Européennes : victoire des pro-européens et de l’abstention en République tchèque
A la différence d’un certain nombre de pays membres, la France en premier lieu avec la victoire du Front national, les élections européennes en République tchèque n’ont pas été marquées par une poussée des extrêmes et de l’euroscepticisme. Le scrutin qui s’est tenu vendredi et samedi et devait permettre l’élection de vingt-et-un députés au Parlement européen, a abouti à la victoire du mouvement libéral ANO, avec 16,13% des suffrages et quatre mandats. Deuxième plus importante formation de la coalition gouvernementale, ANO a devancé de justesse le parti de droite TOP 09 (15,95%) et le parti social-démocrate du Premier ministre Bohuslav Sobotka (14,17%). Mais avec seulement 18,2% de participation, le deuxième taux le plus faible des Vingt-Huit derrière la Slovaquie (13%), l’abstention a atteint un nouveau record en République tchèque.
Bien que la social-démocratie (ČSSD) n’ait obtenu que quatre mandats d’eurodéputé, soit trois de moins que lors des dernières élections en 2009, c’est donc d’abord un sentiment de satisfaction que son leader Bohuslav Sobotka a tenu à exprimer, dimanche soir, aussitôt après l’annonce des résultats.
C’est un peu le paradoxe de ces élections européennes en République tchèque. L’abstention très forte a confirmé dans une large mesure le désintérêt des Tchèques vis-à-vis de l’intégration européenne et de l’UE plus généralement. Pour autant, les trois partis qui sont arrivés en tête, et quatre des sept partis qui seront représentés à Strasbourg et à Bruxelles, sont résolument pro-européens. En comptant les chrétiens-démocrates, arrivés quatrième avec un score de 9,95%, quinze des vingt-et-un députés qui représenteront la République tchèque au Parlement européen figuraient sur les listes de partis qui ont fait de l’intégration européenne une des leurs priorités. Dans le camp des eurosceptiques, seuls les communistes, avec encore près de 11% des suffrages, le Parti civique démocrate (ODS), fondé par l’ancien président anti-européen Václav Klaus, et les Libéraux (Svobodní), qui ont dépassé pour la première fois le seuil d’éligibilité des 5%, auront leur mot à dire.
Mais si le Premier ministre s’est dit globalement satisfait des résultats de ces européennes, c’est aussi parce que ceux-ci n’auront pas de conséquences sur le rapport de forces au sein de la coalition gouvernementale. Le mouvement ANO de l’homme d’affaires Andrej Babiš s’est certes imposé, mais il ne devance TOP 09, le premier parti d’opposition, et le ČSSD que d’une courte tête. Et le score de 16,13% réalisé par ANO ne constitue pas à proprement parler un plébiscite, ce dont est d’ailleurs bien conscient Andrej Babiš :« Selon nos calculs préélectoraux, nous pensions finir troisièmes en cas de forte abstention. Que nous ayons finalement gagné est donc une agréable surprise. C’est un succès certain, même si je dois avouer que je m’attendais à un meilleur résultat il y a quelques semaines de cela. Je pense que notre campagne aurait pu être meilleure. Mais l’essentiel est le résultat final et nous sommes d’abord contents que nos électeurs, malgré le beau temps, se soient rendus aux urnes. »
Outre les résultats, la participation, ou plutôt l’abstention, restera le principal enseignement de ces élections. Depuis la révolution et la chute du régime communiste, jamais le taux de participation (18,2%) n’avait encore été aussi faible pour des élections, nationales ou européennes, en République tchèque. Une réalité qu’a regrettée le président de la République, Miloš Zeman:
« Les gens font l’erreur de penser que ces élections et tout ce qui se passe au sein de l’UE ne les concerne pas. Or, 80% des lois qui sont adoptées dans notre pays proviennent de l’UE et de son Parlement. Il serait bien que les électeurs le sachent et en prennent conscience. »Derrière la Slovaquie voisine championne d’Europe, la République tchèque, très loin du taux moyen de 43% de participation pour l’ensemble de l’UE, a donc remporté la palme d’argent de l’abstention. Pour leurs unes de ce lundi matin, les journaux pragois, en plus de la photo de Marine Le Pen comme pour Lidové noviny, auraient ainsi pu choisir le gros titre retenu par leurs collègues du quotidien slovaque SME : « Nevolili jsme » - « Nous n’avons pas voté ».