A Prague, le rapatriement des Tchèques d’Ukraine ne fait pas l’unanimité

Les Tchèques de Volhynie

Les demandes de rapatriement formulées par les Tchèques de Volhynie, familles d’origine tchèque vivant dans le nord-ouest de l’Ukraine, divisent les autorités politiques à Prague. Tandis que le ministère des Affaires étrangères n’a encore donné suite à aucune demande depuis le dépôt de la première d’entre-elles en mars dernier, le président de la République, Miloš Zeman, lui aussi directement sollicité par les Tchèques d’Ukraine, a indiqué, lundi, qu’il allait transmettre le dossier au ministère de l’Intérieur afin de pouvoir les accueillir.

Les Tchèques de Volhynie | Photo: ČT24
Lorsque Miloš Zeman a quelque chose à dire, il le dit. Et, généralement, il n’y va pas avec le dos de la cuillère. Fidèle à son habitude, le chef de l’Etat ne s’est donc pas privé, en fin de semaine dernière, après son entrevue avec le ministre des Affaires étrangères, de critiquer le travail de l’ambassade tchèque à Kiev. Le président estime que celle-ci a manqué à ses obligations en ne s'occupant pas de la requête de rapatriement envoyée il y a quelques mois déjà de cela par plusieurs dizaines de familles d’origine tchèque. Directeur du département en charge des Affaires étrangères au bureau du président de la République, Hynek Kmoníček précise pourquoi Miloš Zeman s’est engagé personnellement dans ce dossier compliqué :

Miloš Zeman,  photo: ČTK
« Le président a reçu une demande de 232 citoyens vivant dans deux régions différentes en Ukraine. Tous souhaitent revenir dans leur pays d’origine sans que la liste de leurs noms soit transmise au ministère des Affaires étrangères. C’est pourquoi le président a décidé de remettre cette liste au ministre de l’Intérieur afin que celui-ci trouve une solution. Il s’agit donc d’un dossier du ressort du ministère de l’Intérieur. »

Toutefois, le ministère de l’Intérieur n’entend pas se décider seul, comme l’a expliqué le ministre Milan Chovanec :

« Nous attendons d’abord de disposer de cette liste de noms. Ensuite, nous consulterons l’ambassade et le ministère des Affaires étrangères pour entrer en contact avec ces gens et vérifier que leur demande est bien justifiée. »

Au sein même de la coalition gouvernementale, les avis sont partagés. Vice-Premier ministre et leader du Parti chrétien-démocrate, Pavel Bělobrádek estime ainsi que la République tchèque devrait faire preuve de bonne volonté :

« Ce sont des gens qui ont non seulement des origines tchèques mais qui sont aussi travailleurs. Je pense donc que les accueillir devrait nous intéresser et que nous devrions les aider dans leur démarche de rapatriement. »

Volhynie,  photo: ČT24
Le Premier ministre Bohuslav Sobotka s’est montré plus prudent dans ses déclarations. Le chef du gouvernement ne souhaite pas que ces demandes de rapatriement soient récupérées par la propagande russe contre l’Ukraine. Parallèlement, accueillir ces Ukrainiens d’origine tchèque pourrait compliquer les relations bilatérales entre Prague et Kiev. En effet, un certain nombre de demandeurs pourraient faire l’objet de la mobilisation de l’armée ukrainienne. Sur ce point, le directeur du département en charge des Affaires étrangères au Château de Prague n’est pas d’accord. Hynek Kmoníček :

« Je ne pense pas que ce soit la question. Si la République tchèque décide de satisfaire ces demandes de rapatriement, ce ne sera pas une décision qui sera prise pour ou contre la Russie, pour ou contre l’Ukraine et pas même pour les Tchèques de Volhynie. La seule raison est que nous voulons prendre cette décision pour nous-mêmes, pour démontrer qu’être Tchèque signifie encore quelque chose aujourd’hui, ce qui implique certaines obligations pour les deux parties concernées. »

Une décision finale sera prise par le gouvernement après concertation donc des ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères. Et si le gouvernement donnait son feu vert, les premiers « Tchèques d’Ukraine » pourraient être rapatriés avant la fin de l’année.