré une nouvelle fois aux diminutifs. Le prochain rendez-vous avec certaines particularités de la langue, ce sera dans deux semaines. D’ici-là, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !