À Mikulov, grâce aux « Créatures sauvages », l’heureux mariage entre bière et vin
C’est une brasserie au milieu des vignes... Une microbrasserie qui produit une bière comme il ne s’en brasse probablement nulle part ailleurs dans le monde. Une brasserie qui se trouve à Mikulov, petite ville de Moravie du Sud qui est un des hauts lieux de la viticulture en Tchéquie, et qui propose pourtant un mariage presque tout ce qu’il y a de plus naturel entre la bière et le vin. Un mariage qui a donné naissance à une bière de fermentation spontanée, sauvage dit-on aussi ; « Wild Creatures » (Créatures sauvages) est d’ailleurs le nom de cette brasserie pas comme les autres que nous vous proposons de découvrir.
*Note : certains passages de l’article dans sa version sonore étant à la fois en tchèque et en français, et donc difficiles à retranscrire, nous vous recommandons d’écouter (plutôt que de lire) pour mieux comprendre l’ensemble du sujet.
Jitka Ilčíková est la « maman » de ces « créatures sauvages ». Native des environs de Mikulov, où elle a grandi au milieu des vignes de son grand-père, Jitka découvre les bières de fermentation spontanée, appelées lambics, en Belgique où, au début des années 2000, elle séjourne régulièrement dans le cadre de son activité professionnelle. Comme l’immense majorité des Tchèques, même parmi les plus grands amateurs de bière, Jitka ne connaît alors rien du petit monde des lambics. Mais elle goûte, d’abord par curiosité, et saisie par la palette de goûts qu’offrent les bières de fermentation spontanée, Jitka en tombe, comme elle le dit elle-même, « littéralement amoureuse ». « Spontanément » ou « sauvagement » amoureuse, pourrait-on même presque ajouter...
Mais plus encore que le lambic, bière plus ou moins acide en fonction de son âge et produite historiquement en principe exclusivement dans les environs de Bruxelles, c’est la kriek, bière de fermentation spontanée aromatisée avec des cerises, que Jitka apprend à apprécier.
« Les lambics de Mikulov »
Lorsque nous lui avons rendu visite dans sa cave de Mikulov, accueillis au milieu d’anciens tonneaux de vin en bois dans lesquels la bière mûrit généralement pendant une période pouvant aller de six mois à trois ans, Jitka était accompagnée d’Aleš Stejskal. Originiare de Brno, chef-lieu de la Moravie, et ancien joueur de rugby professionnel en France, Aleš Stejskal s’est reconverti dans la vente de bières tchèques dans son pays d’adoption. Depuis quelques années, Aleš est le directeur des Bières tchèques, une société qui distribue les produits de différentes brasseries tchèques en France, parmi lesquels ceux de Wild Creatures. C’est donc en fin connaisseur qu’il explique ce qui fait la particularité des « lambics de Mikulov ».
Car, oui, pour fabriquer sa bière en utilisant la technique de fermentation spontanée, Jitka Ilčíková laisse agir les levures sauvages, aussi parfois appelées indigènes, présentes dans l’air et l’environnement de sa brasserie. Or, celle-ci se trouvant à proximité de vignes, c’est la microflore provenant de ces mêmes vignes qui, de facto, vient ensemencer le moût laissé à l'air libre et appelé à devenir de la bière.
Et c’est précisément en cela, dans l’usage de ces micro-organismes servant habituellement à la transformation du jus de raisin en vin pour produire de la bière, que le processus de fabrication de la brasserie Wild Creatures est unique en son genre. Comme le souligne encore Aleš Stejskal, ce sont ces levures de vinification qui donnent ensuite leur caractère aux bières.
Avant d’en arriver là, et à un produit qui peut être considéré comme le « champagne de la bière », Jitka Ilčíková aura toutefois eu besoin de temps, plus encore que celui que réclame la production d’un lambic ou d’une gueuze, autre bière résultant de l’assemblage de différents lambics jeunes et vieux. Profitant de l’activité de brasseur de son mari, ce n’est qu’au bout de plusieurs années de recherches et d’essais qu’elle est parvenue au résultat espéré.
Un résultat enrichi aujourd’hui des arômes de certains des fruits qu’offre la Moravie du Sud : cerises, bien évidemment, comme pour toute kriek qui se respecte, mais aussi framboises, raisin, ou même pétales de roses. Et comme Christian Orceau, longtemps professionnel dans le monde du vin en France avant de créer la société Les Bières tchèques et ravi de découvrir leur « finesse en nez », on ne saurait trop conseiller aux amateurs de bière comme de vin de découvrir les créations engendrées par ces « créatures sauvages ».
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