Vague d’intoxications au méthanol et prohibition : interrogations sur le rôle de l’Etat

Photo: CTK

Le scandale causé en République tchèque par l’intoxication en masse au méthanol qui a mené à l’interdiction partielle de vente d’alcool fort alimente depuis déjà plus d’une semaine la presse nationale. Il a soulevé beaucoup de questions, dont certaines figurent aussi au cœur de cette émission. Un journaliste américain qui est établi à Prague s’interroge pour sa part sur comment peuvent se définir les « nouveaux dissidents » tchèques.

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Pavel Dvořáček est chef et propriétaire majoritaire du traditionnel producteur de distillats de fruit Rudolf Jelínek qui se vendent aussi sur le marché international. Dans les pages du quotidien Mladá Fronta Dnes, il explique comment la prohibition touche sa maison :

« Les retombées sont lourdes. La perte de confiance affecte l’ensemble du secteur, car on nous met dans le même sac que les pratiques criminelles du marché noir. Je pense que des doutes persisteront chez une partie de nos clients même à l’avenir. Ainsi, même dès l’abolition de la prohibition, les gens préféreront la bière ou le vin aux spiritueux. Pour cette année, on a prévu une baisse de quelque 8% du marché, mais compte tenu de cette tragédie, ce sera beaucoup plus. Nous perdons pratiquement l’ensemble de nos recettes, soit jusqu’à trois à cinq millions de couronnes (près de 120 000 à 200 000 euros) par jour ».

La situation actuelle serait, selon lui, une conséquence de l’approche indifférente de l’Etat à l’égard du marché noir d’alcool. Il explique :

« Il est certain que l’on ne saurait entièrement éliminer le marché noir, mais avec une pression suffisante de l’Etat, il pourrait atteindre un niveau raisonnable. Dans le monde développé, il représente près de 10 % de la consommation, tandis que chez nous, il se situe autour de 20 % ».

Jiří Pehe
« L’Etat constitue un danger pour la société, ce dont la vague de contaminations au méthanol représente une triste illustration », constate le politologue et journaliste Jiří Pehe dans un article rédigé pour le quotidien Právo. Il écrit :

« La période de la dictature communiste une fois terminée, les politiques ont refusé d’accepter que dans un contexte libre, l’Etat devrait être le garant des règles de jeu sans lesquelles ni la démocratie ni le marché ne peuvent fonctionner correctement. On s’aperçoit en effet que ce sont les Etats européens où l’Etat remplit son rôle qui se portent le mieux ».

Le journaliste s’en prend plus loin à l’attitude du président Václav Klaus selon lequel la prohibition était une « solution exagérée et simpliste ». Il va jusqu’à l’accuser d’être responsable de la situation actuelle en raison de ses précédentes dénonciations répétées de l’Etat au nom de « la main invisible du marché ». Il remarque que la faiblesse de l’Etat se traduit dans de nombreux domaines :

« La diffusion de l’alcool frelaté par la vente dans des kiosques et restaurants sordides constitue un symbole éloquent de l’Etat tchèque comme tel. Un Etat, dans lequel on boit de manière démesurée et où fleurit le marché noir d’alcool, un Etat dans lequel la consommation des stupéfiants bat des records et dans lequel il est dangereux de rouler, faute de respect des règles, ainsi que de s’inscrire dans une université, car ses diplômes peuvent être falsifiés... »

« Vivre dans un tel Etat comporte des risques », conclut l’auteur de l’article et recommande à la formation politique qui sera issue des prochaines élections législatives de définir comme l’un de ses principaux objectifs le slogan du célèbre journaliste défunt, Ferdinand Peroutka qui dit : « édifier l’Etat, un Etat efficace ».


Eric Best est un journaliste et commentateur américain qui est basé depuis de longues années à Prague. Il y a quelques mois, il a attiré l’attention en publiant sur le serveur Aktualne.cz un article sur les gens qu’il appelle « les nouveaux communistes » et qui, selon lui, aident à maintenir le système actuel par la même logique et par les mêmes comportements qu’avaient les « vrais » communistes d’avant 1989, date de la chute du régime communiste. Ces jours-ci, il a publié un nouvel article dans lequel il se penche sur ceux qui pourraient être perçus comme « les nouveaux dissidents ». Il les décrit comme suit :

« C’est un groupe plus varié que sous le régime communiste, comportant des gens d’opinions, de professions et de positions très différentes. Ils ont pourtant un trait en commun : ils sentent que le pays ne va pas dans le bon sens et qu’il faut agir vite pour réparer les choses. »

Aussi les activités « dissidentes » sont-elles variées ; elles vont depuis l’engagement dans des initiatives anti-gouvernementales, anti-corruption, anti-capitalistes ou écologistes, jusqu’aux commentaires et notes très critiques sur les réseaux sociaux. Cet activisme s’annonce désormais plus visible que jamais. Le commentateur américain ne pense toutefois pas qu’il puisse apporter une solution :

« Pour avoir un effet positif, cet activisme accru devrait être coordonné et viser un but commun. Mais ce n’est pas le cas. Par exemple, une partie des ‘dissidents’ veut orienter le pays plus vers l’Union européenne, tandis qu’une autre considère qu’une plus grande souveraineté nationale protégerait le pays face à l’Europe qui est en train de se disloquer sur les plans financier et démocratique... Les uns prétendent que pour arriver à un changement, le système actuel doit s’écrouler. D’autres en revanche craignent les conséquences d’un tel effondrement et préfèrent réformer le système existant. »

Photo: Archives de Radio Prague
Eric Best estime que le manque de coordination et d’objectifs précis à atteindre fait que les « nouveaux dissidents » contribuent à saper le système, sans pour autant offrir une alternative viable. Et de conclure :

« Dans bien des cas ils pensent naïvement que lorsqu’une nouvelle révolution aura éclatée, ils s’empareront du pouvoir, à l’instar des dissidents d’avant 1989. Mais il est beaucoup plus probable qu’après la chute du système, ce sera de nouveau le tour des ‘nouveaux communistes’, tout comme cela a été le cas après novembre 1989. Ils sont bien organisés, ils ont un objectif commun et sont prêts à tout faire pour sauvegarder leurs positions. A cet égard, les ‘nouveaux dissidents’ ont encore beaucoup à apprendre. »


« Magdalena Kožená a de nouveau enchanté le public pragois en faisant preuve d’une sensibilité extraordinaire pour la musique de maîtres baroques ». C’est ce que titrait une des dernières éditions du quotidien Lidové noviny, au lendemain du concert donné dimanche dernier par la mezzosoprano tchèque dans la Salle espagnole du Château de Prague. Des arias de Vivaldi et de Händel étaient au programme de l’une des rares représentations de la chanteuse dans son pays d’origine et qui lui a valu de longues standing ovations.

L’article signale que Magdalena Kožená, « qui est aujourd’hui, sans aucun doute, la chanteuse tchèque la plus reconnue à l’échelle internationale, vient d’être nominée à la prestigieuse distinction Artist of the Year du mensuel de musique Gramophone, qui sera décernée cet automne. Distinction, qu’elle avait déjà obtenue en 2004. »

S’agissant du prochain agenda de la mezzosoprano tchèque, Lidové noviny annonce :

« Après l’achèvement de la tournée européenne, dont Prague a été une des étapes, Magdalena Kožená se rendra en Autriche pour une nouvelle création de La clémence de Titus de Mozart à l’opéra d’Etat de Vienne. En mai prochain, elle se produira de nouveau, à deux reprises, à Prague. Accompagnée de la Philharmonie de Berlin placée sous la direction de son époux, le chef d’orchestre Simon Rattle, elle interprétera d’abord au Château de Prague les Chants bibliques d’Antonín Dvořák avant de donner un récital, salle Rudolfinum ».

Son agenda étant bien rempli et s’étendant sur les quatre prochaines années, Magdalena Kožená, 39 ans, compte tout de même ralentir un peu en choisissant seulement les meilleurs projets. Selon le journal, l’explication est simple : elle veut consacrer plus de temps à ses deux fils.