Chapitres de l’histoire

Kuks, photo: CzechTourism

Une grande exposition de l'oeuvre baroque dans les pays tchèques a lieu à Prague et dans d'autres villes tchèques, qui réunit des tableaux, sculptures, livres et autres objets d'art de Bohême et de Moravie. Parmi ceux, qui ont contribué le plus à l'essor de l'art et surtout de l'architecture baroque, était bien sûr l'Eglise catholique à laquelle nous devons la construction de nombreuses églises, couvents et autres édifices sacraux, mais aussi la noblesse tchèque qui a profité des services des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes tchèques et étrangers, pour se faire construire les plus beaux palais et châteaux. Parmi ces derniers, mentionnons la famille noble des Sporck, que je voudrais vous présenter dans les Chapitres de l'histoire de cette semaine.

Venant de l'Allemagne du nord, les Sporck s'installent en Bohême pendant la Guerre de Trente Ans. Le fondateur de cette famille, Jan Sporck, né vers la fin du XVIe siècle, fait sa carrière militaire dans les rangs de la ligue catholique, avant que le destin ne le conduise en Bohême pour participer à la bataille de la Montagne Blanche. Comme il a de la chance de se retrouver du côté du vainqueur, les Habsbourg, l'empereur Ferdinand II l'engage dans ses services pour lui attribuer le titre de comte de l'Empire et du Royaume de Bohême. En récompense de ses services, Ferdinand II lui offre les domaines de Lysa nad Labem, Konojedy, Hermanuv Mestec et Malesov. Dans les conditions d'alors, c'était une carrière vertigineuse. Parmi les personnages les plus célèbres de la famille Sporck, il y a son fils né de son second mariage - Frantisek Antonin, comte Sporck (1662-1738). Après avoir fait ses études secondaires au collège jésuite de Hutna Hora, et ses études supérieures à l'Université Charles de Prague, il entreprend un long voyage à travers l'Europe, qui est pour lui une riche source de connaissances et d'inspiration. En France, notamment, il se familiarise avec la philosophie rationaliste de Voltaire et de Diderot. De retour au pays, Frantisek Antonin Spork est nommé gouverneur du pays, puis conseiller secret, mais il attire de plus en plus l'attention comme représentant de la culture et de la science rationaliste et mécène d'art. Il a fondé des bibliothèques à Prague, à Lysa nad Labem et au château de Kuks, il était propriétaire d'une imprimerie et grand admirateur du philosophe et réformateur français, Blaise Pascal, dont il présentait l'oeuvre au public tchèque. Evidemment, ces activités ont provoqué l'indignation des jésuites, qui ont accusé le comte de la propagation du jansénisme. L'imprimerie a été fermée, les 40 000 livres de la bibliothèque du château confisqués, et Frantisek Antonin mis en prison. On l'a libéré plus tard, mais jusqu'à la fin de sa vie, cet «enfant terrible» de la noblesse tchèque ne cessait de mener un combat intransigeant contre le dogmatisme religieux.

Kuks,  photo: CzechTourism
En 1701, le comte Frantisek Antonin Sporck a fait construire, à Prague, le premier théâtre et l'opéra italien. Mais parmi les monuments les plus célèbres que nous lui devons, il y a sans doute le château de Kuks, qui est devenu non seulement le centre de son domaine, mais aussi celui de toute la société noble. Kuks représente un ensemble pur, sur le plan architectonique de constructions sacrales et laïques. Il englobe une station thermale, un château, un hôpital, un théâtre, un champ de course, la Maison des philosophes où les curistes pouvaient étudier, l'auberge « Au Soleil d'or », de nombreuses fontaines, un pont enjambant l'Elbe et beaucoup d'autres constructions baroques. Pour construire cet ensemble architectonique, le comte Sporck a invité, dans son domaine, les artistes les plus renomés de l'époque, dont l'architecte Alliprandi, auteur de l'hôpital, du château et des établissements de bains et le sculpteur
M. B. Braun: Les sculptures représentant les vices,  photo: Dezidor,  CC BY 3.0 Unported
Matyas Bernard Braun, auteur d'une collection de vingt-quatre sculptures exceptionnelles représentant les vices et les vertus. Ces deux architectes ont basé leur oeuvre sur le sentiment baroque principal - memento mori. Sur un versant de la colline, ils ont construit l'hôpital et l'église de la Sainte-Trinité avec, dans le sous-sol, la crypte familiale, et sur l'autre versant le château et la station thermale avec une colonnade couverte. Une chose jamais vue dans les pays tchèques : les joies terrestres d'un côté et la souffrance des vieux et des malades de l'autre côté. On dit qu'en regardant par la fenêtre de sa chambre à coucher, le comte voyait la lumière éternelle allumée dans la crypte, pour ne pas oublier la mort.

Beaucoup d'objets d'art du château de Kuks ne se sont pas conservés. Beaucoup d'entre eux témoignent d'un goût raffiné du comte. D'après la documentation, une sculpture creuse représentant l'un des Cyclopes - Polyphème - décorait l'escalier d'entrée du château. A l'intérieur, elle abritait des tuyaux d'eau de différents tons, qui jouaient des mélodies. Une cascade de coquilles qui ornait l'escalier, elle aussi, produisait des sons. La musique, elle aussi, était l'un des grands amours du comte Sporck; il était le premier à faire importer dans les pays tchèques le cor de chasse de France. Il a fondé, aussi, un orchestre du château, qui interprétait la musique que Vivaldi ou Bach avaient composée pour lui. Lorsque, lors d'une promenade, le comte Sporck a observé des rochers éparpillés dans la forêt avoisinante, il a eu tout de suite une idée. Son sculpteur préféré, Braun, doit sculpter dans ces rochers de grès des scènes bibliques. Le lieu s'appelle Bethléem d'après la principale scène que l'artiste y avait reproduite. Aujourd'hui, cette crêche de forêt est en un état désastreux. Lorsque le comte Frantisek Antonin Sporck est mort, il n'y eut personne qui poursuivit son oeuvre. Il n'avait qu'une fille, Anna Katarina, et toute la famille termine son existence au début du XXe siècle.

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Auteur: Astrid Hofmanová
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