Ztohoven ou la contestation de la manipulation médiatique à la tchèque
Réveil brutal pour les téléspectateurs tchèques l’été dernier : dans le programme matinal, où la campagne est filmée en direct par des caméras téléguidées, une explosion atomique au milieu de paysages bien connus. Explosion fictive évidemment, mais le piratage n’a pas amusé tout le monde. Poursuivis en justice, ses auteurs viennent d’être acquittés.
Nous en avons déjà parlé à plusieurs reprises sur Radio Prague. C’était en juin dernier, le 17 juin à 8h, et les images ont, depuis, fait le tour du monde, reprises par les chaînes internationales et surtout par les sites de vidéo en ligne ( http://www.youtube.com/watch?v=zgosdoL4skQ&feature=related).
Un champignon atomique dans les collines du nord de la Bohême pendant une trentaine de secondes. Une explosion fabriquée à partir d’images réelles par le groupe d’artistes nommé Ztohoven. Ztohoven c’est un jeu de mots en tchèque et ça peut vouloir dire ‘Sortons de là’ ou ‘une centaine de crottes’...
Ztohoven s'était déjà fait remarqué en redessinant les petits bonhommes des feux de signalisation et en transformant en point d'interrogation le coeur en néon installé devant le Château de Prague à la fin de la présidence Havel.Les membres de ce collectif n’ont accordé que de rares interview, mais l’auteur des images, Roman Týc de son pseudonyme, nous a quand même expliqué ce qui avait motivé ce piratage télé :
« En bref, si je peux résumer en une phrase, nous voulions attirer l’attention sur la manipulation quotidienne dans les médias, et ce avec une image de toute évidence absurde. »
Son comparse, Eman Cipace, étudiant en art présenté comme chef de la bande, ajoute qu’ils voulaient bousculer les téléspectateurs pour les sortir de leur léthargie :« Nous avons peur que les gens ne se forgent plus leur propre opinion sur les informations qui leur sont transmises par les médias. Les gens ne font souvent que consommer des informations qui sont sorties de leur contexte. Ce détournement artistique avait pour but de montrer la nuance très fragile entre ce qui paraît être la réalité et la vérité. Chacun d’entre nous doit pouvoir évaluer l’information et non pas la regarder avec apathie. »
Ce « détournement artistique » n’a pas plu à tout le monde. Les responsables de la télévision publique tchèque ont porté plainte et sept membres du collectif Ztohoven ont été accusés d’incitation à la panique. La semaine dernière pourtant, le juge les a tous acquittés, estimant qu’ils avaient moins effrayé les gens qu’ils ne les avaient amusé. Quelques semaines plus tôt, le directeur de la Galerie nationale Milan Knížák avait décidé de remettre un prix au collectif Ztohoven pour ce champignon atomique :
« Leur démarche m’a plu, j’ai l’impression que ce collectif est courageux, qu’il ne cherche pas d’alibi, comme d’autres groupes d’artistes, et qu’ils ne se cachent pas dans des galleries et expositions. »
Le but du collectif était de provoquer le débat, et débat il y a eu, même au-delà des frontières tchèques, jusque dans le New York Times et le Herald tribune. Les auteurs du piratage le concèdent : ils ne s’attendaient pas à un tel phénomène. Une pétition pour les soutenir à recueilli près de 14 000 signatures à Prague. Et en prime, la télévision tchèque s’est emmêlée les pinceaux et confirmé l’absurdité qu’ils entendaient dénoncé. Roman Týc à nouveau :
« Quand la police nous a arrêtés, la télévision tchèque a relaté l’information en diffusant des images de talibans armés de mitraillettes comme images d’illustration... »
Acquittés, les membres du collectif Ztohoven ne s’arrêteront sûrement pas là. Depuis quelques années, les jeunes Tchèques se font une spécialité de dénoncer la manipulation médiatique. Le 'rêve tchèque', un documentaire sorti en 2005 au succès mondial inattendu, a brillamment décrit les dessous d’une campagne publicitaire montée pour l’ouverture d’un centre commercial fictif.