Capitales du V4 : établir un lien direct avec Bruxelles pour sécuriser les fonds européens

Zdeněk Hřib, Gergely Karácsony, Matúš Vallo, Rafal Trzaskowski, photo: ČTK/AP/Szilard Koszticsak

Retour aujourd’hui sur le « Pacte des villes libres » signé mardi par les maires des quatre capitales des pays du groupe de Visegrad (V4). Avec ses homologues hongrois, polonais et slovaque, le maire de Prague espère ainsi renforcer la coopération dans plusieurs domaines comme l’environnement, le logement mais aussi les fonds européens.

Zdeněk Hřib,  Gergely Karácsony,  Matúš Vallo,  Rafal Trzaskowski,  photo: ČTK/AP/Szilard Koszticsak

Zdeněk Hřib (Pirates) insiste également sur le côté symbolique de ce partenariat avec les maires de Bratislava (Matúš Vallo), Budapest (Gergely Karácsony) et Varsovie (Rafal Trzaskowski) et indique qu’il s’agit de signaler « un partage des mêmes valeurs et l’existence de voix dans nos pays qui ne s’identifient pas à la politique populiste et nationaliste ». Après avoir évoqué le sujet hier avec Jacques Rupnik (https://rozhl.as/3QF), c’est aujourd’hui le professeur à Sciences-Po Paris Christian Lequesne qui a livré son analyse à RPI :

« Je pense que ce pacte est plus que symbolique. Toutes les sociétés d’Europe centrale sont aujourd’hui l’objet d’un clivage politique entre populistes et libéraux et ces derniers ont tendance à se retrouver dans les grandes villes – on le voit bien avec ces quatre maires des capitales du V4 qui se sont réunis. »

« Ils ont envie de faire valoir le fait que l’Europe centrale n’a pas totalement basculé dans le populisme, parce qu’ils sont aussi porteurs d’un message européen des populations des villes, souvent des gens plus diplômés et plus jeunes. Ce message est que l’Europe centrale n’est pas seulement la résistance anti-européenne et qu’il faut en tenir compte aussi dans les aides. »

« La demande concernant les fonds européens est importante : faire en sorte que ces fonds puissent aller directement vers les administrations des villes sans transiter par les Etats, surtout dans un contexte où on discute, notamment en France et en Allemagne, sur de possibles sanctions sur les fonds structurels en cas de non-respect de l’Etat de droit. »

Ce lien direct avec Bruxelles sans passer par les gouvernements respectifs est un point important souligné lors de la signature de ce Pacte…

« Oui et cela a plusieurs causes, à commencer par plusieurs exemples de détournements de fonds européens. En République tchèque, il y a bien sûr une enquête en cours dans l’affaire du Nid de cigogne qui concerne le Premier ministre… Et puis il y a cette épée de Damoclès que j’évoquais, brandie par Berlin et Paris : le non-respect de l’Etat de droit pourrait coûter des fonds structurels à des pays d’Europe centrale qui s’en servent pour le développement de leurs grandes villes, entre autres. »

Cependant, les maires de ces capitales font face à l’arithmétique impitoyable qui font de leur majorité dans leur ville une minorité au plan national lors des scrutins législatifs ou présidentiels, comme c’est le cas en Tchéquie…

« Absolument, le Parti Pirate, dont est issu le maire de Prague, ne pourrait prétendre obtenir une majorité au parlement national. Mais cela représente une partie de la population qui s’interroge et qui a aussi envie d’avoir voix au chapitre. Cela est très critiqué par les populistes, le président Zeman parle du ‘Café pragois’ pour les définir mais ces électeurs sont là, ils produisent et son des vecteurs de modernité. C’est à travers le local qu’ils vont exister en en appelant à l’Europe pour essayer d’équilibrer un peu le mauvais traitement qu’ils subissent de la part de la part des gouvernements populistes au niveau national. »

Peut-on craindre que ce genre d’initiatives creusent le fossé qui sépare ces grandes villes du reste de ces pays du V4 ?

Photo illustrative: Commission européenne
« Ce clivage est préoccupant, en Europe centrale et ailleurs en Europe et dans le monde occidental en général. Il a tendance à se creuser, c’est évident, avec des ressentiments et des volontés de revanche. Mais il ne faut pas simplement considérer que c’est un problème d’avoir ces élites libérales pour les populistes. C’est aussi un problème d’avoir des populistes pour ces élites libérales. »

« Car si les gouvernements populistes restent en place et continuent d’avoir un message négatif à leur encontre et à l’encontre de leurs valeurs – sur l’Europe ou la mobilisation – alors ces jeunes diplômés vont partir, émigrer pour devenir des expatriés super-qualifiés et revenir dans leur pays seulement pour les vacances. C’est un point à prendre en compte et les maires des grandes villes ont une responsabilité pour stabiliser cette partie de la population dans les différents pays. »