Wolt : les livreurs de repas à domicile se mobilisent pour améliorer leurs conditions de travail
Un vent de colère soufflait mercredi 14 février sur la place Venceslas à Prague. Des dizaines de livreurs de la société Wolt ont manifesté pour la deuxième fois ce mois-ci pour protester contre leurs conditions salariales.
L’origine de la colère des livreurs tchèques remonte à fin janvier, lorsque l’entreprise avait modifié son mode de rémunération. Les travailleurs peuvent désormais voir à l‘avance via l’application mobile Wolt combien d’argent ils recevront pour remplir une commande, et leur rémunération est calculée en fonction de la longueur de l’itinéraire. Toutefois, les organisateurs de la manifestation ont signalé que les gains des livreurs ont chuté en raison de ce changement. Une livreuse explique :
« Notre demande est que les livreurs puissent travailler avec une application plus transparente. Nous souhaitons aussi faire entendre que notre rémunération est environ 20 à 30% plus basse qu’elle ne l’était il y a peu. Je pense que les livreurs devraient se défendre. Il est difficile de se faire entendre car nous n’avons pas, à techniquement parler, de patron, nous travaillons pour notre propre compte. »
Uber Eats, Bolt Food, Wolt ou encore Deliveroo, ces applications mobiles ont été popularisées en l’espace de quelques années en proposant de se faire livrer son plat en seulement quelques minutes. Mais derrière cette innovation se cachent des milliers de livreurs, dont la situation est souvent précaire.
Symboles d’une nouvelle économie, ces start-ups dessinent une frontière juridique encore trop floue entre le statut de salarié ou de travailleur indépendant. Les livreurs des entreprises de livraison travaillent habituellement sous l’appellation de « partenaires », et doivent notamment payer eux-mêmes les frais d’assurance sociale, de santé ou d’entretien de leur véhicule. Les livreurs déplorent donc un manque de garantie de maintien de leur emploi, certains s’étant même retrouvés évincés de leur plateforme, du jour au lendemain.
Les protestations contre Wolt se font entendre à divers endroits en Europe, comme en Grèce en novembre dernier ou à Chypre en décembre. En France, où cette compagnie finlandaise n’est pas encore installée, de nombreuses manifestations ont déjà eu lieu contre les plateformes Uber et Deliveroo, proposant un service de livraison similaire. Jan Macek, un des organisateurs de la manifestation à Prague, explique l’enjeu international des revendications des livreurs tchèques :
« Cette manifestation s‘inscrit dans un mouvement plus large. Il y a quelques semaines, une manifestation organisée par des livreurs Wolt a eu lieu en Israël, par exemple. Cette entreprise est une multinationale et met en œuvre des pratiques salariales partout dans le monde. Il est donc important de prendre part à cette vague de contestation. Aujourd’hui, des collègues de Slovaquie sont venus nous rejoindre pour manifester car des baisses de rémunération similaires vont être appliquées prochainement dans le pays. Nous avons aussi beaucoup de messages de soutien provenant de la Finlande, Wolt étant à l’origine une entreprise nordique. Les livreurs finlandais nous expriment leur solidarité parce qu’ils savent ce que cela signifie de se battre pour un emploi décent dans une économie de plateforme. »
Le leader de la plus grande confédération syndicale, Josef Středula, est venu soutenir les manifestants mercredi. La plateforme Wolt opère directement dans une quinzaine de villes tchèques. Les entreprises de livraison Dáme jídlo et Bolt Food opèrent également en Tchéquie. L’organisateur de la manifestation à Prague souhaite que le soulèvement prenne une ampleur nationale, et qui ne se limiterait pas qu’à la société finlandaise.
« C’est la première fois en Tchéquie que les travailleurs d’une économie de plate-forme protestent ainsi. C’est très important parce que cela pourrait jalonner de futures revendications de livreurs travaillant pour Bolt, Uber ou Dáme jídlo. Notre objectif est de créer une organisation qui nous représente tous pour, ensemble, négocier des conditions de travail plus décentes pour tous les livreurs en Tchéquie. »
Outre la hausse du taux de rémunération de base de la course, les livreurs grévistes réclament également l’arrêt de « l’enregistrement massif de nouveaux livreurs sur la plateforme ».
La société Wolt a, quant à elle, attribué la baisse des revenus à un grand nombre de personnes ayant rejoint la plateforme à l’époque et a déclaré que la situation était un malentendu.