A la découverte de la section française du Lycée slave d'Olomouc (suite)

Photo: www.sgo.cz
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« L'école est finie », fredonnait la chanteuse française Sheila, et, en effet, le mois de juin sonne le glas de l'année scolaire. Les vacances scolaires approchent à grands pas et avec elles la fin de mois de labeur. C'est donc avec cette heureuse perspective à l'horizon et dans une atmosphère plutôt décontractée que nous nous sommes rendus, il y a quelques semaines, au Lycée slave d'Olomouc, qui a la particularité d'avoir une section française.

Rue Pasteur à Olomouc, la section française occupe un bâtiment indépendant des locaux du Slovansky gymnazium, le Lycée slave. Là, chaque année depuis 16 ans maintenant, de jeunes Tchèques font le choix de l'apprentissage du français, mais aussi et surtout d'un enseignement bilingue et bien différent de celui de la plupart de leurs camarades du même âge. En effet, mathématiques, physique, chimie, et histoire-géographie sont les cinq matières qui dès la troisième année d'études sont enseignées exclusivement dans la langue de Molière. Et à la fin de ce cursus scolaire pas tout-à-fait comme les autres, c'est avec un baccalauréat tchèque et français en poche que les lycéens qui auront tenu le rythme entreront dans la vie universitaire. Des études qu'ils pourront ainsi entamer soit en République tchèque, soit en France, sans avoir à passer d'examens d'entrée de langue française, puisque leur diplôme de fin d'études secondaires y est reconnu au même titre qu'un baccalauréat normal.

Zuzana Chaloupkova enseigne depuis les débuts de la section le français et la littérature ; pour elle, il n'y a pas que pour les élèves que la barre est placée haut :

« Je pense que c'est un défi pour un professeur tchèque qui doit enseigner sa discipline. Ca concerne surtout ceux qui doivent enseigner une autre discipline que le français, parce qu'ils doivent connaître celle-ci et l'enseigner en français. Pour moi qui enseigne le français, c'est un peu différent, mais ça dépasse quand même l'enseignement normal d'une langue étrangère. On enseigne aussi la littérature, on travaille aussi l'argumentation, la lecture méthodique, tout ce que font les professeurs et les élèves en France. On essaye de travailler de la même manière ici. C'est quelque chose qui me tente beaucoup, car cela m'oblige toujours à travailler en plus, à tout le temps préparer mes cours, donc c'est un travail qui n'est jamais fini. »

Vous suivez donc le programme français. C'est-à-dire que l'exercice assez classique pour des élèves français qu'est la dissertation, vous le faites aussi. Comment réagissent les élèves tchèques qui ne sont pas forcément habitués à ce type d'exercices ?

« En fait, l'enseignement du français se divise en deux périodes. D'abord les élèves commencent à apprendre la langue, sans savoir la parler, même s'il y a des exceptions qui la parlent un peu. Mais ils apprenent le français comme une langue étrangère. Puis, à un certain niveau, à partir de la troisième année, ils commencent aussi à apprendre la méthodologie française, c'est-à-dire des exercices comme l'argumentation, la discussion, la dissertation, la compréhension d'un texte argumentatif. C'est vrai que c'est quelque chose de complètement nouveau. Au début, ils ont des difficultés, mais ils s'habituent assez bien, parce qu'en général ce sont des élèves très doués et apprennent plus ou moins vite ces méthodes. »

Avez-vous eu des échos d'anciens élèves qui sont revenus vous voir et vous ont dit que ces méthodes les avaient aidés plus tard dans leurs études ? Est-ce compatible en fait avec la suite ?

« Les élèves reviennent très souvent et les échos sont très positifs. En fait, quelle que soit la discipline qu'ils choisissent, ils sentent assez vite l'avantage de leurs études ici, pas forcément pour le français, mais de manière générale pour la discipline qu'ils étudient, parce que cette école les prépare justement pour la méthodologie du travail. Donc, à l'université quand on leur demande un travail individuel, un essai, une argumentation, de présenter leurs idées, de faire un travail de séminaire, c'est très dur pour les élèves qui ne connaissent pas la méthode. Là, nos élèves sentent très vite leur avantage, parce qu'ils voient la valeur du travail plus difficile qu'ils ont dû accomplir. Ils ont un savoir-faire. »

L'apprentissage du français passe bien évidemment aussi par une mise en pratique, et ce par le biais d'échanges scolaires avec des établissements en France. Une occasion d'apprendre d'autres choses, un peu moins conventionnelles... Vladimir Blaha, 17 ans :

« Moi, j'aime bien les échanges, c'est vraiment sympa. On peut discuter avec nos camarades, nos correspondants de Lyon et ça nous permet d'améliorer nos connaissances de la langue française. »

Sens-tu une évolution ? Sens-tu que tu arrives à comprendre un peu mieux la langue parlée de tous les jours ?

« Oui, c'est ça. J'ai appris quelques nouveaux mots (rires). Grâce à cet échange. Par exemple « défoncé », etc. C'était pour moi un peu surprenant ! Je ne savais pas ce que ça voulait dire. Mais bon, je le sais maintenant ! »

Cours en français, échanges scolaires, et présence d'enseignants français dans l'établissement contribuent à créer un cadre linguistique pour une meilleure immersion. Et comme s'exprimer dans une autre langue que sa langue maternelle demande aussi un peu de courage, la section théâtre est là, à la fois pour les amateurs des planches tout court, mais aussi pour aider un peu à se jeter à l'eau. Et c'est Valérie Hamelin qui s'occupe de sa petite troupe baptisée Les Tréteaux d'Olomouc :

« En fait, j'avais un peu la pression en arrivant, parce qu'il y avait un festival qui existe en RT, qui s'appelle le Festivadlo de Brno. On m'avait dit : il faut reprendre l'atelier théâtre et aller jouer à Festivadlo. C'est un festival qui a lieu au mois de mars, donc très tôt dans l'année scolaire, et en raison de cette participation au festival, on prépare un spectacle, ce qui n'était pas pour moi à l'origine un objectif fondamental au théâtre. Mais donc maintenant on joue une pièce qui est au festival et qu'on représente en fin d'année. Cette année on a présenté Métaphor-city de Jacques-François Piquet : je choisis des auteurs français contemporains assez peu connus pour qu'on ait une marge de liberté à la fois de mise en scène et d'interprétation. On n'est pas non plus des comédiens professionnels, donc je privilégie vraiment la forme théâtrale nouvelle et le texte contemporain. »

Avant Olomouc, Valérie Hamelin enseignait aussi le théâtre, en France, mais pour des élèves de lycée en option théâtre. Comment s'est passée la transition et quelles ont été ses impressions en prenant en charge la petite troupe d'Olomouc ?

« Maintenant, je crois qu'il n'y a plus de différences et on travaille sans doute mieux parce que ici c'est vraiment une volonté. En France, c'était un choix d'études : certains faisaient du théâtre pour passer un bac, mais il n'y avait pas toujours une vraie volonté théâtrale. Alors que ici, ce sont tous des élèves volontaires, je crois qu'ils aiment le théâtre, que ça se sent et qu'on partage cette passion. La première différence, je me souviens, c'est le premier cours de théâtre. En France, j'avais donné un exercice d'impro sur une émotion. En France, en général, on lance en général un mot d'odre, et ça peut durer quarante minutes et c'est souvent à l'animateur d'arrêter et de dire « ça va ! » Et là, je lançais des mots et ça durait trois secondes, les élèves avaient déjà fini, et moi je me disais, c'est terrible, je ne vais jamais y arriver ! Je pense qu'il fallait aussi apprendre à se connaître. Ils mimaient en fait très vite une réaction, une émotion, mais ils n'arrivaient pas encore à interpréter, à improviser, à jouer. Maintenant, au contraire, ils arrivent à tenir quarante minutes sans problème. »

Peut-être y avait-il aussi la barrière de la langue qui faisait qu'ils avaient plus de retenue ?

« La barrière de la langue, oui... Je crois aussi que c'est une différence culturelle. J'étais aussi leur professeur de français, donc ce n'est pas facile, j'avais la double-casquette. Pour eux, il y a quand même le respect du professeur et je crois qu'ils avaient du mal à se laisser aller. Ils ont une discipline que les élèves français n'ont pas toujours, les Français sont toujours prêts à s'amuser, même en cours, donc en France ça leur était beaucoup plus facile de se lâcher, de dire des gros mots, d'être dans la provocation, ce que n'ont pas du tout les élèves tchèques à mon avis, et ce qui est très bien d'ailleurs parce que du coup, ce qu'ils jouent, ce n'est que du bon. »

Rappelons que Prague, Tabor et Brno sont les trois autres villes de République tchèque qui possèdent un établissement d'enseignement secondaire doté d'une section liée au système éducatif français. Il ne nous reste plus qu'à féliciter les bacheliers du cru 2006 et leur souhaiter bonne chance pour leurs examens d'entrée dans les universités tchèques ou bonne découverte s'ils ont décidé d'opter pour un départ vers la France...