A Lyon, l’école des mamies tchèques pour les enfants des couples bilingues

Photo: Commission européenne

Initier à la langue tchèque les petits enfants des couples binationaux franco-tchèques vivant en France, et plus précisément à Lyon. Tel est l’objectif de « Škola u babiček » - « L’école chez les grands-mères », nouveau projet lancé en cette rentrée par l’Association franco-tchèque de Lyon. Parmi les deux mamies tchèques qui s’occupent de ces enfants vivant dans un environnement familial bilingue, Adéla Dez, arrivée en France peu après les événements d’août 1968. Adéla Dez explique la genèse de cette structure d’accueil :

Photo: Commission européenne
« Avec mon amie Ludmila, nous sommes deux mamies qui avons élevé nos enfants en leur apprenant le tchèque. Et maintenant, nos enfants souhaitent également que leurs enfants connaissent leur langue d’origine. Nous nous sommes donc dit que nous, les mamies, puisque nous sommes disponibles, nous pouvions faire quelque chose ensemble plutôt que de rester chacune dans notre coin comme nous l’avons fait avec nos enfants, parce que, à l’époque, il n’y avait aucune structure. Nous nous débrouillions toujours en famille ou entre amis pour apprendre notre langue d’origine à nos enfants. C’est ainsi que nous avons eu l’idée de lancer quelque chose puisqu’il y a plusieurs enfants dans cette situation à Lyon. Ces petits sont issus de la troisième génération et nous nous sommes dit ‘pourquoi ne pas les mettre ensemble ?’, ‘pourquoi ne pas les réunir ?’ en essayant, par le jeu, de les initier à la langue tchèque. Ce sera donc un complément de ce qui se fait déjà dans les familles. Bien évidemment, il faut que les parents soient demandeurs. Ce ne sont pas les mamies qui peuvent imposer quelque chose... Nous nous rendons simplement disponibles et allons faire de notre mieux pour initier ces petits enfants à la langue tchèque. »

Pour quelles tranches d’âge votre projet est-il destiné ?

Photo illustrative
« Pour l’instant, nous avons neuf enfants. Six qui vont à l’école maternelle, qui sont donc âgés de trois à six ans, et des plus grands de sept à neuf ans qui savent déjà lire et écrire. Il faut donc bien séparer les deux groupes. Il faut une initiation pour les plus petits, auxquels nous proposerons des jeux et des petites chansons, un peu comme à l’école. Et puis quelque chose d’un peu plus structuré pour les plus grands avec lecture et récitations, par exemple. Nous allons nous baser en priorité sur le parler. Nous n’avons pas la prétention de leur apprendre la grammaire ou les déclinaisons. Cela viendra peut-être plus tard. S’il y a une demande, peut-être pourrons-nous nous lancer dans cette phase ultérieure. Mais pour l’instant, nous commençons par le parler. Et, moi-même, je m’y efforce déjà avec ma petite-fille, qui aura bientôt trois ans. Chaque fois que je suis avec elle, nous chantons ensemble ; ce sont des petites chansons et elle commence à m’accompagner. »

On peut supposer que ce sont des activités plutôt tchèques que vous allez proposer aux enfants…

Pour qu'un enfant s'oriente dans les deux langues, il faut qu’une personne parle toujours la même langue.

« Notre principe sera d’abord de ne pas du tout parler français pour que les enfants n’entendent que le tchèque pendant ces deux heures une fois toutes les deux semaines. C’est d’ailleurs ce que je fais avec ma petite-fille. Je pense qu’il y a certaines règles à respecter dans l’apprentissage bilingue des enfants. Pour qu’un enfant s’oriente dans les deux langues, il faut qu’une personne parle toujours la même langue. Il ne faut pas que la mamie parle tantôt tchèque, tantôt français. Moi, je suis la mamie tchèque. Ma petite-fille a une autre mamie qui ne lui parle que français. C’est la règle à laquelle je me tiens. Evidemment avec l’accord des parents, et ce même si mon gendre, parfois, ne comprend pas ce que je dis à sa fille… C’est aussi ce que je faisais avec mon mari. Quand je parlais tchèque à mes filles, il apprenait avec elles. Mais la règle d’or, c’est vraiment qu’une personne parle toujours la même langue. Il faut s’y tenir et ne pas mélanger les deux. »

Vous êtes bien placée pour le savoir : parler une langue est une chose, apprendre à lire et à écrire en est une autre. Pour certaines langues ‘internationales’, comme le français ou l’anglais, c’est peut-être un peu plus facile, du fait qu’il existe des écoles spéciales. A Prague, par exemple, il existe une école française et certains lycées tchèques proposent un enseignement de certaines matières en français. Mais pour une langue comme le tchèque, que l’on qualifiera de ‘mineure’, c’est un peu plus compliqué… Comment avez-vous donc fait pour apprendre tout cela à vos enfants ?

« Je peux parler de mon expérience avec mes filles. Je leur ai appris à parler tchèque, mais pas à lire ni à écrire. Nous apprenions en famille et pendant les vacances. Par contre, quand elles étaient plus grandes, avec l’ouverture des frontières après la révolution de velours, elles passaient leurs mois d’été à l’université à Prague, où il y avait des cours de tchèque pour les étrangers. Tout ce qu’elles savent écrire, c’est là-bas qu’elles l’ont appris. Même si j’ai voulu leur apprendre à la maison, elles n’étaient pas toujours motivées. Après leurs devoirs du soir qu’elles avaient déjà à faire pour l’école, cela les barbait un peu… »