A. Babiš, « un cas inédit et épineux pour la nouvelle Commission européenne »

Andrej Babiš, photo: ČTK/Vít Šimánek

La presse tchèque de ce début de semaine reprend les informations du site d’investigation Neovlivni.cz selon lequel un nouveau rapport d’audit de la Commission européenne confirme que le Premier ministre tchèque Andrej Babiš contrôle toujours le groupe Agrofert qu’il a fondé et qui continue de bénéficier de nombreuses subventions nationales et européennes.

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Eric Maurice est le directeur du bureau de Bruxelles de la fondation Robert Schuman :

« Ce que laissent entendre les nouvelles révélations des médias tchèques c’est que les soupçons se précisent. La Commission européenne (CE) va probablement attendre la version définitive de ces rapports pour communiquer mais il semble bien qu’un réel problème se préfigure entre la CE, l’OLAF et le chef du gouvernement tchèque. On sera, encore plus qu’en juin dernier, dans un cas non seulement inédit mais assez épineux pour la nouvelle CE. »

Pour sa défense, le Premier ministre tchèque affirme s’être mis en conformité avec la loi votée en 2017 à Prague pour empêcher ses conflits d’intérêts, « lex Babiš ». Comment pourrait être résolu un conflit entre loi nationale et règles européennes ?

Eric Maurice : « Il faudra analyser les conclusions définitives des rapports d’audit pour comprendre comment Andrej Babiš a continué à contrôler Agrofert : soit il a contourné cette loi, soit il y a dans cette loi des ‘trous juridiques’ qui lui ont permis de le faire. »

Andrej Babiš,  photo: ČTK/Vít Šimánek
« Pour la CE c’est assez difficile. Si la loi nationale a été rédigée de telle manière qu’elle lui permet de contrôler ses entreprises, la CE ne peut pas vraiment s’inscrire contre cette loi. »

Au niveau tchèque, cette lex Babiš doit prochainement faire l’objet d’un examen par la Cour constitutionnelle et on devrait en savoir davantage à ce moment-là. Au niveau européen, est-ce qu’on constate un changement dans la position d’Andrej Babiš ?

Eric Maurice : « On peut distinguer deux niveaux de la ‘présence’ d’Andrej Babiš au sein de l’UE. D’abord il y a les députés de son mouvement ANO au sein du groupe Renew du Parlement européen. Certains de ses députés ne sont pas forcément identifiés à sa personne, parce que déjà élus et avec une certaine crédibilité comme Dita Charanzová et Martina Dlabajová. On les connaît à Bruxelles et on sait que, même si elles sont plus ou moins proches du Premier ministre, elles ne sont pas concernées par ses affaires. »

Photo illustrative: Commission européenne
« Le deuxième niveau est le Conseil de l’UE, où Babiš siège lui-même lors des sommets européens. C’est un club de chefs d’Etat et de gouvernement où traditionnellement chacun comprend les difficultés des uns et des autres au niveau national. On vient de le voir en décembre dans un cas extrême, avec le Premier ministre maltais Joseph Muscat qui n’a pas été mis en difficulté par ses pairs malgré les soupçons qui pèsent sur lui dans l’affaire du meurtre d’une journaliste. A partir du moment où ce qui se passe dans un pays n’a pas d’impact direct sur le travail du Conseil, personne n’est attaqué de front dans ces réunions. »

« Cela dit, Andrej Babiš a des soucis liés à l’utilisation de fonds européens et on arrive dans une période délicate avec la conclusion du budget européen pour les prochaines années. Donc le Premier ministre tchèque pourrait voir sa position fragilisée dans ce type de négociations, mais nous n’en sommes pas encore là. »