20 ans dans l’UE : les régions de Karlovy Vary et d’Ústí, exemples de la mauvaise gestion de l’argent européen en Tchéquie
Comme le confirment les nombreux chiffres et données publiés ces dernières semaines à l’approche du vingtième anniversaire de son adhésion, la République tchèque a, dans son ensemble, largement profité de son appartenance à l’Union européenne et des différents programmes de financement qu’offre celle-ci. Toutefois, certaines régions, notamment celles industrielles dans le nord-ouest et l’ouest de la Bohême, dans les anciennes Sudètes, n’ont pas pleinement profité de ces subventions pour rattraper leur retard de développement et réussir leur transformation.
Ce lundi 29 avril, iRozhlas.cz, le site d’actualité de la Radio tchèque, a mis en ligne un long article intitulé « Les régions de Karlovy Vary et d’Ústí nad Labem restent les pires ». Un titre qui fait référence à une ancienne déclaration restée célèbre d’Andrej Babiš.
En 2020, au plus fort de la pandémie de Covid-19, celui qui était alors encore Premier ministre, avait déclaré à l’antenne de Česká televize, dans le style que les Tchèques lui connaissent si bien, que « la région de Karlovy Vary [était] la pire région, historiquement dans tous les domaines ».
Même si, aux yeux et oreilles de beaucoup de touristes et cinéphiles, le nom de Karlovy Vary évoque d’abord la belle cité thermale et son grand festival international du film, force est de constater que, de manière très générale, la situation économique et sociale dans la région la plus à l’ouest de la République tchèque, malgré sa proximité avec l’Allemagne, n’est effectivement pas très réluisante.
Ainsi donc, alors qu’en termes de niveau de vie, la République tchèque dans son ensemble s’est considérablement rapprochée de la moyenne des vingt-sept États membres de l’UE au cours des vingt dernières années, et dépasse même désormais certains pays du sud de l’Europe comme l’Espagne ou le Portugal, avec un PIB par habitant en termes de parité de pouvoir d’achat légèrement supérieur à 90 % de la moyenne européenne en 2023 (contre environ 80 % en 2004 au moment de l’adhésion), la région de Karlovy Vary, avec celle voisine un peu plus au nord d’Ústí nad Labem, est celle qui illustre le mieux les importantes disparités régionales existantes en République tchèque. Dit très simplement, Karlovy Vary et Ústí nad Labem, dans une moindre mesure, sont les deux régions tchèques dont le développement est le plus lent.
Le contre-exemple de la Moravie-Silésie
À l’autre bout du pays, dans l’est de la République tchèque, l’exemple de la Moravie-Silésie, autre région traditionnellement très industrielle, montre pourtant qu’une transformation réussie est possible.
Les régions de Moravie-Silésie, d’Ústí nad Labem et de Karlovy Vary ont bâti leur prospérité passée sur l’industrie minière ou chimique. Mais depuis la fin de l’exploitation du charbon et le déclin de l’industrie lourde, ces trois régions s’efforcent d’augmenter leur croissance économique et d’améliorer les conditions de vie de leurs habitants afin que ceux-ci ne partent pas. Toutes sont en effet confrontées au phénomène de la « fuite des cerveaux » vers d’autres régions où notamment les possibilités d’emploi sont tout à la fois meilleures, plus nombreuses et mieux rémunérées.
C’est précisément pour les aider à relever ce défi qu’ont été pensées les différents fonds structurels européens. Qu’il s’agisse du fonds de développement régional, du fonds pour une transition juste ou encore du fonds de cohésion, tous visent à réduire les écarts de développement entre les régions dans des domaines aussi larges que les infrastructures, le soutien aux entreprises, la recherche et l’innovation, le développement durable ou encore la transition écologique souvent si douloureuse.
Mais tandis que la région de Moravie-Silésie peut être considérée comme un exemple d’utilisation réussie des subventions pour relever ces différents défis sociaux et économiques, avec des projets soutenus par l’UE qui ont entraîné des améliorations significatives dans les domaines de l’emploi, de l’environnement, de l’éducation et de la protection sociale, les régions de Karlovy Vary et d’Ústí nad Labem, elles, continuent de traîner la patte et ne sont pas parvenues à suivre le mouvement. Ainsi, la région de Karlovy Vary, qui est la plus petite des quatorze régions tchèques, ne possède, par exemple, ni université, ni hôpital universaitaire, alors que le niveau des salaires est le plus faible du pays.
Pourquoi en est-il ainsi ?
Pour la plupart des experts sollicités par iRozhlas.cz, Karlovy Vary et Ústí nad Labem sont les deux meilleurs exemples de l’échec de l’ensemble de la politique régionale et de développement de l’État. On peut ici rappeler que pendant de nombreuses années après son adhésion, la République tchèque a régulièrement été critiquée par Bruxelles pour sa mauvaise utilisation des fonds européens.
Pire même, Karlovy Vary et Ústí nad Labem sont peut-être les seules régions en Europe centrale et de l’Est qui, au lieu de bénéficier d’une certaine convergence économique et de se développer, ont régressé par rapport aux situations qui étaient les leurs au moment de l’adhésion de la République tchèque à l’UE. Ainsi, la région de Karlovy Vary atteignait 59 % du PIB moyen par habitant de l’UE en 2013, mais seulement 54 % en 2022...
Cette stagnation à la fois économique et sociale de toute la façade nord-ouest du pays et les écarts croissants entre les diverses régions de Bohême et de Moravie sont au final esssentiellement la conséquence de la mauvaise gestion pendant trop longtemps de l’argent européen en République tchèque, faisant même dire à certains observateurs que la raison d’être initiale des fonds européens, et à travers eux de la solidarité européenne, a été totalement inversée dans les cas des régions de Karlovy Vary et d’Ústí nad Labem, même si cette dernière s’en sort un peu mieux quand même et que certaines améliorations y sont observées. Et vingt ans après son adhésion, c’est là aussi le bilan de l’appartenance de la République tchèque à l’UE.
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