60 ans se sont écoulés depuis le « miracle de Čihošť »

Photo: Site officiel de Číhošťský zázrak / Regionlist

Ce vendredi, soixante ans se sont écoulés depuis le « miracle de Čihošť ». Un événement qui donna le coup d’envoi des purges communistes dans les rangs de l’Eglise catholique. Soixante ans après, et au regard des archives, en sait-on plus sur cet événement ?

Photo: Site officiel de Číhošťský zázrak / Regionlist
Le 11 décembre 1949, dans la petite église de Čihošť, un village situé à cent kilomètres au sud-est de Prague, un crucifix se serait mis à bouger sur l’autel principal, pendant un sermon du père Josef Toufar. Ce sont quelques fidèles qui lui apprennent l’événement. Alors que l’atmosphère est déjà exécrable entre l’Eglise et le nouveau gouvernement communiste, Josef Toufar tente de rassurer les fidèles et d’éviter toute « mauvaise » publicité qui pourrait lui nuire. Mais la nouvelle se propage. Et le père Toufar est vite accusé par la propagande de manipuler les foules et d’avoir manigancé un faux miracle. L’événement a longtemps été considéré comme une mise en scène préparée par la StB, la police secrète. Mais d’après Adolf Rázek, ancien enquêteur à l’Institut de documentation et d’enquête sur les crimes du communisme, il n’existe pas de preuve directe :

« Il ne s’agissait pas d’une provocation de la StB. La StB n’a fait qu’utiliser ce miracle, ou plutôt ce phénomène inexpliqué et inexplicable. L’enquête a démontré que la StB n’a pas du tout participé à la première phase. Par contre, les relations entre l’Eglise et l’Etat s’étaient exacerbées au cours de l’été 1949. Il s’agissait pour le régime de mettre en doute les activités de l’Eglise. C’est à cela que devait servir par la suite le procès avec le père Toufar. »

Car peu après le fameux « miracle de Čihošť », des fidèles affluent vers la petite église, et ça ne plaît pas au régime en place. En tout cas, accuser le père Toufar permet au régime de faire d’une pierre deux coups : il peut commencer à liquider l’Eglise qui a encore une forte influence dans les campagnes et qui représente une potentiel opposant à la collectivisation des terres.

Le père Josef Toufar est arrêté et subit des interrogatoires musclés menés par un certain Ladislav Mácha. Des interrogatoires si musclés qu’ils conduiront à la mort du religieux à l'âge de 48 ans. Adolf Rázek :

« La situation leur a en fait échappé. Mácha, un des agents de la StB, a exagéré. Il ne l’a certes pas tué, mais il l’a battu de telle façon qu’il a eu de graves problèmes de santé. Le père Toufar est mort d’une infection. Ils l’ont emmené dans un sanatorium d’Etat parce qu’il voulait le sauver à tout prix afin de pouvoir faire son procès et qu’il y joue le rôle qu’on lui avait attribué. »

La StB ne put donc utiliser le père Toufar dans le film de propagande censé reconstituer l’événement et employèrent en remplacement un de leurs agents. Le documentaire sera diffusé dans tout le pays. On ne sait toujours pas exactement aujourd’hui ce qui s’est réellement passé dans l’église de Čihošť. Une chose est sûre, les persécutions firent des ravages dans les rangs de l’Eglise catholique. En 1998, l’ancien agent de la StB Ladislav Mácha a été condamné à huit ans de prison ferme, puis à deux ans en appel. Comme d’autres anciens cadres du régime jugés après la révolution de velours, il n’a jamais purgé sa peine pour des raisons de santé.

'In nomine patris'
Aujourd’hui, l’Eglise catholique envisage de faire béatifier le père Toufar, comme l’a été le père Popieluszko, assasiné par les services polonais. L’histoire du « miracle de Čihošť » a été adaptée dans un film tchèque de 2004 intitulé ‘In nomine patris’, et, plus tôt, abordée dans le livre de Josef Škvorecký ‘Miracle en Bohême’.