Persécuté par le régime communiste, le prêtre Josef Toufar réhabilité par la justice
Symbole des persécutions du régime communiste dans les rangs de l’Eglise catholique, le prêtre Josef Toufar a été officiellement réhabilité la semaine dernière par le tribunal régional de Hradec Králové (Bohême de l’Est). Après l’exhumation de sa dépouille en 2014 et ses funérailles solennelle dans son église de Číhošť, sa réhabilitation clôt un des épisodes les plus sombres de l’histoire tchèque du XXe siècle.
« Par cette décision, Josef Toufar a été moralement blanchi », a estimé à l’issue du procès en réhabilitation l’avocat du prêtre catholique mort en 1950 des suites d’un interrogatoire musclé mené par la police politique communiste. Dans son verdict réhabilitant l’homme d’église le juge du tribunal régional de Hradec Králové a constaté que Josef Toufar « a été illégalement privé de sa liberté au moins du 28 janvier au 25 février 1950 », le 25 février correspondant la date de sa mort. Celui-ci n’ayant jamais été jugé, l’affaire a donc été traitée comme un cas de détention illégale.
Le prêtre n’ayant plus aucuns proches parents qui auraient pu saisir le tribunal, l’avocat spécialisé dans la défense et la réhabilitation des personnes opprimées par le régime communiste avait dû s’adresser au ministère public dont le représentant a, comme le juge, constaté la justesse de la demande et du verdict :
« Ce qui était évident d’un point de vue historique, l’est désormais également d’un point de vue légal. »
Cette réhabilitation officielle est un des derniers jalons d’une longue suite de démarches visant, depuis la chute du communisme en 1989, à redonner à Josef Toufar la place dans l’histoire du pays qui lui revient : celle d’un prêtre qui est devenu, bien malgré lui, le symbole des persécutions du régime totalitaire contre l’Eglise catholique.
A l’origine : un prétendu « miracle » survenu dans son église de Čihošť, pendant un sermon. Même aujourd’hui, on ne sait toujours pas exactement ce qui s’est passé – ou plutôt comment cela s’est réellement produit – lorsque le 11 décembre 1949 quelques fidèles apprennent au prêtre Josef Toufar qu’un crucifix a bougé sur l’autel pendant la messe. Le prêtre s’efforce de les rassurer et veut surtout éviter toute « mauvaise » publicité qui pourrait lui nuire, car dans l’ambiance délétère des années 1950 en Tchécoslovaquie, il sait que tout prétexte peut être sujet à instrumentalisation contre l’Eglise. Et c’est exactement ce qui va se produire : la nouvelle se propage comme une traînée de poudre. Et le père Toufar est vite accusé par la propagande de manipuler les foules et d’avoir manigancé un faux miracle.
Le « miracle de Čihošť » est littéralement du pain bénit pour la propagande communiste, et permet au régime de lancer ses purges dans l’Eglise catholique : celle-ci a encore une forte influence dans les campagnes et fait office de rivale idéologique. Elle est également une source d’opposition potentielle à la collectivisation des terres. Josef Toufar est arrêté, torturé, employé quelques minutes pour figurer dans un film censé reconstituer l’événement avant d’être remplacé par un agent de la police tellement il est faible physiquement. Il meurt le 25 février 1950 d’une infection survenue suite aux sévices endurés lors des violents interrogatoires de la StB.
Longtemps, on a ignoré où se trouvait exactement la dépouille du prêtre dont la mort ne fut annoncée à ses proches que quatre ans plus tard. Ce sont les recherches du journaliste Miloš Doležal, auteur d’une biographie très complète sur Josef Toufar, qui ont permis de retrouver la dépouille du prêtre dans une fosse commune du cimetière de Ďáblice, à Prague.
« Après avoir été torturé, le corps de Josef Toufar a été jeté par la sécurité d’Etat (StB) dans une fosse commune, sous un faux nom. Elle se trouvait au niveau du mur nord du cimetière de Ďáblice à Prague. On l’a mis dans une boîte noire en bois, comme un animal. Nous avons pu retrouver l’endroit l’an dernier parce que les agents de la StB avaient réalisé un plan détaillé de celui-ci en février 1950. En 1968, une photographie du plan du cimetière a été réalisée, plus particulièrement de la page indiquant la fosse commune. Celle-ci s’est conservée alors que le plan a été détruit après août 1968. »
C’est grâce à l’expertise d’une équipe d’anthropologues que la dépouille exhumée en 2014 a pu être authentifiée, permettant aux restes du prêtre d’être déposés le 12 juillet 2015 dans la nef de son église de Čihošť. Cette exhumation était un préalable nécessaire à tout procès en béatification qui est désormais l’objectif de la Conférence épiscopale tchèque. Entamé en avril 2013, ce procès pourrait prendre encore plusieurs années avant que Josef Toufar ne puisse être proclamé « bienheureux » par l’Eglise catholique.