Amnesty International tance la République tchèque sur la question des réfugiés et la discrimination des enfants roms

Photo: Facebook de Chci pomoci uprchlíkům na Hlavním nádraží v Praze!

Dans son rapport annuel, l’ONG Amnesty International pointe du doigt notamment les manquements de la République tchèque vis-à-vis de la question des réfugiés, mais revient également sur le problème de la trop forte proportion d’enfants roms dans les écoles « pratiques », où sont pris en charge des enfants avec un léger handicap mental. Pour évoquer ces questions brûlantes de l’actualité, Radio Prague a joint le directeur du bureau tchèque d’Amnesty International, Mark Martin, qui a d’abord rappelé en quoi consistait ce rapport annuel.

Mark Martin,  photo: ČT24
« Notre intention est de présenter un rapport qui capte l’état des droits de l’Homme dans le monde entier. Cette année, par exemple, il y a 160 pays que nous avons étudiés, comme on le fait tous les ans. Nous voulons présenter l’état des droits de l’Homme dans ces pays. »

La question des réfugiés et de la crise migratoire fait l'actualité que ce soit en République tchèque ou ailleurs en Europe. Quelles sont les conclusions d'Amnesty sur la question des réfugiés en République tchèque ?

« Il y a plusieurs conclusions sur la question des réfugiés en République tchèque. Une des plus importantes, c’est le fait que la République tchèque ne fait pas grand-chose pour trouver une solution à sa mesure au problème des réfugiés. Le refus constant de la République tchèque d’accueillir des réfugiés dans le pays est pour nous un gros problème. Après une longue lutte avec le gouvernement, ce dernier a fini par accepter d’accueillir un faible nombre de réfugiés, soit environ 2 000 personnes. Pour un pays de 10 millions d’habitants, c’est un chiffre vraiment très bas. Cela dit, ce n’est pas uniquement un problème tchèque, c’est aussi le cas pour toute la région de l’Europe centrale. La deuxième chose, c’est que la République tchèque, comme on a encore pu le voir après la réunion du groupe de Visegrad, c’est que l’accent est beaucoup mis sur le problème des frontières et pas du tout sur celui de la situation des réfugiés. Selon nous, il faut changer le mode d’approche de ce problème et faire davantage pour garantir la sécurité des routes pour les migrants qui viennent en Europe depuis l’Afrique ou ailleurs. »

Photo: Facebook de Chci pomoci uprchlíkům na Hlavním nádraží v Praze!
Le rapport évoque notamment nommément le président tchèque Miloš Zeman et ses déclarations sur les réfugiés et les musulmans. Est-ce fréquent, dans vos rapports, de faire référence de manière aussi explicite à des hommes politiques, et particulièrement à un homme politique haut placé ?

« Je dirais qu’on ne le fait pas tout le temps, mais ce n’est pas rare. Dans un cas comme celui du président Zeman, l’organisation Amnesty International doit dire ce qu’elle pense de ses propos. Ce n’est pas dans le rapport annuel, mais on a aussi commenté très sévèrement les choses qu’a dites Viktor Orban en Hongrie. C’est la même chose. Cela veut dire qu’on ne le fait pas tout le temps, mais quand ce sont des choses graves comme ce qu’a pu déclarer M. Zeman, il faut le dénoncer. »

De manière générale, le rapport pointe du doigt la gestion de la crise migratoire par l'ensemble des pays de l'UE, hormis l'Allemagne. Les pays d'Europe centrale sont très souvent mis en cause par les pays occidentaux pour leur position sur cette question. Mais le rapport d'Amnesty International montre que la France par exemple est aussi critiquable dans sa gestion des réfugiés...

Photo: ČT24
« La France peut en effet faire les choses différemment et mieux. Il fallait le dire aussi dans notre rapport. La France fait partie d’un groupe de pays européens qui ont des problèmes différents de ceux des pays du groupe de Visegrad. La France, la Grèce, la Hongrie, l’Italie et l’Espagne ont des problèmes avec la gestion des réfugiés. Un cas spécifique, mentionné dans le rapport, est celui du campement de Calais où il y avait jusqu’à 5 000 personnes. Ils y ont été mal traités et ce n’est pas une situation acceptable. C’est quelque chose qu’il faut améliorer, comme il faut le faire en Grèce, en Espagne et en Italie. »

Dernière question : le rapport d'Amnesty International revient sur la question de la présence toujours importante d'enfants roms dans les écoles dites "spéciales". Quel chemin reste-t-il à faire pour la République tchèque et quels progrès ont été faits sur cette question ?

Photo illustrative: Archives de Radio Prague
« Cela fait plus de dix ans que nous faisons des rapports sur ce problème. Il y a un trop fort pourcentage d’enfants roms dans les écoles dites ‘pratiques’, destinées aux élèves ayant un faible handicap mental. Le fait est que 30% des enfants roms sont étiquetés comme ayant ce problème, alors que l’on sait très bien que ce n’est pas le cas. A l’heure actuelle, une procédure d’infraction est en cours à l’encontre de la République tchèque, mais aussi de la Slovaquie et de la Hongrie. La République tchèque est désormais obligée de faire quelque chose avec ce problème. Plusieurs mesures ont été adoptées pour régler cette situation, et on va voir désormais quel va être le résultat. Un nouveau système dans les écoles doit être mis en place à partir de la rentrée 2016. Selon nous, il faut maintenant suivre avec attention les développements pour voir si le pays fait ce qu’elle doit faire en fonction de l’accord trouvé avec la Commission européenne. »