Automne 1989 : de l’exil massif de ressortissants de la RDA via Prague à la liesse de la Révolution de velours

Photo: ČT24

Le 25ème anniversaire de la fin des régimes communistes en Europe centrale et orientale est une occasion pour les éditorialistes tchèques de réfléchir sur les différents aspects de cet événement majeur de la fin du XXe siècle. Pour cette revue de presse, nous en avons retenu un exemple. L’audition mercredi dernier de la candidate tchèque à la Commission européenne, Věra Jourová, devant les députés européens a été aussi largement commentée. Nous avons également retenu un article sur l’importance de la solidarité avec les dissidents et les militants vivant dans des pays autoritaires qui demeurent pourtant en marge de la grande actualité mondiale. Les prochaines élections communales est le dernier sujet auquel cette revue de presse est consacrée.

Photo: ČT24
Le 30 septembre 1989 est la date qui a marqué le début de l’exil massif de ressortissants de l’Allemagne de l’Est vers l’Ouest avec la Tchécoslovaquie comme pays de transit. Dans un article publié dans le quotidien économique Hospodářské noviny, Jindřich Šídlo a mis cet événement, dont le 25ème anniversaire a été ces jours-ci commémoré par toute sorte de manifestations organisées notamment par la partie allemande, en rapport avec la chute du régime communiste survenue dans l’ancienne Tchécoslovaquie quelques semaines plus tard. Il note à ce sujet :

« Pendant encore un certain temps, nous pouvons nous bercer de l’illusion que la révolution tchécoslovaque de novembre 1989 a représenté un événement que le monde a suivi le souffle coupé. Mais à parler franchement, tel n’était pas le cas. Il s’agissait d’un joli happening, assez rapide et joyeux, guidé par un leader charismatique, il est vrai, mais cela a été en même temps l’un des derniers se déroulant en Europe de l’Est. Il suffit de rappeler que même le ‘tyrannosaure’ bulgare Todor Jivkov avait démissionné une semaine avant le 17 novembre, pendant que la Pologne avait à l’époque à son actif des élections semi-libres et Berlin se présentait désormais comme une ville unie. »

Pour Jindřich Šídlo, Prague représentait tout simplement à l’automne 1989 une des références photogéniques s’inscrivant dans la « Freedom Tour » à travers l’Europe de l’Est menée par les journalistes du monde entier. D’un point de vue global, c’est à la fin septembre que Prague, bondée de voitures Trabant conduites par des ressortissants de la RDA sur le chemin vers la RFA, a connu un des chapitres clés marquant la fin de la guerre froide. Dans ce contexte, l’auteur de l’article signale :

« Le peu d’intérêt que les élites politiques tchèques ont consacré au rappel de cet anniversaire peut paraître surprenant. On n’a enregistré aucune déclaration solennelle de la part du président Miloš Zeman ou du Premier ministre Bohuslav Sobotka. Mais il se peut que le 30e anniversaire de cet événement leur offre, enfin, une meilleure occasion pour cela. »

Věra Jourová a passé son « baccalauréat » politique

Věra Jourová,  photo: ČTK
C’est également dans le quotidien Hospodářské noviny qu’on a pu lire un texte réagissant à l’audition, ce mercredi, de Věra Jourová, candidate tchèque à la Commission européenne, devant quatre comités du Parlement européen. En attendant le résultat issu de cette audition, prévu pour la semaine prochaine, Petr Fischer a écrit :

« Věra Jourová vient de passer son baccalauréat politique, car lors de son audition devant les députés européens, elle a non seulement avoué qu’elle était une femme politique, ce qui n’est pas évident pour les membres du mouvement ANO dont elle faisait auparavant partie, mais elle s’est également comportée comme telle. La future commissaire pour le vaste portefeuille de la justice, de la protection des consommateurs et de l’égalité des sexes, a répondu patiemment même à des questions très détaillées. Calme et sereine, elle a déployé beaucoup d’efforts. Il va de soi que Věra Jourová n’a pas été convaincante en tout point. Mais comme elle fait preuve d’une certaine réserve en public et comme elle est plutôt accueillante et humble, les députés européens ont pu lui pardonner certaines choses. »

Tout indique en tout cas, comme le souligne Petr Fischer en conclusion, que Věra Jourová ne se perdra pas à Bruxelles, malgré le fait qu’elle souhaitait sans doute initialement obtenir un autre portefeuille.

Ne pas oublier les dissidents et les militants des pays autoritaires

Anar Mammadli,  photo: Bibliothèque Václav Havel
Dans un article publié sur le site respekt.cz, Jan Macháček explique pourquoi il faut saluer le fait que le Prix Václav Havel, décerné par le Conseil de l’Europe en partenariat avec la Bibliothèque Václav Havel et la Fondation de la Charte 77, ait été attribué cette année au militant azerbaïdjanais Anar Mammadli, lequel a fondé le Centre pour l’observation des élections et pour la démocratie dans son pays natal et a notamment contesté la victoire électorale de l’actuel chef de l’Etat, Ilham Aliev. Nous citons :

« D’abord, c’est parce qu’Anar Mammadli se trouve en ce moment en prison. Dans ce sens, le prix se présente comme un prix par excellence ‘havelien’. Etant donné qu’également l’année dernière, le prix a été attribué à un dissident à l’époque emprisonné, le Biélorusse Ales Bïalïacki, la reconnaissance apportée à des détenus semble devenir une sorte de bonne tradition. L’ancien président tchèque et nombre de ses amis dissidents tchèques, ont pu se convaincre de l’importance de la solidarité venue de pays libres et de la médiatisation de cas concrets dans le monde libre. Lors de son mandat présidentiel et même après, Havel a continué à exprimer sa solidarité et ses sympathies aux militants emprisonnés et persécutés, ne serait-ce que sous forme de lettres ouvertes. »

Jan Macháček remarque que cette forme de reconnaissance publique peut avoir un effet concret, ce que prouve la libération du dissident biélorusse suscité, très probablement suite à l’attribution du prix Václav Havel. Selon lui cependant, la principale importance de cette distinction réside ailleurs. Il précise :

« Ces derniers temps, le monde a radicalement changé... Nous sommes confrontés à des dangers très grands sinon gigantesques, voilà pourquoi il faut se demander pourquoi distinguer un détenu politique ou un militant qui vit dans un pays qui est autoritaire, il est vrai, que cela soit en Azerbaïdjan, en Biélorussie ou à Cuba, mais qui n’est pas agressif et qui ne menace pas d’autres pays. Mais c’est pour cela justement qu’un petit dissident ou militant civique mérite d’être remarqué car dans le cadre de grandes menaces globales et de nouveaux conflits militaires, il risque d’être oublié par le monde libre. »

Le clivage gauche-droite ne marque pas la campagne avant les élections communales

Photo: Filip Jandourek,  ČRo
Beaucoup d’articles dans les médias sont consacrés aux élections communales en République tchèque qui auront lieu les 10 et 11 octobre prochains et à la campagne qui les précède. Dans un article publié sur le site echo24.cz, Petr Holub remarque :

« La campagne avant les élections communales montre une nouvelle dimension qui risque de décourager les électeurs et qui témoigne de la transformation fondamentale subie par la société au cours des vingt-cinq dernières années. Dans les années 1990, les gens savaient très bien à quoi et à qui ils donnaient leur voix, car le fossé idéologique entre la droite et la gauche était presque infranchissable. L’ancien était confronté au nouveau, pendant que les défenseurs de la liberté et d’une économie libérale luttaient contre les communistes et les cryptocommunistes demandant plus de certitudes. Aujourd’hui, et cela concerne en particulier les élections communales, le clivage entre la gauche, le centre et la droite s’efface. Les partis semblent vouloir l’accentuer en présentant presque tous leurs candidats sur les affiches dans la même posture. Or, peu importe le choix fait par l’électeur, le nouveau maire, qui qu’il soit, portera une chemise à col ouvert. »

Cette situation profite aux nouveaux partis et mouvements qui n’ont pas une orientation idéologique prononcée, mais qui disposent d’un marketing de qualité, comme le mouvement ANO d’Andrej Babiš. Dans un article publié sur le serveur ihned.cz, son auteur Jiří Leschtina estime pour sa part que les élections communales vont s’inscrire dans l’histoire par leurs accents xénophobes ouverts. Il écrit :

« Il y a encore quatre ans, les candidats voulaient dissimuler leurs messages racistes par des slogans ambigus. Aujourd’hui, ils proclament ouvertement que ‘l’on va chasser les éléments de la rue’, que ‘Ostrava ne doit pas être noire’ ou encore ‘Solution finale !’. »

Selon Jiří Leschtina, ce contexte qui permet aux candidats de surfer sur des thèmes racistes vis-à-vis de certaines minorités incombe à l’ensemble des gouvernements, qui n’ont jamais fait le nécessaire pour mener un travail social efficace auprès des SDF et dans les ghettos.