70 ans après, le « miracle de Čihošť » n’est toujours pas élucidé

L’église de Čihošť, photo: Tomáš Vodňanský / ČRo

Le 11 décembre 1949, dans une petite église de la région de la Vysočina, un crucifix se serait mis à bouger pendant le sermon du prêtre, le père Josef Toufar. Ce « miracle » sert alors de prétexte au régime communiste au lancement de la répression dans les rangs de l’Eglise catholique.

Photo: Site officiel de Číhošťský zázrak / Regionlist
70 ans après, on ne sait toujours pas véritablement ce qui s’est passé en cette messe de début décembre 1949. Ce sont quelques fidèles qui apprennent au prêtre Josef Toufar qu’un crucifix a bougé sur l’autel pendant la messe. Josef Toufar s’efforce de les rassurer et veut surtout éviter toute « mauvaise » publicité qui pourrait lui nuire, comme le rappelle Jan Kalous, de l’Institut d’étude des régimes totalitaires :

« Lui-même ne savait pas exactement comment expliquer aux fidèles ce qui s’était passé. Il a demandé conseil à sa hiérarchie. Parce qu’il avait peur que cet événement soit instrumentalisé contre l’Eglise catholique. A l’époque, les relations était extrêmement tendue entre l’Etat et l’Eglise. »

Mais la nouvelle se propage comme une traînée de poudre. Et le père Toufar est vite accusé par la propagande de manipuler les foules et d’avoir manigancé un faux miracle. L’événement a longtemps été considéré comme une mise en scène préparée par la StB, la police secrète. Interrogé il y a quelques années sur la question, avant son décès, Adolf Rázek, ancien prisonnier politique, devenu après 1989 enquêteur à l’Institut de documentation et d’enquête sur les crimes du communisme a toujours estimé qu’il n’existait pas de preuve directe :

Josef Toufar,  photo: ČT
« Il ne s’agissait pas d’une provocation de la StB. La StB n’a fait qu’utiliser ce miracle, ou plutôt ce phénomène inexpliqué et inexplicable. L’enquête a démontré que la StB n’a pas du tout participé à la première phase. Par contre, les relations entre l’Eglise et l’Etat s’étaient exacerbées au cours de l’été 1949. Il s’agissait pour le régime de mettre en doute les activités de l’Eglise. C’est à cela que devait servir par la suite le procès avec le père Toufar. »

Quoiqu’il en soit, le « miracle de Čihošť » va servir la propagande communiste, et permettre au régime de lancer ses purges dans l’Eglise catholique : celle-ci a encore une forte influence dans les campagnes et peut faire figure de rivale idéologique. Sans compte qu’elle représente une source d’opposition potentielle à la collectivisation des terres.

Josef Toufar est arrêté, torturé, employé quelques minutes pour figurer dans un film censé reconstituer l’événement avant d’être remplacé par un agent de la police en raison de sa faiblesse. Il meurt en 1950 d’une infection survenue suite aux sévices endurés lors des interrogatoires musclés de la StB.

L’église de Čihošť,  photo: Tomáš Vodňanský / ČRo
Si 70 ans plus tard, on n’en sait donc toujours guère plus sur ce « miracle », on connaît désormais le lieu du dernier repos du père Toufar : exhumée d’une fosse commune du cimetière de Ďáblice en 2014, sa dépouille a ensuite été authentifiée grâce au travail d’une équipe d’anthropologues, avant d’être enterrée le 12 juillet 2015 dans la nef de son église de Čihošť.

Cette exhumation était un préalable nécessaire à tout procès en béatification qui est désormais l’objectif de la Conférence épiscopale tchèque. Entamé en avril 2013, ce procès pourrait prendre encore plusieurs années avant que Josef Toufar ne puisse être proclamé « bienheureux » par l’Eglise catholique.

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