Adoptez votre manuscrit

Le bréviaire de Kunhuta de Kolovrat
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Dans les collections de la Bibliothèque nationale tchèque il y a plus de 13 500 manuscrits et 250 000 livres anciens imprimés. Ces objets précieux ne peuvent pas être exposés sans courir le risque d’être endommagés et ils ne sont donc accessibles qu’à un cercle restreint de chercheurs et de spécialistes. Grâce au projet qui permet à tout un chacun d’«adopter», c’est-à-dire de sponsoriser la création de la copie d’un manuscrit ou un livre de son choix, les fonds précieux de la Bibliothèque nationale pourront être présentés au grand public.

Selon Renáta Modráková du Département des vieux manuscrits et des incunables de la Bibliothèque nationale, l’objectif de ce projet est double. En initiant la création de copies de ces documents de valeur, les auteurs du projet cherchent à rendre accessibles les documents les plus précieux des collections de la bibliothèque et de les conserver aussi pour les générations futures :

« Il est évident que tous les manuscrits et incunables qui se trouvent dans les collections de la Bibliothèque nationale ne peuvent pas être exposés tous les jours. Ce projet cherche donc à donner au public la possibilité de les voir le plus souvent possible dans le cadre de diverses expositions en République tchèque et à l’étranger. Ainsi les manuscrits revivront et seront remis «en circulation » comme dans le passé. »

Jusqu’à présent au total 11 manuscrits ont été « adoptés » par des sponsors dont un a même été sponsorisé deux fois. Il s’agit du manuscrit du fragment très précieux de la chronique attribuée à Dalimil que la Bibliothèque nationale avait acquis, il y a quelques années, lors d’une vente aux enchères à Paris. Actuellement donc, deux copies artistiques de ce fragment sont disponibles.

Un des manuscrits adoptés est le bréviaire de Kunhuta (Cunégonde) de Kolovrat, abbesse du couvent Saint-Georges au Château de Prague. Grâce à un important don financier a été créée la copie artistique du bréviaire, mais aussi sa version numérisée. Un sponsor a également choisi la Chronique du Concile de Constance d’Ulrich Riechenthal. Le manuscrit retrace le déroulement et les circonstances du concile de l’Eglise catholique entre 1414 et 1418 qui a mis fin au Grand Schisme d’Occident et au cours duquel a été condamné et brûlé vif le prêtre et réformateur tchèque Jan Hus.


Parmi d’autres documents ayant attiré l’attention des sponsors, il faut relever le Codex de Vyšehrad du XIe siècle, précieux manuscrit qui, d’après Renáta Modráková, revêt une grande importance pour la culture tchèque et pour toute l’Europe:

«Dernièrement a été également adopté et sera copié le manuscrit datant de la moitié du XIVe siècle connu sous le titre « Liber de natura rerum » et attribué à Thomas de Chantipré (Thomas Cantipratensis). Au Moyen Age, c’était un manuscrit très populaire parce que Thomas de Chantipré y évoque une faune et une flore extraordinaires et fantastiques. Il parle d’animaux et d’hommes bizarres dont par exemple un chien à deux têtes, ou une femme militante ce qui, pour la société médiévale, était quelque chose d’impensable. Il parle aussi des couleurs absurdes des fleurs. L’auteur a donné dans ce livre sa vision imaginaire d’un monde dont l’existence n’était que soupçonnée par ses contemporains.»

Et Renáta Modrákova d’inviter donc des institutions publiques, des sociétés privées, des personnes morales et physiques et tous les amateurs de livres et d’histoire à participer au financement de ces monuments de la littérature du passé. Elle souligne que le projet est proposé à tout le monde:

«Il n’est pas dit qu’une seule institution, une seule société doivent adopter un manuscrit. Au contraire, il est tout-à-fait souhaitable que plusieurs institutions ou plusieurs personnes s’associent pour adopter un manuscrit, une copie artistique d’un manuscrit. Les sommes versées par les donateurs varient beaucoup et on ne peut donc pas dire quel est leur montant précis. Cependant elles ne dépassent jamais un million de couronnes. L’objectif de la copie artistique est de ressembler le plus possible à l’original. La copie artistique est réalisée par des peintres professionnels qui cherchent à simuler même le matériel utilisé pour la création du manuscrit original. Ils analysent aussi les technologies anciennes de fabrication de livres. Quand le manuscrit original et la copie sont posés côte à côte, il arrive couramment qu’on n’arrive pas à les différencier. Et, je dois le dire, cela arrive également aux spécialistes.»

Ainsi les vieux volumes reprennent vie et se multiplient grâce à leurs « doubles », leurs « sosies » créés par des artistes contemporains qui sont à la fois conservateurs et restaurateurs. C’est une seconde vie pour ces documents anciens qui peuvent être désormais présentés à des expositions permanentes et itinérantes en République tchèque et à l’étranger.