À la découverte de la station Můstek : attention, le petit pont peut en cacher un autre !
Dans ce nouvel épisode consacré à la découverte du métro pragois, nous vous emmenons explorer la station Můstek, en compagnie de Martin Karlík, guide au Prague City Tourism. Au programme, des trouvailles archéologiques inattendues, un souterrain qui n’en est plus un, des couleurs choisies à dessein, un duc assassiné ou encore un marché aux chevaux rebaptisé !
Můstek compte parmi les stations emblématiques du métro de Prague. Inaugurée sur la ligne A, le 12 août 1978, elle n’est devenue une station de transfert qu’en 1985, lors de l’ouverture de la ligne B. Aujourd’hui, Můstek est la station de métro la plus fréquentée du réseau pragois et c’est là que nous attend notre guide du jour.
Notre visite commence dans le vestibule situé sous la place Jungmann, devant un bas-relief en céramique monumental sur lequel on devine notamment les silhouettes du Musée national, du pont Charles ou encore du Théâtre national. Pourquoi nous avoir donné rendez-vous devant cette œuvre ?
« Du temps de la Tchécoslovaquie socialiste, toute nouvelle construction d’ampleur devait intégrer un ornement artistique - peu importe que ce fût une autoroute, un pont, un lotissement ou un métro. La réalisation que nous avons dans ce vestibule répond justement à cette exigence. Elle avait vocation à représenter l’importance sociale et culturelle de Prague en tant que capitale de la Tchécoslovaquie. Elle est l’œuvre de Lubomír Šilar, un artiste tchèque qui a beaucoup travaillé avec la céramique. On lui doit notamment les bas-reliefs de la polyclinique de Košice en Slovaquie ou encore ceux de la maison de la culture à Neratovice, en Bohême centrale. Šilar a également participé à la conception de la station de métro Prajskaïa [Prague] à Moscou, pendant que les artistes soviétiques s’attelaient, eux, à concevoir la station Moskevská [Moscou] à Prague, aujourd’hui rebaptisée Anděl. »
Avec ses trois vestibules et ses vingt-et-une entrées, la station Můstek est un vrai labyrinthe et un cauchemar pour qui veut s’y donner rendez-vous. Pourtant, comme en témoigne cette œuvre de Lubomír Šilar, arpenter ses couloirs vaut le détour, chaque vestibule cachant son lot de curiosités…
« Oui, la station compte, en effet, trois vestibules. Nous nous trouvons actuellement dans le plus petit et le plus récent, situé sous la place Jungmann, qui permet de rejoindre la ligne B depuis 1985. Le plus grand vestibule est situé au centre de la place Venceslas. Il avait été conçu initialement, dans les années 1960, comme un passage souterrain. Aujourd’hui, la zone est piétonne et relativement calme, mais il y a plusieurs décennies, le quartier était bien plus passant. Des tramways y circulaient et il y avait là un important carrefour. Du temps de la Première république, le premier feu tricolore à commande automatique de Prague a d’ailleurs été installé au croisement de la rue Jindřišská. Le trafic était dense et donc traverser la place Venceslas n’était pas chose facile. Un passage souterrain a alors été construit - le premier de Tchécoslovaquie. Il ne s’agissait toutefois pas d’un simple tunnel. Le passage avait été imaginé de façon à accueillir une galerie marchande. Les Pragois ne s’y sont pas trompés. Le souterrain est devenu une destination en soi pour les riverains qui venaient y faire leurs courses. Par la suite, lorsque la construction du métro a commencé, il a finalement été décidé que le souterrain servirait de vestibule à la station. Pour la petite anecdote, le passage souterrain de Trnavské mýto à Bratislava aurait dû avoir la même vocation, si une ligne de métro avait dû être construite dans la capitale slovaque. »
Les Pragois ont fini par oublier son existence…
Nous avons quitté le vestibule de la place Jungmann pour rejoindre celui dit de Na Můstku, le dernier dont nous n’avons pas encore parlé. Pourquoi la station porte-t-elle le nom de Můstek qui, rappelons-le, signifie en français le « petit pont » ?
« A deux pas d’ici, en surface, se trouve la rue Na příkopě [qui se traduit littéralement par ‘sur le fossé’]. Comme son nom l’indique, il y avait autrefois, le long des fortifications de la Vieille-Ville, un fossé. Or, pour franchir ce fossé et accéder aux portes de la ville, il fallait obligatoirement un pont. Le pont que nous voyons ici, dans le vestibule de Na Můstku, remplissait cette fonction. Il date du Moyen Âge et c’est à lui que l’on doit le nom du quartier. Charles IV, en entreprenant la construction de Nové Město, la Nouvelle-Ville, a fait repousser les fortifications au niveau de l’actuel Musée national.
Il est intéressant de noter qu’au moment où le fossé a été comblé, lors de la jonction entre la Vieille-Ville et la Nouvelle-Ville, ce petit pont a lui aussi été enseveli. Les Pragois ont fini par oublier son existence quand bien même ils continuaient à parler du quartier de ‘Můstek’. C’est seulement lorsque la construction du métro a débuté que les fouilles archéologiques ont permis de redécouvrir ce petit pont. »
Můstek alias Zlatý kříž
Můstek ressemble par son esthétique, avec ses panneaux convexes et concaves en aluminium anodisé, à d’autres stations du premier segment de la ligne A. Néanmoins, la station se distingue de ses sœurs par son nuancier de couleurs, jaune et or. Le choix de ces deux couleurs est-il un hasard ?
« Le choix n’est pas du tout aléatoire. Sur le premier segment de la ligne A, chaque station a sa couleur attitrée. Comme je l’ai évoqué, les architectes qui ont travaillé sur l’esthétique du métro veillaient à ce qu’il y ait un concept derrière chaque station. Dans le cas présent, la couleur dorée a été choisie car le quartier est aussi connu sous le nom de Zlatý kříž [la ‘Croix dorée’ en français]. Cette appellation remonte à l’époque où les routes commerciales se croisaient ici même. Vous pouviez vous procurer ici tout ce que vous souhaitiez. Dans les années 1990, le nom de Zlatý kříž a revêtu une connotation plus péjorative, dans la mesure où vous pouviez trouver ici tout ce que vous désiriez, y compris de la drogue. Le quartier reste néanmoins associé, à travers les siècles, à un lieu de rencontre et de commerce, d’où le choix, par conséquent, de cette couleur dorée. »
Saint Venceslas, le saint patron des Tchèques
La station Můstek est construite en partie sous la place Venceslas qui tient son nom du célèbre duc de Bohême dont la statue équestre domine toujours les lieux. Pouvez-vous nous rappeler qui était saint Venceslas et son importance dans l’histoire des Pays tchèques ?
« Saint Venceslas est le saint patron des Tchèques, celui qui nous protège. Il est issu de la dynastie des Přemyslides. Il reste célèbre pour avoir notamment contribué à l’épanouissement du christianisme dans les Pays tchèques. Cet attachement à la religion, il le tient de sa grand-mère, sainte Ludmila, qui l’a élevé dans le christianisme. Venceslas a toutefois été assassiné par son frère Boleslav, à Stará Boleslav, non loin de Prague, le 28 septembre de l’an 929 ou 935 selon les sources. Boleslav n’était pas un adepte de la religion. Une fois au pouvoir, il s’est aperçu qu’elle pouvait cependant avoir du bon, mais il était trop tard, son frère était mort. Saint Venceslas reste une figure majeure pour les Tchèques et il est donc logique qu’il trône désormais sur son cheval en haut de la place qui porte aujourd’hui son nom. De nos jours, il est encore fréquent que, pour un rendez-vous galant, les amoureux conviennent de se retrouver ‘pod ocasem na Václaváku’ [sous la queue sur la place Venceslas]. »
La place Venceslas, Václavské náměstí ou Václavák, comme la surnomment affectueusement les Tchèques, est un lieu symbolique de Prague, ne serait-ce déjà que par ses dimensions - 750 mètres par 60. Il était donc important qu’elle soit desservie par le métro. Comment décririez-vous le lien qui unit les Tchèques à cette place ?
« La place avait initialement une fonction commerciale et était connue sous le nom de Koňský trh ou Rossmarkt en allemand, c’est-à-dire le marché aux chevaux. En 1848, lors de la gronde révolutionnaire, le journaliste Karel Havlíček Borovský a plaidé pour que le lieu soit rebaptisé Svatováclavské náměstí [place Saint-Venceslas]. Cependant, sous le régime communiste, tout ce qui avait trait à la religion étant banni, le ‘saint’ a finalement été retiré. La place est un endroit où les gens se rassemblent pour les grands événements historiques. L’un des derniers en date, parmi les plus marquants, reste, sans aucun doute, celui de la révolution de Velours de 1989. La place Venceslas était alors noire de monde. Dès que les gens veulent manifester, peu importe la cause défendue, c’est généralement sur la place Venceslas qu’ils se rassemblent. »
Le saviez-vous ?
Depuis fin novembre, une nouvelle installation, pour le moins atypique, a fait son apparition dans le vestibule de Na Můstku. A deux pas du petit pont, une vitrine végétalisée agrémente désormais les couloirs de la station. Baptisée Metrorost, elle est le fruit d’une collaboration entre le Centre universitaire des bâtiments économes en énergie de la ČVUT (Université technique de Prague) et la Société des transports de Prague (DPP). L’installation intègre un ensemble de capteurs intelligents qui assure aux plantes un environnement propice à leur développement, malgré l’absence de lumière naturelle. Le projet participe ainsi au verdissement des milieux urbains et permet, par la même occasion, aux usagers du métro de profiter des bienfaits reconnus sur l’humeur et la santé mentale de la présence de végétation dans les espaces du quotidien.
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