Un Pacman géant taillé dans un champ de colza pour dénoncer la fraude aux subventions agricoles
Le collectif tchèque Ztohoven a encore frappé : six ans après leur dernier coup d’éclat, les membres du collectif artistique ont revendiqué mardi la paternité d’un Pacman géant taillé dans un champ de colza appartenant à Agrofert, le groupe agroalimentaire fondé par le Premier ministre Andrej Babiš.
Pas pressés pour un sou, occupés à leurs projets artistiques individuels ou à la vie du centre expérimental et crypto-anarchique Paralelní Polis à Prague, les performeurs de Ztohoven ont pris leur temps pour taper une nouvelle fois là où ça fait mal.
Leur dernier fait d’armes médiatique remontait à 2015, lorsqu’ils avaient remplacé l’étendard présidentiel au sommet du Château de Prague par un grand caleçon rouge, pour dénoncer les affinités de Miloš Zeman avec Moscou et Pékin.
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Si les Ztohoven se sont toujours revendiqués sans appartenance politique, cela ne les a jamais empêchés de s’emparer de sujets de société brûlants comme les risques liés aux données biométriques ou la manipulation médiatique.
Avec ce Pacman géant taillé dans un champ de colza, c’est indirectement et sans jamais le nommer, au Premier ministre Andrej Babiš que le collectif s’attaque. Et c’est donc pour la deuxième fois consécutive qu’ils visent un homme politique.
Le collectif a réalisé cette performance le 22 mai, journée internationale de la biodiversité et journée anniversaire du lancement du jeu Pacman il y a 41 ans. Dans le communiqué publié quelques jours plus tard pour revendiquer la paternité de la figurine jaune en colza, le collectif mentionne le fait que le « Pacman a dévoré les subventions », « a parfaitement hacké le système démocratique et en abuse de manière continue. »
Outre la dimension écologique du geste avec la dénonciation de la monoculture responsable de la dégradation de la biodiversité et dont le colza est un symbole, ce nouvel hold-up artistique intitulé Exit the Game est surtout une référence directe aux soupçons de fraude aux subventions agricoles qui pèsent depuis plusieurs années sur le Premier ministre Andrej Babiš. Des soupçons confirmés par un audit de la Commission européenne qui a établi que l’ancien businessman a exercé une influence directe sur l’attribution de subventions de l’UE à Agrofert, le conglomérat agrochimique qu’il a lui-même fondé dans les années 1990. Pour Bruxelles, le chef du gouvernement tchèque est donc bel et bien en situation de conflit d’intérêts, chose qu’il réfute depuis le début en s’appuyant sur le fait que le capital du groupe a été transféré en 2017 dans des fonds fiduciaires.
Le Pacman géant des Ztohoven ne pouvait pas mieux tomber alors que l’opacité et les pratiques de corruption dans la répartition des subventions agricoles européennes, qui constituent le plus gros poste du budget européen, constituent selon certains négociateurs un problème majeur qui devra être abordé lors de la phase finale des négociations sur le budget de la nouvelle politique agricole commune pour la période 2023-2027. Andrej Babiš, mais aussi son homologue hongrois Viktor Orbán, sont dans la ligne de mire du Parlement européen qui entend agir contre ce type de malversations.
Une étude du think-tank CEPS, basé à Bruxelles, réalisé justement à la demande du Parlement européen, a récemment montré que le groupe Agrofert était le « roi incontestable » des subventions européennes, récoltant chaque année des millions de couronnes et « laissant loin derrière lui des compagnies françaises, espagnoles et d’autres firmes issues de grands pays agricoles, » comme le rapportait mercredi le quotidien Hospodářské noviny.
La police tchèque a ouvert une enquête car l’intervention du collectif Ztohoven a causé des dommages s’élevant à 350 000 CZK. Sans surprise, pour ses membres, habitués aux poursuites et condamnations en justice tout au long des près de vingt ans de performances coup de poing dans le paysage réel ou médiatique.