Božena Němcová, une écrivaine qui a su rester authentique

Božena Němcová

C’est à Božena Němcová que la littérature tchèque doit son œuvre fondamentale. Son livre « Babička – Grand-mère » marque le début de l’émancipation culturelle de son peuple et ouvre la période d’épanouissement de la littérature et de la langue tchèques. Sa vie n’a pourtant duré que 42 ans. Elle est morte épuisée par la maladie et les épreuves du sort le 21 janvier 1862, il y a donc juste 150 ans. Malgré l’attention constante des chercheurs et des historiens de la littérature dont elle a fait l’objet pratiquement depuis sa disparition, il n’est pas facile de brosser une image objective de cette femme.

Božena Němcová
« Je souhaitais être meilleure, je voulais obéir à la vérité mais le monde m’obligeait à mentir. Je vois que le monde décrie ce qu’il y a de plus beau dans l’être humain, il prend pour péché ce qui est naturel et spontané. Celui qui ne court pas avec le troupeau à la mangeoire, est crucifié. Qui ne le fait pas est un martyre. » C’est par ses paroles que Božena Němcová résumait son désenchantement et le contraste entre ses idéaux et la société dans laquelle elle devait vivre. Extrêmement sensible au mensonge et à l’hypocrisie, elle a toujours refusé de jouer les femmes idéales. C’est ce que confirment aussi les paroles de son arrière-petite-fille Milada Léblová :

« Elle était vraiment bien différente de la société dans laquelle elle vivait. La société ne lui était pas favorable parce que, où qu’elle ait été, elle dépassait en quelque sorte son entourage. »

Et Milada Léblová de rappeler que Božena Němcová était une personnalité trop forte pour accepter l’idéal de la femme de l’époque, épouse complètement soumise à l’homme et à l’institution du mariage. Son esprit libre ne lui permettait pas de rester aveugle face aux fautes des hommes en général et aussi face à celles de l’homme qui partageait sa vie :

« Et c’était justement cette obéissance aveugle que Božena Němcová refusait toujours d’accepter. Il n’est pas étonnant que cela ait irrité son entourage et que cela irrite, malheureusement, certains hommes jusqu’à nos jours. »

Quoi qu’il en soit c’est justement cette solitude dans une société régie par une morale hypocrite, son mariage malheureux, sa misère et sa maladie qui ont poussé Božena Němcová à écrire « Grand-mère », son chef d’œuvre. En brossant un portait idéalisé de sa grand-mère maternelle, elle a créé dans son imagination un idéal d’harmonie et de sagesse populaire qui manquait cruellement à sa vie.

Les 150 ans qui se sont écoulés depuis sa mort n’ont pas étouffé la voix de cette femme qui continue à nous parler dans ses livres et dans ses innombrables lettres. C’est grâce à cette correspondance publiée aujourd’hui dans son ensemble et sans aucune censure que l’image de Božena Němcová cesse d’être une espèce d’image sainte de la littérature tchèque et prend des contours plus réels. Ces lettres sont un témoignage fascinant sur le combat qu’a été la vie de cette femme, combat où elle a succombé physiquement sans se laisser dompter moralement. La réalisatrice Olga Sommerová, auteur d’un film sur Božena Němcová, souligne les aspects très actuels de la vie et de l’œuvre de la romancière :

Božena Němcová
« C’était une femme qui aurait pu vivre dans la seconde moitié du XXe siècle et même au XXIe siècle. Elle était tellement visible au XIXe siècle parce qu’elle était authentique et manifestait son authenticité aussi par sa façon de vivre. Cela l’a opposée à la société de son époque, mais c’est par cela qu’elle nous apostrophe encore aujourd’hui. On pourrait dire qu’elle est notre contemporaine. »

Une longue série de manifestations sera organisée en Tchéquie à l’occasion de l’année Božena Němcová qui a commencé le jour anniversaire de sa mort. Elles apporteront une nouvelle preuve sur l’intense vie posthume de cette femme qui a su rester authentique.