10 ans depuis la partition de la Tchécoslovaquie à la lumière de l'histoire
Le 1er janvier, 10 années se sont écoulées depuis la partition de la Tchécoslovaquie. Un divorce à l'amiable que le monde admirait, mais que beaucoup de citoyens de ce pays ont regretté. Analyses d'historiens à l'appui, nous essayerons de répondre à la question de savoir pourquoi les Tchèques s'étaient toujours identifiés à l'Etat commun, alors que les Slovaques ne s'y sentaient pas suffisamment autonomes, bien que, effectivement, pas tous. Pourquoi ce mécontentement éternel de l'Etat unitaire, mais aussi de l'Etat fédéral, plus tard?
Les raisons résident dans le passé. Historiquement plus jeune, la nation slovaque n'a jamais eu son Etat à elle, à l'exception de la courte période de triste mémoire de l'Etat slovaque fascisant, dit libre, pendant le second conflit mondial. La création de la République tchécoslovaque en 1918 a été le résultat d'une situation politique donnée: la Première Guerre mondiale dans laquelle le fondateur de la Tchécoslovaquie, Tomas Garrigue Masaryk, voyait une occasion unique de se libérer de la domination des Habsbourg sous laquelle Tchèques et Slovaques étaient placés depuis 1526. Difficile de lui reprocher d'avoir créé cet Etat sous forme d'Etat unitaire. Après 4 siècles de soumission, le principal critère qu'il poursuivait était de restituer aux peuples tchèque et slovaque leur indépendance, leur droit de créer un Etat souverain et autonome propre, reconnu à l'échelle internationale. Il se rendait en plus compte des destinées très proches des deux peuples, les deux étant slaves, les deux partageant le même sort d'une nation privée d'indépendance. Or l'histoire des deux peuples démontre que ce postulat n'était vrai que pour la période postérieure à 1526. Avant, ils se développaient indépendamment l'un de l'autre. A une exception près - la période historiquement courte de 50 ans pendant laquelle, Tchèques, Moraves et Slovaques étaient unis au sein de l'empire de la Grande Moravie, né en 845. Depuis lors, l'histoire des Tchèques et des Slovaques ne se croisait guère.
Les Slovaques n'ont jamais eu leur propre Etat. Les pays slovaques mentionnés toujours comme Haute Hongrie avaient été soumis par les Magyars en 1097 pour être depuis lors privés de leur propre administration. Du point de vue social, il existait pratiquement une seule couche de la population, celle des paysans, le peuple slovaque ayant toujours été le vassal des dynasties magyares. Au XIVe siècle, les annales historiques parlent même d'un dépeuplement du pays slovaque suite à une puissante invasion des Tatars. La dynastie des Anjou de Naples ayant succédé au XIVe siècle sur le trône magyar négligeait, elle aussi, les intérêts slovaques.
Au XVe siècle, la Slovaquie devient le lieu de refuge des partisans tchèques du hussitisme, contraints de quitter la Bohême après la mort du réformateur de l'Eglise, Jean Hus. Un autre trait d'union marque, à la fin du XVe siècle, le règne du roi Jagellon Vladislav II. L'histoire des Tchèques et des Slovaques est unie après la mort de son fils Louis dit l'Enfant à la bataille de Mohacs. Face au danger turc, alors que les plaines magyares sont occupées par le Turc Soliman, on élève sur le trône de Bohême et de Hongrie le duc autrichien Ferdinand de Habsbourg, dans l'espoir de voir ainsi réunir les forces des trois pays. Jusqu'à 1918, Tchèques et Slovaques vont coexister à côté des Autrichiens, Hongrois, Italiens, Polonais et Roumains, sous le règne des Habsbourg.
Un Etat tchèque uni existait déjà en 995, avec, à sa tête les princes de la dynastie des Premyslides. Avec la dynastie suivante des Luxembourg, sur le trône depuis 1310, le royaume de Bohême gagne en renommé dans les milieux politiques et religieux. Grâce à la personnalité de Jean de Luxembourg, la culture française et italienne s'introduit dans le pays. Sous son fils, Charles IV, roi de Bohême et empereur germanique romain, le royaume de Bohême est l'un des plus importants à l'échelle européenne ; il comprend la Bohême, la Moravie, la Silésie, le compté de Glatz - actuellement partie de Pologne, la Haute et la Basse Lusace, le Brandebourg et le fief du Haut-Palatinat. Le roi suivant, Georges de Podebrady, s'impose dans l'histoire par une activité diplomatique dépassant le cadre de l'époque. Son projet de création d'une union pacifique pan-européenne de pays souverains égaux en doit, union ayant les statuts d'une charte pacifique universelle, est considéré comme précurseur de l'idée d'une Europe unie.
Ce bref rappel de l'histoire explique pourquoi les Tchèques ont toujours considéré la Tchécoslovaquie, fondée en 1918, comme la continuatrice de l'Etat tchèque. Ils espéraient pouvoir renouer avec les meilleures traditions de leur histoire. Les Slovaques, eux, n'avaient pas cette conscience de continuité. La soif d'avoir un Etat à eux n'a jamais été étanchée. Des tendances autonomistes, toujours présentes, mais mises en sourdine par le régime totalitaire, n'ont pu pleinement surgir qu'après novembre 1989. L'option slovaque a été confirmée dans les élections 1992. Le 1er janvier 1993, après 74 ans de vie commune, Tchèques et Slovaques se sont séparés pour continuer une existence indépendante.