Cinq prix pour rappeler des histoires d’opposants aux régimes totalitaires
Le journaliste, linguiste et opposant au régime en Biélorussie Vintsouk Viatchorka, le photographe slovaque Tibor Kováč, l’ancien pilote slovaque Tugomír Seferovič et les écrivaines Zora Dvořáková et Kateřina Tučková : tels sont les noms des cinq nouveaux lauréats des prix pour la liberté, la démocratie et les droits de l’homme, décernés mardi à Prague par l’Institut pour l’étude des régimes totalitaires (ÚSTR).
La plus haute distinction de l’ÚSTR, le prix Václav Benda, du nom du dissident, prisonnier politique et premier leader du Parti chrétien-démocrate tchèque, qui récompense la lutte pour la liberté et la démocratie dans l’ancienne Tchécoslovaquie communiste, a été décerné cette année à deux Slovaques.
Tibor Kováč est photographe. En août 1968, l’artiste, alors employé du musée technique à Košice, était chargé de documenter l’invasion du pays par les troupes soviétiques dans la ville située dans l’est de la Slovaquie. Agé de 31 ans, Tibor Kováč avait été touché par une balle à la tête et se déplace depuis en fauteuil roulant. Ces photos qui ont failli lui coûter la vie, sont restées cachées durant toute la période de la normalisation entre 1968 et 1989 et n’ont été publiées que dans les années 1990.
Slovaque lui aussi, Tugomír Seferovič, ancien pilote récemment décédé, a été décoré in memoriam pour avoir collaboré, en 1953, au détournement d’un avion de la compagnie aérienne tchécoslovaque ČSA. Au lieu de Brno, en Moravie, l’avion, qui partait de Prague, s’était dirigé vers Francfort en Allemagne de l’Ouest. De retour en Tchécoslovaquie, Tugomír Seferovič avait été persécuté et emprisonné par le régime communiste. D’après le directeur adjoint de l’ÚSTR, Ondřej Matějka, ces personnalités n’ont pas été choisies par hasard :« Nous essayons de récompenser des personnalités liées à des chapitres de l’histoire importants mais qui risquent d’être oubliés. C’est la raison pour laquelle nous décorons également des citoyens slovaques – nous ne voulons pas oublier que nous étions la Tchécoslovaquie et pas seulement la République tchèque sous les régimes totalitaires. Nous essayons aussi de rappeler des histoires qui sont aujourd’hui peu connues, comme c’est le cas de ce détournement d’avion. »
Enfin, l’Institut a distingué deux écrivaines tchèques pour leur contribution à la réflexion sur l’histoire tchécoslovaque du XXe siècle. La première d’entre elles, l’historienne Zora Dvořáková, est l’auteur, entre autres, des biographies de victimes des procès politiques dans les années 1950, parmi lesquelles Milada Horáková. La seconde, historienne elle de l’art, Kateřina Tučková, s’intéresse par exemple à l’expulsion des Allemands de Tchécoslovaquie après la Deuxième Guerre mondiale. Pour son roman « Vyhnání Gerty Schnirch » (« L’expulsion de Gerta Schnirch »), Kateřina Tučková a d’ailleurs été récompensée du prestigieux prix littéraire Magnesia Litera. Ondřej Matějka :« Pour ce qui est de ces deux écrivaines récompensées, nous avons voulu souligner l’importance de l’adaptation littéraire de l’histoire, et notamment de l’histoire oubliée. Zora Dvořáková est la première à avoir écrit, dans les années 1990, après la Révolution de velours, sur la résistance anti-communiste et sur Milada Horáková. Kateřina Tučková choisit pour sa part des chapitres sensibles de notre histoire et les présente au public de façon très actuelle. »
Pour le directeur de l’ÚSTR, Zdeněk Hazdra, les prix décernés par l’institution ont un fort rapport symbolique avec la date du 17 novembre. De même que la fête nationale, ces récompenses nous rappellent que la démocratie n’est jamais une bataille tout à fait gagnée et se doit donc d’être défendue.