Agrotourisme et produits bio à la ferme de Dagmar Havlová

Photo: www.farmakosik.cz

Cette fois nous partons pour une balade qui ne sera pas comme les autres : c’est Dagmar Havlová, non pas l’ex-première dame, mais la belle-sœur de Václav Havel, qui nous accueillira dans sa ferme bio tout juste ouverte dans une vallée romantique entourée de forêts, à une quarantaine de kilomètres à l’est de Prague. Le restaurant bio de cette ferme est géré par l’ancien cuisinier des présidents tchèques et leurs invités officiels au Château de Prague, Václav Košnař, qui a aussi été, pendant plusieurs années, engagé chez l’un des plus grands chefs français, Bernard Loiseau, trois étoiles au guide Michelin.

La ferme qui s’appelle Košík – le panier, et qui est située non loin de la route principale reliant les villes de Mladá Boleslav et Kopidlno, est un endroit qui vaut le détour.

« Cette maison porte le numéro 1, nous l’avons achetée il y a 3 ans, et l’idée de départ était d’y loger nos brebis, comme c’était presque une ruine. Finalement, les bergeries ont été construites à côté et cette maison a été aménagée en pension : »

Raconte en slovaque, sa langue maternelle, Dagmar Havlová, docteur des sciences naturelles, et une femme qui a pris part à plusieurs expéditions à la base Eco-Nelson, en Antarctique, pour y essayer la survie dans des conditions extrêmes. Nous sommes accueillis dans la grande salle à manger de cette pension qui propose agrotourisme, séjours à la ferme et produits bio du terroir. La ferme de Dagmar Havlová est la seule en République tchèque à élever les brebis de race Romanov originaire de Russie :

« Notre troupeau représente 300 brebis dont 110 sont des brebis laitières qui sont traites à la main deux fois par jour. Avec ce lait, nous faisons nous-mêmes les fromages : l’année dernière, nous avons construit une salle de fabrication des fromages qualité bio. Nous avons les certificats pour utiliser le label bio pour toute sorte de produits : viande de brebis et d’agneau, fromages de chèvre et de brebis, légumes, fruits, et même pour la laine de brebis que j’utilise pour confectionner les couvertures de nos chambres d’hôte. »

Dagmar Havlová,  photo: CTK
Tous les travaux à la ferme sont effectués par sept personnes y compris Dagmar Havlová. Les constructions légères en bois des bâtiments d’exploitation - bergeries, fenils pour stocker le foin, garages et ateliers de réparation - sont également leur œuvre. Je ne pouvais ne pas demander à Dagmar Havlová pourquoi la décision de créer une ferme bio et pourquoi justement sur ce site ?

« Nous avions un chalet ici, dès la fin des années 1980. L’idée d’une telle ferme m’est venue après 1989, lorsque la coopération agricole locale a cessé d’exister et quand j’ai vu tous ces champs laissés en friche, à l’abandon, et tous ces pâturages pleins de mauvaises herbes. C’est pour ‘nettoyer’ ces terrains que j’ai décidé d’élever des moutons. Aujourd’hui, nous exploitons environ 70 hectares de terre, pour la plupart des pâturages, mais il y a aussi des champs de blé que nous utilisons comme nourriture complémentaire de nos animaux. Pour embellir notre bilan économique, nous avons près de 10 hectares de champs en production conventionnelle et nous espérons que le blé semé cette année pourra être vendu à un bon prix. »

Le nom de Dagmar Havlová est le plus souvent cité en rapport avec le palais Lucerna, au centre de Prague, dont elle est de moitié la copropriétaire. C’est ici qu’elle a récemment ouvert un restaurant, Monarchie, proposant de la viande d’agneau, des fromages, des fruits et des légumes provenant de sa ferme. Or comme elle précise, un vrai restaurant bio sera celui qui va bientôt ouvrir directement à la ferme :

« M.Košnař est le meilleur cuisinier du pays. Pour exploiter au mieux son art, nous sommes en train d’aménager pour lui une cuisine professionnelle. Nous voulons faire découvrir à nos hôtes les meilleurs goûts de la gastronomie locale, avec les dégustations de nos produits bio. »

Au départ peu bavard, Václav Košnař a finalement accepté de me raconter son parcours professionnel tout à fait extraordinaire :

« En 1960 je suis entré en apprentissage dans le célèbre hôtel praguois Alcron. J’y suis resté pendant presque 30 ans et de là-bas je partais travailler dans diverses parties du globe - en Allemagne, en France, en Belgique, en Finlande. A mon retour, je suis devenu chef cuisinier à l’hôtel Hoffmeister, et c’est grâce à son propriétaire que j’ai eu l’opportunité de travailler chez Bernard Loiseau, c’était à Saulieu, en Bourgogne, et c’est dans son restaurant que j’ai cuisiné. »

Václav Košnař a passé plusieurs années au Château de Prague, en tant que chef cuisinier des présidents et leurs invités officiels :

« Au Château de Prague, j’ai fait la cuisine pour Václav Havel, pour la reine d’Angleterre, le roi d’Espagne, pour les chefs d’Etat, pour le président d’Israël Weizmann… Lors de la réception en l’honneur de la reine Elisabeth, j’ai fait la cuisine pour 360 invités. C’était un travail extrêmement intéressant mais aussi extrêmement responsable. Je me souviens que je n’ai pas dormi pendant 15 jours. »

Au restaurant bio de la ferme Košík, Václav Košnař voudrait appliquer avant tout ce que lui avaient appris au début de sa carrière les chefs cuisiniers de l’hôtel Alcron, ce qu’il appelle la bonne vieille école tchèque :

« Maintenant, je fais de la cuisine tchèque, je ne fais pas de cuisine italienne, je ne fais pas non plus de cuisine française, même si j’ai copié ces cuisines sur certains aspects, mais pas sur tout. Je me réfère de plus en plus à l’ère de Magdaléna Dobromila Rettigová, fondatrice de l’art culinaire tchèque, au XIXe siècle. Aujourd’hui, vous avez partout des hot dog, des KFC. Ce que je vous suggère, c’est bien la cuisine traditionnelle tchèque : viande de gibier, boulettes de pâte fourrées de prunes ou d’abricots, blinis aux myrtilles, à la crème fraîche, quel délice… J’ai fait toujours la promotion de la cuisine tchèque, éventuellement slovaque. Si je devais vous proposer un plat de mon choix, ce serait un plat préservant tous ses goûts naturels, par ex. le sandre grillé accompagné d’une pomme de terre vapeur et d’une cuillérée de crème aigre, sans aditions et épices quelconques. La crème a son goût naturel, pourquoi je gâcherais ce qui nous est donnée par la nature ? »


Rediffusion du 7/6/2009