Vítězslava Kaprálová, un jeune talent dans les rouages de l’histoire

Vítězslava Kaprálová

Elle a brillé comme un météore dans le ciel de la musique tchèque. Belle, jeune et talentueuse, Vítězslava Kaprálová semblait promise à une belle carrière. Son talent pour la composition était évident, et elle a probablement été la première femme tchèque à diriger un orchestre symphonique. Sa vie a cependant été trop courte pour qu’elle ait le temps de développer son talent. Elle a été emportée par la tuberculose il y a tout juste 70 ans.

Photo: Radioservis

En 1937, à l’âge de 22 ans donc, Vítězslava Kaprálová dirige à Prague l’Orchestre philharmonique tchèque, exécutant sa composition qu’elle a intitulée Sinfonietta militaire. Elle semble personnifier la première République tchécoslovaque : comme elle, Vítězslava est jeune et pleine d’espoir, et comme elle, la jeune musicienne sera terrassée par le cataclysme de la Deuxième Guerre mondiale. Sa beauté fragile et élégante attire les hommes, et son charme opère aussi sur Bohuslav Martinů. Le compositeur, de 25 ans son aîné, l’incite à venir à Paris. Elle s’y installe en 1937 pour étudier la musique avec Nadia Boulanger, Charles Munch et surtout avec Martinů lui-même. Une tendre amitié naît entre ces deux êtres entièrement voués à la musique. Vitězslava veut montrer à son professeur et ami le village Tři Studně (Les trois fontaines) sur les Hauteurs tchéco-moraves où ses parents ont une maison et où elle se sent la plus heureuse. C’est cette visite qui sera évoquée au seuil du XXIe siècle par Josef Kaprál, cousin de Vítězslava :

« C’est là où elle a invité, en 1938, son professeur Bohuslav Martinů. Le chemin entre la villa de ses parents et le petit clocher était poussiéreux. Avant l’arrivée de Martinů, elle l’a donc balayé pour protéger de la poussière celui qu’elle appelait ‘Bohoušek’. »

Vítězslav Kaprál,  Vítězslava Kaprálová et Bohuslav Martinů,  photo: public domain

De retour à Paris, la jeune musicienne fait des progrès rapides dans la composition et poursuit sa carrière de chef d’orchestre. Josef Kaprál rappelle que Bohuslav Martinů lui avait demandé de diriger la première de son Concerto pour clavecin et orchestre :

« Selon Bohuslav Martinů, elle a réussi, et c’est pourquoi il l’a accompagnée à Londres où elle a dirigé l’Orchestre symphonique de la BBC qui a de nouveau exécuté sa Sinfonietta militaire. La dernière fois que Vítězslava Kaprálová s´est produite en tant que chef d’orchestre, c’était à Paris juste avant Noël 1939. »

Vítězslava Kaprálová avec Jiří Mucha,  photo: public domain

Entre-temps la guerre assombrit l’horizon et détruit les perspectives de la jeune femme. Malade, elle épouse en avril 1940 l’écrivain Jiří Mucha, fils du peintre Alfons Mucha, et c’est avec lui qu’elle part pour le sud de la France. Sa maladie ne lui permettra pas d’aller plus loin. Elle finira ses jours le 16 juin 1940 dans un hôpital de Montpellier à l’âge de 25 ans. Ce n’est que beaucoup plus tard que le public tchèque redécouvrira l’œuvre de cette excellente artiste qui n’a pas eu le temps de mûrir. Sa « Sinfonietta militaire », sa « Partita pour piano et orchestre », ses « Préludes d’avril pour piano » entreront dans le répertoire des musiciens tchèques et perpétueront la mémoire de cette artiste restée éternellement jeune.

Vítězslava Kaprálová | Photo: Philharmonie tchèque