« ANO profite du manque d’alternatives et de la réticence des Tchèques à soutenir les partis établis »
Grand vainqueur des élections régionales qui se sont tenues vendredi et samedi derniers, le mouvement ANO et son leader Andrej Babiš sont parvenus à se faire une place au soleil sur la scène politique tchèque en l’espace de quelques années seulement. Selon le politologue Michel Perottino, maître de conférences à l’Institut d’études politiques de l’Université Charles, il convient toutefois de quelque peu relativiser ce succès :
Le Premier ministre Bohuslav Sobotka est-il un leader en mesure de concurrencer Andrej Babiš ? Même si on vote différemment lors d’élections régionales que nationales, les médias tchèques avaient estimé avant ce scrutin que celui-ci donnerait un aperçu de ce que seront les législatives l’année prochaine. Quel est donc votre avis sur ce point ?
« C’est très compliqué. C’est un peu un billard à bandes multiples. Quand vous regardez par exemple dans certaines régions avec une opposition qui se lève contre ANO, cela peut être tout à fait contreproductif et déboucher sur une levée des boucliers de la part des électeurs qui ont voté contre les partis établis et en particulier contre la social-démocratie. C’est là un des autres aspects de ces élections régionales qu’il convient de prendre en compte. »« Sur le long terme, il faut aussi bien voir qu’ANO dispose d’un marketing politique qui, jusqu’à présent, est particulièrement efficace. Cela signifie que même si ses résultats ne sont pas spécialement marquants, la présentation qui en est faite notamment dans les médias fait qu’ANO tire parti de cette situation générale relativement bonne, encore une fois notamment grâce au gouvernement actuel. »
Le mouvement ANO est parfois présenté comme une forme d’opposition à l’intérieur de cette coalition gouvernementale. Pourquoi ?
« Premièrement à cause d’Andrej Babiš lui-même, car la question des conflits d’intérêts qu’il peut avoir à gérer n’a toujours pas été réglée. L’adoption de la loi sur les conflits d’intérêts confirme cette thèse (cf. http://www.radio.cz/fr/rubrique/faits/anti-babis-la-loi-sur-le-conflit-dinterets-a-ete-adoptee. Dans les faits, ce texte a été clairement adopté contre Andrej Babiš. Pratiquement, le gouvernement a fait adopter une loi qui vise essentiellement un de ses membres imminents. Même si cela s’explique, c’est là quand même quelque chose de relativement curieux et paradoxal… »« D’une manière générale, Andrej Babiš reste sur une position relativement forte, tout simplement parce qu’il est le vice-Premier ministre et le ministre des Finances. Derrière se trouve l’idée selon laquelle c’est grâce à lui, et seulement grâce à Andrej Babiš, que la situation s’améliore en République tchèque. »
Est-il exagéré d’affirmer que l’on sait déjà aujourd’hui qui sera le prochain Premier ministre tchèque ?
« Cela est sans doute encore un peu prématuré. Selon les résultats, il faudra voir quelles seront les alliances d’ANO et d’Andrej Babiš, notamment avec le président de la République Miloš Zeman, car c’est ce dernier qui aura les éléments en main pour partager les postes. Ceci dit, et malgré les inconnues qui peuvent encore apparaître, oui, il est assez possible qu’Andrej Babiš devienne le prochain Premier ministre. Et si on parle en termes de probabilité, c’est même tout-à-fait probable. »