Visite du burgraviat du Château de Prague qui expose des crèches anciennes

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Joyeuses fêtes, chers amis auditeurs. Notre balade de Noël nous conduira au burgraviat du Château de Prague. Il a été le premier, dans la période de l'Avent, à proposer une exposition des plus belles crèches de Bohême et de Moravie. Le vernissage a eu lieu le 27 novembre dernier, et les recettes de l'exposition qui dure jusqu'au 14 janvier, seront consacrées à la Fondation des époux Livie et Vaclav Klaus qui aide des jeunes en difficulté à réintégrer la société.

Une trentaine de crèches, toutes insolites, anciennes, émouvantes, de toutes tailles et de différents matériaux, de la plus simple à la plus sophistiquée, taillées dans le bois, peintes sur papier, sont à voir au burgraviat du Château. La plupart d'entre elles datent de la fin du 19e siècle et il y a aussi quelques travaux contemporains. On ne peut les voir ailleurs, car elles proviennent de collections privées et ont été prêtées pour cette occasion par les membres de l'Association des santonniers tchèques :

« C'est une communauté de 70 personnes unies par une belle amitié et une même passion, celle de collectionner, fabriquer et restaurer les crèches : On se rencontre, on échange des figurines et croyez bien que c'est très agréable... »

dit le président de l'association, Frantisek Valena, qui nous a accueilli à l'exposition et qui sait parler pendant des heures des crèches de Noël. Son nom n'est pas méconnu à l'étranger : il entretient des contacts étroits avec des santonniers de Provence. Au Japon, il s'est vu décerner plusieurs distinctions pour ses oeuvres. Frantisek Valena est un artiste aux multiples talents. Il maîtrise l'art des métiers de ciseleur, céramiste, fondeur, bijoutier, sculpteur, peintre, restaurateur, et aussi d'acteur et metteur en scène: dès son plus jeune âge, il joue dans la troupe du fameux théâtre pragois Rise loutek - Empire des marionnettes pour lequel il compose et réalise des pièces. Chaque année, il organise deux expositions de crèches, au minimum, qui génèrent un travail de plusieurs heures de préparation, et il est l'auteur du projet d'une immense crèche en bois qui est en train de naître, sous sa conduite, au château de Krivoklat.

La magie des crèches de Noël tchèques et moraves réside dans leur grande diversité - chaque région se distingue par des techniques et des conceptions différentes, dit Frantisek Valena, en s'arrêtant devant les vitrines derrières lesquelles l'histoire biblique de la Nativité revit. On l'écoute :

« Installer et exposer les crèches est la plus ancienne coutume de Noël chez nous, beaucoup plus ancienne que celle de décorer le sapin de Noël. Autrefois, les scènes reconstituant la nativité, la Sainte famille et les Rois mages étaient présentes dans chaque église. Après que l'empereur Joseph II les ait interdites, en 1780, à cause de leur laïcité et le manque de dignité, les crèches étaient bannies des églises et c'est ainsi qu'elles entrent dans les maisons. C'est un trait typique des Tchèques, quand quelque chose est interdit, ils ne le laissent pas tomber dans l'oubli. Et c'est aussi le cas des crèches. »

Effectivement, l'interdiction de Joseph II a eu pour suite un épanouissement sans précédent des crèches. Celles-ci sont à la mode dans les familles d'aristocrates, et puisque les simples gens ne peuvent pas se permettre d'en acheter, ils commencent à les fabriquer. C'est la naissance de l'un des plus beaux domaines de l'art populaire. La tradition reste vivante, notamment dans la région du dit triangle d'or, entre les villes de Trest, Trebic et Jihlava, sur le Plateau tchéco-morave. Frantisek Valena :

« Si vous arrivez à Trest et demandez où se trouve une crèche, on vous indiquera au moins une quinzaine d'adresses. Vous pourrez admirer les crèches taillées dans le bois directement chez les habitants, dans leurs maisons. Des autocars de touristes y arrivent par dizaines, pendant la période de l'Avent, et ces gens sont prêtes à vous accueillir chez eux et vous montrer les crèches qu'ils avaient créées, eux-mêmes, souvent des générations entières. »

Chaque crèche exposée au burgraviat du Château de Prague a son histoire qui est soit celle de sa naissance, soit celle de son acquisition. La plus ancienne crèche exposée ici provient d'une église baroque au nord de la Bohême. Après l'interdiction des crèches dans les églises, quelqu'un, probablement un sacristain, a caché les figurines sous le plancher d'où elles ont été sorties, il a deux ans. « Vous ne savez pas imaginer les sentiments des gens qui assistaient à la redécouverte de cette crèche dont on ignorait qu'elle existait, » raconte Frantisek Valena, en évoquant une autre découverte réalisée par lui-même :

« La crèche que vous pouvez voir sur les cartes d'invitation a une histoire intéressante : j'ai préparé une exposition et un monsieur m'a appelé pour me dire qu'il avait à la maison une crèche ancienne que son épouse avait hérité de son père et partagé, en tant qu'objet d'héritage, entre elle et sa soeur. Ce partage était absolu : la crèche faite de carton était tout simplement coupée en deux, y compris le petit Jésus. Je n'ai pas hésité à acheter les deux moitiés pour les réunir, 50 ans plus tard, en un ensemble. Réparée et restaurée, cette crèche est longue de 8 mètres, je l'ai exposé trois fois, mais jamais en tant qu'ensemble, ici aussi, il n'y a que la partie centrale. »

L'une des plus grandes, et incontestablement la plus célèbre, est la crèche mécanique exposée au musée de Trebechovice. Elle est l'oeuvre de deux hommes : Josef Probost et Josef Friml qui ont créé une crèche longue de 7 mètres, profonde de plus de 3 mètres et haute de 2 mètres. La crèche est richement ornée, formée de 2000 pièces sculptées dont 373 figurines. Moins de 200 sont statiques, 120 bougent sur des chaînes et 51 imitent des mouvements compliqués des hommes, lors du travail, d'une façon tout à fait naturelle, qu'on a l'impression que ces petites figurines travaillent. La crèche de Trebechovice a connu un succès exceptionnel à l'exposition mondiale EXPO 1967 à Montréal.

Une spécificité des crèches tchèques et moraves est qu'elles sont fabriquées en bois. C'est la principale différence avec la Provence dit Frantisek Valena qui se rend souvent en France avec le théâtre des marionnettes et plus spécialement en Provence, où il a des amis parmi les santonniers:

« A chaque fois que je vais en Provence, je cherche à amener de là-bas leurs santons. L'histoire pour les acquérir est toujours amusante et parfois aventureuse. Leurs figurines sont différentes des nôtres, le plus souvent faites en argile ou en céramique, en moules, en sorte qu'elles sont de forme unique, alors que chez nous c'est un travail individuel du sculpteur. »

Il ne fait pas de doute, l'intérêt pour les crèches ne diminue pas. En Provence ou à Prague, en groupe, en famille, entre amis, les gens viennent de plus en plus voir les crèches exposées en cette période dans les musées, salles d'exposition et les églises. Ici, on peut les admirer jusqu'au 6 janvier prochain, Fête des Rois ...