Après le drame d’Ostrava, la loi sur le port d’armes fait débat dans les médias tchèques
La fusillade survenue mardi dernier dans un hôpital d’Ostrava et les questions que cet événement tragique a soulevées sont à la une de cette nouvelle revue de la presse tchèque de la semaine écoulée. Il sera également question du retentissement de la dernière manifestation anti-Babiš à Prague, des leçons à tirer pour les Tchèques des tractations autour du Brexit, de certains aspects du système des retraites en Tchéquie ou encore du goût des Tchèques pour la lecture.
« La législation sur les armes telle qu’elle existe actuellement en Tchéquie est bonne. Je ne pense pas qu’il faille la modifier pour satisfaire les voix populistes. La législation tchèque compte parmi les plus sévères et les plus finement conçues à l’échelle mondiale. Certes, une arme ne doit pas appartenir à n’importe qui. Mais je suis contre de nouvelles restrictions et régulations. En effet, ce ne sont pas les armes, mais les individus, méchants, fanatiques ou aliénés, qui tuent. »
Le journal en ligne Deník Referndum, lui, se félicite que le Sénat ait ajourné le débat sur l’amendement à la loi constitutionnelle sur la sécurité, un texte qui légitimiserait le port d’armes. On peut lire :
« Face à l’incident horrible de mardi, les partisants de ce projet, qui plaident en faveur ‘de la garantie de la défense et de la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat’, ont renoncé. Ont-ils pris conscience des dégâts et du malheur qu’une seule arme peut causer en l’espace de seulement quelques secondes ? L’adoption de cet amendement aurait de graves conséquences. Les espaces civiques publics et privés deviendraient alors plus dangereux et moins prévisibles. »
Quel est l’effet des protestations civiques ?
Quelque 60 000 personnes se sont rassemblées sur la place Venceslas à Prague, mardi soir dernier, dans le cadre d’une nouvelle manifestation organisée par le collectif Un million de moments pour la démocratie. Un mouvement civique de protestation dont l’ampleur et l’endurance sont actuellement sans pareil en Europe centrale. Pourtant, comme le remarque le commentateur du quotidien économique Hospodářské noviny, ce mouvement ne semble pas déconcerter les dirigeants au pouvoir. Le journal a d’ailleurs comparé le mouvement tchèque à celui des Gilets jaunes en France :« Suite aux protestations des Gilets jaunes, le président Macron a ouvert un débat national et fait certaines concessions. Pour sa part, le Premier ministre Andrej Babiš refuse tout débat. Par rapport au nombre d’habitants, les protestations en Tchéquie sont pourtant six fois plus importantes qu’en France. Et ce n’est pas la seule différence qui existe entre les deux pays. Si, du moins au début, les revendications des Gilets jaunes bénéficiaient d’un important soutien, Un million de moments pour la démocratie n’est encouragé que par près de 30 % des Tchèques. Les préférences électorales, qui favorisent le mouvement ANO de Babiš, restent d’ailleurs inchangées. »
Réclamé par les manifestants, le départ d’Andrej Babiš n’est pas possible sans la présentation d’une alternative politique forte, si l’on en croit le commentateur. « Pour quelles bonnes raisons ses partisans se détourneraient-ils d’un chef de gouvernement en situation de conflit d’intérêts alors que l’opposition ne propose pas de programme qui puisse les convaincre ? », s’interroge-t-il. Un point de vue que partage le journal en ligne E15.cz, qui confirme le caractère inébranlable de la domination du mouvement ANO. Il écrit par ailleurs :
« Comme les précédentes, la dernière manifestation à Prague a été impressionnante. Néanmoins, les protestations, qui semblent avoir atteint leur apogée, comportent des signes de lassitude. Les arguments affichés, aussi légitimes soient-ils, n’ont plus beaucoup d’effet. Pourtant appelée à être porteuse de changements, l’opposition au Parlement est émiettée et divisée. Les forces anti-Babiš se trouvent ainsi dans une situation difficile qui nécessiterait une réflexion sérieuse sur la voie future à emprunter. »
Les leçons à tirer des tractations autour du Brexit
Suivre les tractations autour du Brexit est difficile et parfois douloureux. On ne peut pourtant pas ignorer les leçons à en tirer. C’est ce qu’estime l’auteur d’un texte publié sur le site Forum 24, qui aborde le sujet du point de vue tchèque :« Les politiciens doivent être conscient du fait qu’organiser un référendum sur une sortie de l’UE équivaudrait à jouer avec le feu. D’autant plus lorsqu’il s’agit d’une société polarisée. Le Brexit constitue un grave avertissement pour tous les représentants politiques tchèques qui se plaisent à jongler avec le référendum et sont prêts à répéter l’erreur britannique juste pour pouvoir mettre en valeur leur agenda politique. D’habitude, les Tchèques sont considérés comme des eurosceptiques. Mais les différents sondages confirment que les camps des adversaires et des sympathisants tchèques à l’UE sont équilibrés. Si le nombre de ceux qui s’identifient à l’UE a tendance à croître, il serait déraisonnable de ne pas croire en l’éventualité d’un czexit. »
Une autre leçon à tirer du Brexit est que l’on ne joue plus fairplay lorsque la situation se tend. Il suffit de rappeler la campagne remplie de mensonges et de fausses informations, selon le site Forum 24 :
« Le Brexit a prouvé la force de l’UE. Il a montré que lorsqu’il s’agit d’affaires clés, elle est capable de défendre fermement ses positions et les intérêts de ses membres. C’est quelque chose que les Tchèques semblent particulièrement apprécier ».
Les retraites : un sujet évoqué aussi en Tchéquie
Si la situation économique de la Tchéquie reste bonne, l’âge du départ à la retraite pourrait être réduit. Cette récente déclaration d’Andrej Babiš a provoqué des réactions controversées. Selon echo24.cz, elle s’inscrit dans la volonté du Premier ministre d’acquérir des sympathisants parmi les personnes âgées qui constituent la majorité de l’élecorat du mouvement ANO. Le site précise :« Selon le système actuel, l’âge du départ à la retraite en Tchéquie augmente chaque année de quelques mois. Ainsi, dans les années 2030, on arrivera à 65 ans. C’est une période qui verra partir à la retraite la forte génération dite ‘des enfants de Husák’. C’est pourquoi, de l’avis des experts et contrairement à ce que déclare le chef de gouvernement, il y a lieu d’envisager un départ à la retraite plus tardif. »
La mise sur pied d’une réforme des retraites est un autre point sur lequel les économistes cités par le site echo24.cz insistent. Compte tenu de l’évolution démographique, le système de retraite tel qu’il existe actuellement est effectivement intenable. « Sans cette réforme, la diminution de l’âge du départ à la retraite, sauf pour les professions dites dangereuses, serait un non-sens économique », affirment-ils.
Les Tchèques aiment lire
Les Tchèques, et plus particulièrement les femmes, sont connus pour être de grands lecteurs. En 2018, ils ont dépensé 8,3 milliards de couronnes en achats de livres, soit 250 millions de plus comparé à 2017, un chiffre record. L’hebdomadaire Respekt cite à ce propos le directeur de l’Union des libraires et des éditeurs, Martin Vopěnka :« La bonne nouvelle est que le marché tchèque du livre a su tirer profit de la croissance globale de l’économie ainsi que de la demande locale. En revanche, le point négatif est l’augmentation de la part des livres traduits au détriment de la production locale. D’un autre côté, la part des livres pour enfants et la demande pour les livres audio et les e-livres augmente. »
Le magazine rapporte également que 130 librairies ont été contraintes de fermer boutique ces cinq dernières années, alors que trente-cinq magasins de livres ont été supplantés par les grandes chaînes.