2) A Plzeň, un musée pour tout savoir sur l’histoire de la bière
En République tchèque, pour tout savoir sur l’histoire de la bière et de sa production, c’est bien évidemment à Plzeň, ville de l’invention de la « pils », qu’il faut se rendre. C’est là, en effet, dans l'ancienne brasserie de la ville, que se trouve le Musée de la bière. Un lieu qui permet de mieux comprendre le processus, plus complexe qu’on ne le pense souvent, de fabrication du breuvage. Et qui offre aussi à ses visiteurs une formidable plongée dans l’âme et le mode de vie tchèques.
« Nous voici dans la cour du Musée de la bière, qui est aussi le point de départ de la visite des souterrains de la ville. Nous concernant, nous allons visiter un lieu unique lié à l’histoire du brassage et du service de la bière. Fondé en 1959, c'est l'un des plus anciens musées de la bière en Europe et le plus ancien dans le pays. »
Bienvenue donc à Plzeň, en compagnie de Jana Domanická, archiviste de la société Plzenský Prazdroj et, donc, du musée qu’elle nous fait visiter.
Plzeň, une ville que les Tchèques surnomment parfois « la capitale de la bière ». Et c’est vrai que les diverses brasseries, avec leurs imposants bâtiments dans le cœur même de la ville, y occupent une place particulièrement marquante :
« C’est vrai, une tradition de brassage légal y existe depuis le Moyen-Âge : le roi Venceslas II a accordé le droit de brassage à la ville à la fin du XIIIe siècle. Depuis, de la bière a toujours été brassée à Plzeň. En 1842, les habitants qui possédaient ce droit se sont entendus pour fonder une société commune, la Brasserie civique de Plzeň, aujourd'hui appelée Plzeňský Prazdroj, qui produit la célèbre Pilsner Urquell. »
« La bière de Plzeň, mieux connue comme la ‘pils’, est rapidement devenue très populaire et s’est progressivement répandue dans le monde entier. Je dois dire que nous sommes fiers de pouvoir montrer aux visiteurs cette histoire de Plzeň et de présenter, ici au musée, toute la culture qui entoure la bière tchèque. »
Preuve de la place que le brassage occupe dans l’histoire et le développement de la ville, le Musée de la bière, dans l’ombre de la cathédrale Saint-Barthélemy, se trouve à quelques pas de l’imposante Place de la République qui, en dehors de Prague, est la place médiévale la plus ancienne existante en République tchèque. Dès l’entrée dans le musée, c’est toute cette riche histoire qui saute aux yeux du visiteur :
« Ce passage ici nous indique bien que sommes entrés dans le bâtiment d’origine de la brasserie, qui possède encore une cour. Il s'agit d’une malterie historique, unique en son genre, dont les archives les plus anciennes témoignent de l’existence déjà au XVIe siècle. C’est ici qu’était produit le malt, qui est la matière première de base pour le brassage de la bière. Cette brasserie est restée en activité jusqu’en 1867. »
Jana Domanická nous propose ensuite de découvrir ce à quoi ressemblait une auberge dans la première moitié du XIXe siècle, dans un style pour le moins rustique :
« Vous voyez que l’aménagement était très simple, on ne s’embarassait pas de fioritures : il y avait une pompe et des tonneaux, le plus important. Mais l’ambiance n’en était pas moins joyeuse, comme en témoigne cette boîte à musqiue dans le coin de la salle. C’était un instrument très populaire dans les auberges, qui remplaçait les orchestres. C'était en quelque sorte le premier moyen de jouer de la musique reproduite. »
Offrant une remontée dans le temps, la visite du musée permet de plonger aussi dans une autre ambiance, cette fois au son de l’accordéon.
« Ce que nous entendons, c’est l’atmosphère qui régnait dans les auberges des années 1920-1930, à l’époque donc de la Première République tchécoslovaque. Il y a effectivement un air d’accordéon et de la bière, beaucoup de bière même... Mais on voit aussi des assiettes avec des saucisses ou du pâté de tête, des journaux, un billard, un serveur qui s’occupe des clients... »
« Tout cela nous donne une idée de la manière dont nos grands-parents passaient un peu de bon temps après le travail. L’idée est de montrer la culture de la bière tchèque, qui est très étroitement liée à la culture plus générale, par exemple dans l’œuvre de Jaroslav Hašek ou de Bohumil Hrabal, qui est liée très exactement à ce type d’ambiance. »
Qu’on ne s’y trompe cependant pas : la visite du musée à Plzeň, possible en plusieurs langues – dont le français – émerveillera aussi les vrais amateurs de bière.
La découverte de la malterie, avec notamment l’exposition d’une étonnante salle de brassage miniature – fruit d’un minutieux ouvrage de 30 ans, ou celle encore du travail des tonneliers pour la confection des fûts en bois, un savoir-faire qui continue de se transmettre de génération en génération dans la cité de Bohême de l’Ouest, constituent indéniablement quelques-uns des temps forts de cette « plongée dans la pils ». Une lager de Pilsen dont Jana Domanická nous rappelle l’origine :
« Au XIXe siècle, la bière était encore brassée à l’ancienne, c’est-à-dire par fermentation haute, comme cela était le cas depuis des siècles. Mais pour diverses raisons, la bière n’était pas toujours de la même qualité. Il arrivait par exemple que le malt livré aux brasseurs soit moins bon. A l’époque on brassait néanmoins aussi déjà beaucoup de bières dites ‘sous-fermentées’, essentiellement dans les pays tchèques et en Bavière, où elles étaient très appréciées. C’est comme ça qu’est née l’idée de construire une toute nouvelle brasserie précisément pour produire ce type de bière. »
« Le premier brassin a été produit le 5 octobre 1842 et la qualité de la bière a alors surpris tout le monde. La combinaison de l’eau douce locale, du malt et de conditions exceptionnelles a fait que ce type de bière est rapidement devenu très populaire à Plzeň puis à Prague. Le développement du chemin de fer dans les années 1860 a permis de transporter les marchandises sur de plus longues distances, et c’est ainsi que la bière de Plzeň s’est progressivement répandue un peu partout dans le monde. »
Le travail de fourmi en laboratoire, qui existe à la brasserie de Plzeň, depuis le tout début du XXe siècle et permet de mieux comprendre les méthodes de brassage modernes, est lui aussi présenté au public.
L’exposition, dont la visite nécessite deux bonnes heures, s’achève sur une présentation de verres, de bouteilles ou encore d’étiquettes, et d’autres objets parfois plus étonnants :
« Le musée présente aussi quelques curiosités en lien avec la bière. Les Tchèques sont de grands collectionneurs : les amateurs de bière collectionnent donc les affiches publicitaires des anciennes brasseries, les étiquettes, des verres ou de vieilles bouteilles. Nous avons donc ici la plus grande chope et la plus petite au monde, quimesure moins de 2 centimètres. Mais on voit aussi par exemple une chope trouée et vous imaginez bien que ce n’est pas pratique pour boire. Il faut donc boucher les trous avec les doigts pour ne pas renverser... »
Ce qui serait bien dommage, évidemment, mais pas d'inquiétude, à la sortie du musée, c’est une belle chope sans trous et dégoulinante de mousse qui vous sera servie dans l’auberge appelée « Pivnice Na Parkáně » qui se trouve juste à côté...