Le 14 juin, quarante et un ans se seront écoulés depuis le décès du brigadier général Vladimír Přikryl, héros des deux grandes guerres, qui en dépit de ses multiples mérites fut dégradé par les communistes au grade de simple soldat. Au cours de la Grande Guerre il a combattu au sein des légions tchécoslovaques en Russie en tant qu’adjudant de section et pendant la Seconde Guerre mondiale au sein de l’armée tchécoslovaque étrangère sur les fronts occidental et oriental.
Vladimír Přikryl, photo: CTK
En France il a commandé le 2ème bataillon d’infanterie de la 1ère division tchécoslovaque et en Grande Bretagne le 2ème bataillon d’infanterie de la brigade tchécoslovaque autonome. En 1943 il a été envoyé en Union Soviétique auprès de la 1ère brigade tchécoslovaque autonome en tant que commandant adjoint. a partir de janvier 1944 il commanda la 2ème brigade aéroportée autonome. La fin de la guerre signa le début de son drame. Il devient alors indésirable, particulièrement pour le secrétaire général du Parti communiste Rudolf Slánský, son pire ennemi. Le brigadier général est arrêté, dégradé, torturé et condamné. Il passe en prison quatre terribles années et n’est réhabilité qu’onze ans après sa mise en liberté. Il est à noter qu’un peu plus tard Rudolf Slánský a lui-même été accusé de conspiration contre l’Etat et le parti et exécuté en 1952. Vladimír Přikryl a été décoré de 55 ordres et distinctions dont la Croix de guerre française, la Croix de guerre de la reine Victoria, la Croix de guerre tchécoslovaque 1914-1918, cinq Croix de guerre 1939, l’Ordre du général Suvorov ou l’Ordre de la Grande guerre patriotique. Plus de vingt ans après son décès il a été décoré de l’Ordre de Milan Rastislav Štefánik.
Le col de Dukla, Septembre 1944, Vladimír Přikryl (au milieu), photo: www.bludov.cz
Le brigadier général Vladimír Přikryl est né le 3 août 1895 dans la région de Šumperk en Moravie du Nord. Il commence à étudier à l’Ecole supérieure d’agriculture, mais la Grande Guerre éclate. Le 15 mars 1915 il s’engage volontairement au sein du régiment de défense de la patrie à Olomouc. Pendant quelques mois il suit l’école des cadets, puis se déplace à Dubno sur le front de Galicie. Son unité se replie face aux combats à Berestečko, capitule et se rend aux Russes. Ils sont tous sont déportés dans un camp de prisonniers en Sibérie d’où Vladimír Přikryl réussit à s’enfuir avec quelques uns de ses soldats. Déguisés en soldats russes et munis de faux papiers, ils montent dans le train qui emmenait les bénévoles à l’unité détachée des légions tchécoslovaque à Bobrujsk. En tant qu’adjudant, il participe aux combats contre l’armée austro-hongroise qui a envahit l’Ukraine. En Russie et en Sibérie, il est également officier de liaison du 9ème régiment tchécoslovaque de tir de Karel Havlíček Borovský. Début août 1920, il revient en Tchécoslovaquie, passant par le Japon, les Etats-Unis et l’Allemagne. En tant que militaire de carrière, il continue son service à Most en Bohême du Nord où il rencontre également Otylka Heranová, l’amour de sa vie, qu’il épouse en septembre 1926. Bientôt, il devient père de son unique fille Jarmilka.
Le col de Dukla, Septembre 1944, Vladimír Přikryl (au milieu), photo: www.bludov.cz
Le 15 mars 1939, les troupes allemandes envahissent la Tchécoslovaquie et Vladimír Přikryl, déjà capitaine à l’époque, est muté à Prague au sein de l’état-major de la défense tchécoslovaque. Il devient membre de l’Organisation internationale antinazie « la Rose blanche » (Bílá růže), qu’il soutient au niveau financier à Prague. Il travaille également comme haut fonctionnaire au département de communication par téléphone et télégraphe organisant la liaison en Tchécoslovaquie et à l’étranger. En février 1940 il quitte le pays déguisé en moine. Pour rejoindre la ville d’Agde en France, il traverse la Slovaquie, la Hongrie, la Yougoslavie et la Turquie. Début juin il se déplace avec son bataillon du régiment d’infanterie vers la Marne pour tenir la défense sur la rive gauche. L’unité a combattu jusqu’à la fin. Au retour à Narbonne l’unité tchécoslovaque est transférée en Grande Bretagne où elle est immédiatement envoyée à Cholmondeley. En 1943 le capitaine Přikryl fait partie des officier qui, sur ordre du ministère de la Défense, doivent se joindre à l’Unité tchécoslovaque en Union Soviétique. En URSS, il est transféré à Novochopersk à la 1ère brigade tchécoslovaque autonome en URSS commandée par Ludvík Svoboda, futur président de la Tchécoslovaquie dans les années 1968-1975. Pendant cette période il vit des moments difficile car son épouse Otylka est arrêtée et transportée dans un camp de concentration où elle restera emprisonnée jusqu’à la fin de la guerre.
Les montagnes des Tatras en Slovaquie, Novembre 1944, Vladimír Přikryl est le premier homme à la file, photo: www.bludov.cz
En septembre 1943, Vladimír Přikryl devient l’adjoint de Svoboda et à peine six mois plus tard il est nommé commandant provisoire de la 2ème brigade aéroportée tchécoslovaque en URSS qui se déplace en mai 1944 dans la zone des arrières du 1er front ukrainien. En septembre de la même année la brigade aéroportée se joint au 67ème de la 38ème armée. La brigade de Vladimír Přikryl est envoyée en Slovaquie avec pour objectif d’être liquidée au cours de l’opération Dukla. Du point de vue politique il était indispensable que l’Armée Rouge remporte la victoire à Dukla et arrive auréolée de gloire à Prague. Malheureusement l’Armée Rouge est effectivement arrivée à Prague en endossant le rôle de libérateur.
La brigade de Vladimír Přikryl a réussi à survivre, mais le général est devenu indésirable. Après la guerre, le ministre de la défense Ludvík Svoboda se débarrasse débarasse du héros gênant à l’initiative du secrétaire général du Parti communiste Rudolf Slánský et des généraux Karel Klapálek, Rudolf Hošek : il est nommé commandant du Camp d’instruction militaire à Milovice et commandant de la garnison Velké Brno. Ainsi le général est mis à distance. Le 16 mai 1949 le brigadier général est arrêté et après trois procès, condamné pour haute trahison et espionnage à neuf ans et demi de réclusion. Le héros devient traître à la patrie et est déclaré ennemi du peuple. Il subit les pires tortures, outrages et humiliations, sans compter les conditions atroces de la prison : cachot malodorant sans toilettes, grouillant d’insectes et une nourriture infecte. Son frère est arrêté et sa sœur Anežka succombe à une crise cardiaque provoquée par le choc de l’arrestation de son frère Vladimír. Il est sujet à de graves dépressions et se replie sur lui-même.
En août 1953, il est libéré sous condition. Il est réhabilité en 1964, mais il est déchu de ses droits civiques et n’a pas pratiquement pas de moyens pour vivre une vie décente. De toute façon sa vie a perdu de sens. Il est accablé, son âme est brisée et sa santé se détériore. Il travaille comme ouvrier puis comme gardien dans une scierie accompagné de son seul ami, un fidèle berger allemand.
Vladimír Přikryl, officier et légionnaire courageux, est mort dans la solitude, oublié du monde entier. Il mérite qu’on lui rende un juste hommage.