Vysoka, l'endroit le plus cher à Dvorak
"Vysoka est l'endroit qui m'est le plus cher au monde, je me sens très heureux ici: au milieu d'une forêt superbe, je passe les plus belles journées et je ne cesse d'apprécier le chant des oiseaux," a écrit, Antonin Dvorak, dans une lettre à son éditeur, Simrock.
"Le château de Vysoka a un passé romantique tout comme Dvorak et son rapport avec Vysoka. Il a été construit par le comte Vaclav Kaunitz, député du parlement autrichien, politicien et mécène, devenu beau-frère de Dvorak après que les deux hommes aient épousé deux soeurs: Dvorak a été amoureux de Josefina Cermakova, grande comédienne du théâtre Prozatimni de Prague mais qui a épousé Kaunitz. Dvorak s'est marié à sa soeur aînée, Anna. Le château de Vysoka était un cadeau de mariage offert par Kaunitz à Josefina. Il l'a fait construire en style néo-Renaissance en 1878, mais Dvorak est arrivé à Vysoka pour la première fois déjà une année auparavant, pour le mariage de Kaunitz justement, et l'endroit l'a complètement séduit. Au début, il séjournait dans la maison forestière qui n'existe plus, aujourd'hui. Plus tard, Kaunitz lui a vendu, ou offert, une maison aux abords de la commune. Dvorak y a trouvé un grand bonheur, tant personnel que professionnel. Il s'est passionné pour le travail dans le jardin qu'il a aménagé, en partie, en parc anglais, avec une petite gloriette où il recevrait ses amis compositeurs: Nedbal, Suk, Janacek, Fibich... Leurs signatures sont encore lisibles sur la planche de table..."
Au château de Vysoka, le beau-frère d'Antonin Dvorak, Vaclav Kaunitz organisait des rencontres de musiciens et d'artistes, son épouse Josefina y invitait des comédiens. Selon une mention trouvée dans la chronique, tous s'y sont très bien amusés: Dvorak jouait du piano, Kaunitz chantait des airs d'auteurs du monde entier et Dvorak lui disait: "mon cher comte, vous voyez, tous ces brillants artistes, alors que nous, nous ne sommes que des gâcheurs."La période qui suivit est plus triste: Josefina meurt tôt, à l'âge de 46 ans, Kaunitz s'installe à Austerlitz, son siège familial, et un an après la mort de Dvorak, il vend le château à la famille juive Silbersterne. Après la guerre, on prend la très bonne initiative d'installer au château le musée Dvorak. L'exposition familiarisant le visiteur de l'oeuvre de Dvorak commence dans la première salle à gauche de l'entrée et elle continue au premier étage. Nous montons, accompagnés des notes de sa musique et Vladimira Splichalova nous sert toujours de guide:
"L'exposition présente l'oeuvre de Dvorak dans l'ordre chronologique, ses photographies... Pour ceux qui veulent passer chez nous plus d'une demi-heure, il y a une salle d'écoute. Dans une riche discothèque comprenant les enregistrements de presque l'ensemble de l'oeuvre de Dvorak, ils choisissent la musique qu'ils veulent écouter et qu'on leur passe dans les écouteurs sans fils avec lesquels ils peuvent se promener dans le château et aussi en dehors, dans le parc, et marcher sur la même pelouse que Dvorak.... Souvent, ce sont des musiciens venus de l'étranger qui, avec une grande humilité, restent parfois pendant des heures, à l'écoute de la musique..."
Les années passées à Vysoka étaient celles de la création la plus mûre de Dvorak: il a composé ou achevé ici plus de 30 oeuvres, remanié une série d'autres dont les opéras Dimitri, Le Jacobin, Le Diable et Catherine, Rusalka et Armide. Vysoka est liée à la création de l'oratorio Sainte-Ludmila, la cantate les Chemises nuptiales, le Requiem, la deuxième série des Danses slaves, les ouvertures Ma patrie, Dans la nature et Carnaval, Humoresques, sans oublier les poèmes symphoniques L'Ondin, La Fée de Midi, Le Rouet d'Or et le Petit Pigeon.La salle suivante de l'exposition est la salle Rusalka, tout aussi originale, puisque conçue comme une scène de théâtre. On marche sur les dalles en verre comme sur un sentier forestier conduisant vers le lac Rusalka. La salle est d'un charme mystérieusement captivant, tout comme le vrai lac situé à quelques 500 mètres du château. Le lac a été le but régulier des promenades de Dvorak. Le premier arrêt, l'église de Trebsko à laquelle il a offert un orgue et où il jouait lors des messes matinales. De là, il continuait par une allée vers le lac où il inscrivait les notes des airs du futur opéra Rusalka qui lui venait à l'esprit sur les manchettes de ses chemises. Lorsqu'elles étaient entièrement griffonnées, il disait à son fils: Antoine, on rentre, il n'y a plus de place pour écrire!
Le 15 mai prochain, une nouvelle partie de l'exposition Dvorak sera solennellement inaugurée dans les espaces souterrains du château. Intitulée "Les interprètes mondiaux d'Antonin Dvorak" elle présentera le compositeur par le biais des témoignages personnels d'artistes interprétant son oeuvre: chefs d'orchestre: sir Charles Mackerras, Libor Pesek, Serge Baudo, et solistes dont Renée Fleming, Eva Urbanova, Gabriela Benackova et Peter Dvorsky. Il y aura des projections d'opéras dont la mise en scène de Rusalka donnée à Paris, qui est absolument originale et différente de la conception classique de cet opéra.
"Je cherche toujours à montrer le contraste entre le Dvorak à son époque et le Dvorak tel qu'on le présente aujourd'hui, dans le monde", conclut Vladimir Splichalova, directrice du musée Antonin Dvorak de Vysoka.