Zátopek, la Locomotive tchèque en bande dessinée
La Locomotive tchèque - c’est ainsi qu’était surnommé Emil Zátopek (1922-2000), un des plus grands coureurs de fond de tous les temps. Sportif phénoménal intronisé au Panthéon de l’athlétisme, Zátopek a cependant aussi été un homme qui a vécu à une époque difficile ; un homme qui savait vaincre et perdre, qui savait rire et aimer. Toutes ces facettes du personnage, à travers la vie et à la carrière de Zátopek jusqu’à son triplé aux Jeux olympiques d’Helsinki en 1952, sont mises en relief dans une bande dessinée réalisée par le scénariste Jan Novák et le dessinateur Jaromír 99. L’album Zátopek, dont les dialogues ont été traduits par notre collègue Guillaume Narguet, vient de sortir en France aux éditions Des ronds dans l’O. Editrice de ce label, Marie Moinard présente cet album au micro de Radio Prague.
Zátopek et Mimoun, la grande amitié de deux rivaux
Présentons d’abord votre maison d’édition Des ronds dans l’O. Quelle est votre production ?« Nous publions principalement des bandes dessinées et des albums jeunesse en nous intéressant beaucoup à tout ce qui touche à la défense des droits humains, à la valorisation des personnes, au devoir de mémoire et aux biographies, ou encore à l’égalité entre les filles et les garçons. »
Pourquoi donc un livre sur Zátopek ? Bien qu’il s’agisse d’un des meilleurs athlètes de tous les temps, était-il populaire en France ?
« Il était évidemment populaire en France parce que nous avons eu un champion que vous connaissez sans doute, qui s’appelle Mimoun et qui était son plus grand rival mais aussi un grand ami. On sait que Mimoun a eu un énorme chagrin quand Zátopek est décédé. Donc, oui, on connaît Zátopek en France et je pense d’ailleurs que c’est une bonne chose pour toute la jeune génération de pouvoir publier un album de BD de cette qualité qui retrace son histoire tout en étant extrêmement plaisant à lire. »
Une bande dessinée aux traits un peu rétro
Pouvons-nous présenter les auteurs de cette BD, Jan Novák qui a signé le scénario et Jaromír 99 qui est l’auteur des dessins ?« Malheureusement, je ne les ai pas rencontrés. Nous avons travaillé par l’intermédiaire d’un agent, je ne suis pas allée à Prague et eux ne sont pas venus en France. J’espère vraiment que l’occasion nous sera donnée de nous rencontrer pour le prochain festival d’Angoulême. Nous essaierons de les inviter de façon à présenter leur livre au grand festival de la bande dessinée. »
Comment présenteriez-vous le style de dessin de Jaromír 99 ?
« C’est un style que je qualifierais d’un peu ‘vintage’. En tout cas, c’est de cette manière que nous l’interprétons en France, comme un peu rétro. Le style de Jaromír 99 est précis, avec un gros cerné, c’est-à-dire un ancrage assez épais et très net autour de ses dessins. On distingue très bien tous ses personnages. Et puis il y a de grands aplats de couleur. Ce sont donc des planches assez spectaculaires, assez jolies, mais qui rappellent plutôt le travail des années cinquante ou soixante. »
Les trente premières années de la vie du coureur légendaire
L’album ne retrace pas toute la vie et la carrière du célèbre coureur. Quelle étape de la vie de Zátopek a donc été choisie par les auteurs ?« Ils évoquent son enfance pour montrer ses origines, ses études et son travail à l’usine Bat’a où il fabriquait des chaussures, et puis bien évidemment tout ce qui se rattache à la partie politique jusqu’en 1952. Le livre s’arrête là avec le triplé olympique de Zátopek à Helsinki (médailles d’or des 5 000 m, 10 000 m et du marathon, performance inégalée depuis, ndlr). Il raconte donc aussi sa position politique contre le régime communiste qui ne voulait pas permettre au coureur Stanislav Jungwirth, l’ami de Zátopek, de participer aux Jeux olympiques. Et puis, bien sûr, on trouve aussi sa très belle histoire d’amour avec son épouse Dana, sacrée championne olympique du lancer du javelot à Helsinki le même jour qu’Emil. »
Dans quelle mesure les auteurs de l’album ont-ils respecté la biographie de Zátopek ? Ont-ils ajouté des épisodes de fiction ?
« Alors là, vraiment, vous me posez une colle. Je pense que c’est au contraire très précis et que ça raconte vraiment bien son histoire. Maintenant j’avoue que je ne connais pas l’histoire de Zátopek assez bien pour vous dire si l’on y a ajouté de la fiction. Mais pour nous, qui lisons cette histoire, il n’est pas important s’il y a de la fiction. C’est au contraire quelque chose de bien, un bonus, un plus qui rend Zátopek très humain. Je pense que l’intérêt de cet album est justement dans le fait qu’on a une approche plus sur le personnage et ensuite, en second plan, sur l’athlète. »
Le livre évoque donc la période la plus glorieuse de la vie d’Emil Zátopek. Pourtant dans sa biographie il n’y a pas que des moments heureux. Il y a eu sa période héroïque, mais aussi d’autres de disgrâce et des moments où il n’a pas su résister aux pressions politiques. Ne serait-ce pas utile d’ajouter au livre une note biographique sur l’ensemble de la vie d’Emil Zátopek ?« C’est vrai, cela aurait pu se faire. C’est le choix de Jan Novák, le parti-pris du scénariste. Il a préféré s’arrêter dans cette extraordinaire période qu’a vécue Zátopek pour faire rêver les lecteurs, et cela fait du bien aussi. Voilà, on a envie de s’en souvenir de cette façon. Mais pourquoi ne pas envisager un deuxième volume avec une fin ? Il faudrait évidemment contacter Jan Novák pour le lui demander. »
L’accueil de l’album en France
La production de bandes dessinées en France est abondante. Il ne sera sans doute pas facile pour le livre de Jan Novák et de Jaromír 99 de s’imposer sur le marché. Le livre est sorti le 18 janvier dernier. Comment Zátopek a-t-il été reçu par les lecteurs francophones ?
« Pour l’instant il est plutôt bien reçu. Il est vrai que nous avons énormément d’albums de bande dessinée en France et qu’il est très difficile de se trouver une place. Nous avons fait ce que nous appelons un travail de presse assez conséquent et pour l’instant les retours presse de nos journalistes sont très positifs. Nous n’avons que de très bonnes critiques. Nous n’en avons évidemment pas encore assez, mais nous n’en sommes qu’au démarrage après la sortie du livre. Nous avons fait de la publicité dans quelques journaux. Voilà, nous allons essayer d’attirer, de séduire le public français déjà de cette façon-là, puis en amenant le livre dans les salons de bande dessinée comme cela se fait régulièrement. Zátopek sera notamment au Salon du livre à Paris au mois de mars où nous présenterons l’album sur notre stand. »
Qu’est-ce que le récit de la vie d’Emil Zátopek peut apporter en général au lecteur contemporain ?
« Je dirais un élan, quelque chose d’extrêmement positif, une joie de vivre, de l’enthousiasme. Et puis en France nous avons énormément de sportifs, il y a beaucoup de clubs de course à pied. Et c’est vrai qu’avec la presse spécialisée comme le magazine Zátopek et d’autres, on va essayer de parler à ces publics qui sont friands de lecture sur ces questions-là et désirent continuer le sport qu’ils aiment. Il y a énormément de coureurs en France, de gens qui courent en plus de leur travail et pour lesquels ce n’est pas leur métier. »
Aimeriez-vous faire traduire et publier d’autres BD d’auteurs tchèques ?
« Oui, avec plaisir. C’est vrai que cet album nous satisfait complètement. Il faut évidemment que nous ayons des coups de cœur et que cela rentre dans la ligne éditoriale de ‘Des ronds dans l’O’. Mais pourquoi pas ? C’est une très belle expérience pour nous. »