Chroniques de l'actualité économique tchèque
Dans cette rubrique consacrée à l’actualité économique tchèque, nous vous proposons de revenir sur la dévaluation de la couronne tchèque, sur la situation sociale au sein de la société minière OKD et enfin sur la transaction de l’année, la prise de position majoritaire du groupe PPF dans l’entreprise de téléphonie O2 Telefonica ČR.
Couronne tchèque : les conséquences d'une dévaluation
Pour la première fois depuis 2002, la Banque centrale tchèque a entrepris, jeudi 7 novembre, une intervention monétaire afin d’affaiblir la couronne tchèque. L’objectif est de maintenir le cours de cette devise aux alentours de 27 couronnes pour un euro, là où il s’établissait plutôt aux alentours de 25 couronnes pour un euro. Cette décision, qui a surpris les milieux économiques, alors que la balance commerciale tchèque est positive, est censée améliorer la compétitivité de l’économie tchèque notamment vis-à-vis des pays de la zone euro. L’objectif est également d’éviter que les Tchèques ne thésaurisent, c’est-à-dire ne stockent de l’argent inutilement, mais plutôt qu’ils le dépensent ou l’investissent.Une des conséquences immédiates de cette dépréciation, c’est l’augmentation des réserves de devises de la Banque nationale tchèque (ČNB), qui entend investir cet argent, selon son directeur Miroslav Singer, dans des obligations et dans une moindre mesure dans des actions. Le même affirme que la dévaluation ne devrait pas conduire à une hausse des prix mais plutôt à leur stabilisation. La ČNB table ainsi sur une inflation de 1% en 2014. Il n’y aurait donc que des raisons de se réjouir… C’est ce qu’a fait mardi dernier le premier ministre du gouvernement intérimaire Jiří Rusnok :
« En termes de retombées économiques, je crois que cette dévaluation bénéficiera, à court et moyen terme, sur plusieurs années, à l’économie tchèque. Cela a de facto conduit à une amélioration de la compétitivité tchèque de l’ordre de 5% par rapport au cours de l’euro. »
Pourtant tout le monde ne partage pas ce point de vue optimiste. Le président Miloš Zeman, par exemple, argue qu’aucune intervention monétaire de la Banque centrale tchèque n’a jamais eu d’effets positifs. Il parle même d’un retour en arrière. Rédactrice à la section économique de la Télévision tchèque, Alžběta Vejvodová note que les exportateurs, qui longtemps réclamaient une telle dévaluation de la couronne, ne sautent pourtant pas de joie aujourd'hui. En effet, elle remarque qu’il s’agit d’une intervention monétaire sans doute de court terme – Miroslav Singer affirme que la ČNB veut maintenir le nouveau cours de la couronne pour dix-huit mois -, or les contrats entre entreprises ne peuvent pas être changés du jour au lendemain. Et cette dévaluation risque donc de ne pas avoir l’effet espéré.
Société OKD : après plus d’une année de négociations, syndicats et direction tombent d’accord sur une nouvelle convention collective
Les mineurs de la société OKD, le plus grand employeur de la région de Moravie-Silésie, à l’est de la République tchèque, ne feront pas grève le 19 novembre prochain. Leurs représentants syndicaux, dont la proposition de faire grève avait été acceptée par les salariés, ont finalement trouvé un accord avec leur direction pour signer une nouvelle convention collective.Dans un communiqué, la société New World Ressources, qui détient OKD, se satisfait du compromis trouvé avec les syndicats. Ceux-ci déploraient la durée excessive des négociations, qui avaient débuté en mars 2012, et surtout les sacrifices qui leur étaient réclamés. La direction d’OKD justifiait ces mesures par les pertes importantes subies au premier semestre 2013, tandis que les salariés invoquaient au contraire les sept années précédentes durant lesquelles la société était bénéficiaire. Finalement, l’ensemble des nouvelles règles devraient conduire à une baisse des salaires de l’ordre de 8%.
La grève votée par les salariés de l’entreprise, qui devait durer quatre heures mardi prochain et éventuellement se poursuivre par d'autres actions similaires plus longues, a sans doute incité la direction à mettre de l’eau dans son vin. Président d’un syndicat de mineurs, Jaromír Pytlík revient sur ces négociations difficiles :
« Le raisons les plus sérieuses de nos désaccords étaient liées à la volonté de la direction de supprimer les primes de vacances et de Noël et de réduire les primes liées à la dangerosité du travail effectué. Dans cette dernière phase, nous avons reçu une nouvelle version de cette convention collective de la part de l’employeur prenant en compte ces inquiétudes. Il y aura six jours de payés en ce qui concernent les primes de vacances et également les primes de Noël. Nous avons aussi trouvé une solution de compromis pour ce qui est des indemnisations en cas de restructuration. »
Dans ce cadre, un volet de l’accord prévoit une requalification des employés qui feront les frais de la fermeture de la mine de Paskov, laquelle employait jusqu’à présent 3500 personnes. La société OKD aimerait que l’Etat investisse de l’argent pour retarder cette fermeture mais les autorités publiques ne semblent pas disposer à verser des deniers publics au licencieur.
Rachat d’O2 Telefonica ČR : le groupe PPF à l’assaut du monde des télécommunications
O2 Telefonica Česká Republika, la plus grande société de télécommunications tchèque, a changé de propriétaire. Le groupe d’investissements PPF, un des plus importants en Europe centrale, a acquis 66% de cette entreprise, jusqu’alors détenu majoritairement par la multinationale espagnole Telefonica. Le quotidien britannique Financial Times évoque une transaction de l’ordre de 2,5 milliards d’euros. Pour certains commentateurs tchèques, c’est l’opération commerciale de l’année.La possibilité que PPF, firme détenue par Petr Kellner, l’homme le plus riche de République tchèque, investisse dans le groupe de télécommunications, était évoquée depuis plusieurs mois. Leader du marché des télécommunications en Europe, Telefonica fait face à d’importantes dettes et souhaiterait se recentrer sur ses activités en Italie et au Brésil. La firme a donc décidé de se séparer de sa branche tchèque, laquelle est numéro un sur ce marché devant les opérateurs Vodafone et T-Mobile. A travers cette acquisition, le groupe PPF devient de surcroît l’actionnaire majoritaire de la filiale slovaque d’O2 Telefonica ČR. Analyste financier au sein de la société Cyrrus, Tomáš Menčík explique en quoi cette transaction est intéressante pour PPF, groupe qui n’a pourtant aucune expérience en matière de télécommunications :
« PPF va acquérir la position de leader sur le marché tchèque des télécommunications. PPF va être propriétaire d’une société très peu endettée, ce qui est une chose très appréciable, et obtenir un accès à un cinq millions de clients, ce qui satisferait évidemment n’importe quelle entreprise. »
Telefonica Ceska Republika, qui employait 5 400 personnes fin 2012, peut se prévaloir d’avoir cinq millions d’abonnés à son service de téléphonie mobile ainsi que 1,4 millions de lignes fixes. Elle est l’héritière de la compagnie publique Český Telekom, vendue à Telefonica en 2005, quand le social-démocrate Bohuslav Sobotka était ministre des Finances. Le géant espagnol a investi près de 110 milliards de couronnes dans sa filiale tchèque, ce qui correspond, selon le cours actuel de la couronne tchèque, à environ quatre milliards d’euros.
Et pour ne pas faire les choses à moitié, le groupe PPF a annoncé mardi dernier être devenu l’actionnaire majoritaire de la plus moderne des salles multi-usages de la ville de Prague, l’enceinte de l’O2 Arena…