6 juin 1944 : ces Tchécoslovaques qui ont participé au Débarquement
Des Britanniques, des Américains, des Canadiens, quelques Français réunis au sein du commando Kieffer, mais aussi des soldats tchécoslovaques ont participé au Débarquement allié du 6 juin 1944. Dans les airs, avec les escadrons tchécoslovaques de la RAF, mais – et c’est moins connu – également au sol. Retour sur cet épisode de l’histoire militaire tchécoslovaque à l’occasion des 80 ans du début de l’opération Overlord.
Ce 6 juin 2024, huit décennies après le Jour J, deux anciens combattants tchèques sont présents aux commémorations du Débarquement en Normandie : Charles Gad Strasser, 97 ans, engagé volontaire à 17 ans seulement dans l’armée tchécoslovaque au Royaume-Uni et plus tard affecté à la Brigade blindée indépendante tchécoslovaque et Jiří Pavel Kafka, 100 ans, ancien de la RAF où il a servi comme mitrailleur de pont et opérateur radio. Une présence importante en ce 80e anniversaire alors que les derniers vétérans disparaissent peu à peu.
Comme le rappelle l’historien militaire Eduard Stehlík et actuel directeur du mémorial de Lidice, c’est avant tout depuis les airs que les soldats tchécoslovaques ont appuyé les Alliés débarquant au sol :
« Les quatre escadrons tchécoslovaques de la RAF ont été mobilisés pour le Débarquement. Tout d’abord les trois escadrons de chasse, à savoir les 310e, 312e et 313e escadrons. Leur objectif était de protéger les unités alliées qui débarquaient ainsi que l’espace aérien au-dessus des plages du Débarquement, afin d’éviter que la Luftwaffe n’empêche les troupes d’avancer. On oublie souvent que notre 311e escadron de bombardiers était aussi présent : lui aussi devait protéger les convois en mer mais non pas des avions allemands, mais plutôt de la marine. Le danger pouvait venir des bateaux de la Kriegsmarine ou des sous-marins allemands : le 311e escadron de bombardiers devait les surveiller et, le cas échéant, les attaquer depuis les airs. »
Parmi les soldats tchécoslovaques ayant participé à ces vols de surveillance du 311e escadron, Jiří Pavel Kafka, de retour sur les plages de Normandie ce jeudi. Par ailleurs, certains pilotes tchécoslovaques étaient également engagés dans des escadrons britanniques : ainsi Josef Stránský, qui dès la nuit du 5 au 6 juin s’envole à bord de son avion Mosquito, sous la direction du lieutenant-colonel František Bouda. Les deux hommes trouveront la mort quelques semaines plus tard, le 21 juillet et sont enterrés au cimetière militaire britannique de Saint-Valery-en-Caux en Normandie. Des victimes côté tchécoslovaque, il y en a également dès les premiers jours du Débarquement, comme le rappelle Eduard Stehlík :
« Il faut mentionner notamment Miroslav Moravec, du 310e escadron tchécoslovaque, qui est tombé le 7 juin 1944, après l’accident de son Spitfire. Je voulais le mentionner parce que ses parents, Alois et Marie Moravec, ainsi que son frère Vlastimil, qui ont aidé les parachutistes à préparer l’opération Antropoid qui visait à tuer Reinhard Heydrich. Sa mère s’est suicidée au moment de l’arrivée de la Gestapo et son père et son frère ont été assassinés à Mauthausen. Ainsi l’histoire de cette famille de la rue Biskupcova à Žižkov s’achève sur les plages de Normandie en juin 1944. »
Ce que l’on sait moins, c’est que des Tchécoslovaques ont également participé au Débarquement au sol. Tout d’abord parce que de nombreux soldats américains aux origines tchèques et slovaques faisaient partie des troupes alliées. Et puis, un soldat engagé dans l’armée britannique, sera le premier Tchèque à fouler le sol français à l’aube du 7 juin 1944 : Pravoslav Kubišta (1913-2000). Son parcours ressemble à celui de beaucoup d’autres militaires tchécoslovaques qui ont combattu côté allié : il fuit son pays en 1939, s’engage dans la Légion étrangère, passe quelques temps à Alger et Tunis avant d’être libéré pour rejoindre les unités tchécoslovaques en formation à Agde, dans le sud de la France. Après la défaite de 1940, il est évacué en Angleterre. Débarqué en juin avec son régiment de la Royal Artillery, il lui faudra attendre encore de nombreux mois avant de retrouver sa patrie, suite aux combats en France, dans les Ardennes notamment, et jusqu’en Allemagne du Nord. Comme tant d’autres, sa carrière prometteuse d’officier est brisée par l’arrivée au pouvoir des communistes en Tchécoslovaquie et a subvenu aux besoins de sa famille en exerçant diverses professions ouvrières. Réhabilité après la révolution de Velours en 1989, il a été fait citoyen d’honneur de la ville d’Agde, en France, et a été promu colonel à la retraite, avant de mourir en 2000, à l’âge de 87 ans.
Le Débarquement du 6 juin 1944 permettra également l’arrivée dès l’été 1944 des 4 000 hommes de la Brigade blindée indépendante tchécoslovaque : entre octobre 1944 et mai 1945, c’est elle qui contribuera grandement au siège de Dunkerque, jusqu’à la capitulation allemande survenue le 9 mai 1945 et qui sera signée, côté Alliés, par le général Alois Liška. Parmi les membres de cette brigade blindée au rôle fondamental à la fin de la guerre et également présent ce jeudi en Normandie, Charles Gad Strasser : né en 1927 en Palestine sous mandat britannique, mais ayant passé sa jeunesse dans la région d’Ústí nad Labem d’où était originaire sa famille, Charles Gad Strasser sera plus tard membre de la délégation tchécoslovaque au tribunal de Nuremberg où il préparera pendant huit mois les documents pour le transfert des officiers SS vers la Tchécoslovaquie et la Pologne afin qu’ils y soient jugés. Et comme tant d’autres victoires menant à la chute finale du régime nazi, rien de tout ceci n’aurait pu advenir sans le succès d’Overlord, la plus grande opération du genre dans l’histoire.