Crise migratoire en Lituanie : Prague se dit prête à aider Vilnius face à Minsk
La République tchèque pourrait prochainement apporter son aide à la Lituanie, confrontée à un afflux sans précédent de migrants transitant par la Biélorussie.
Le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Jan Hamáček (ČSSD), a déclaré vendredi dernier à l’issue du Conseil de sécurité d’Etat que la République tchèque pourrait si nécessaire aider la Lituanie à assurer le contrôle de sa frontière avec la Biélorussie pour endiguer l’arrivée croissante de migrants sur son territoire.
Le nombre de migrants illégaux arrivés sur le sol lituanien par la Biélorussie a fortement augmenté ces derniers mois. Il a été multiplié par plus de 20 en 2021, alors que la Lituanie n’enregistre d’ordinaire qu’une centaine de cas annuellement, selon les statistiques officielles du Bureau d’Etat lituanien chargé de la sécurité des frontières. Depuis le début de l’année, 2 158 individus ont ainsi été interceptés à la frontière, originaires principalement d’Irak, du Congo, du Cameroun, de Guinée ou encore d’Iran.
L’Etat balte de 2,7 millions d’habitants a rapidement été dépassé par un tel afflux, l’obligeant à entreprendre à la hâte la construction d’un mur de barbelés et à solliciter l’Union européenne pour freiner l’arrivée de réfugiés.
La crise migratoire en Lituanie a été au cœur de la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères du groupe de Visegrád de ce lundi. La Pologne, la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque ont proposé conjointement d’apporter leur aide à la république balte. Quelques jours auparavant, le ministre tchèque des Affaires étrangères, Jakub Kulhánek (ČSSD), s’était entretenu avec l’ambassadeur de Lituanie à Prague. Sur Twitter, il avait réitéré son soutien à Vilnius avant d’affirmer qu’il était « grand temps de commencer à discuter de nouvelles sanctions de l’UE vis-à-vis du régime de Loukachenko ».
Une telle affluence de migrants n’est, en effet, pas sans fondement. Les autorités lituaniennes maintiennent, en s’appuyant sur les témoignages des personnes interpellées, que la Biélorussie permettrait de manière organisée le transit par avion de migrants vers l’Europe, depuis Bagdad et potentiellement Istanbul. Une fois à Minsk, ces derniers seraient ensuite conduits par des passeurs contre rémunération jusqu’à la frontière avec la Lituanie.
Les motivations de ce trafic d’êtres humains restent avant tout politiques. L’Etat balte, membre de l’Union européenne et de l’espace Schengen, est devenu le foyer de l’opposition pro-démocratie biélorusse en exil, menée par Svetlana Tikhanovskaïa, après les élections présidentielles controversées du 9 août 2020. C’est aussi en Lituanie que devait se rendre l’avion de la compagnie Ryanair, transportant le militant et journaliste biélorusse Roman Protassevitch, avant d’être finalement détourné vers Minsk en raison d’une supposée alerte à la bombe. Cet incident avait poussé les pays de l’Union européenne (UE) à mettre en place des sanctions supplémentaires à l’égard du régime de Loukachenko. Le 24 juin dernier, le Conseil de l’UE a approuvé une nouvelle série de mesures restrictives à l’encontre de Minsk, des mesures qui ont ciblé des secteurs clefs de l’économie de l’ex-république soviétique tels que les produits pétroliers, la potasse ou encore l’industrie du tabac.
En représailles, l’autocrate biélorusse a permis une plus grande porosité de ses frontières avec son voisin lituanien. Le 6 juillet, lors d’une réunion consacrée à la lutte contre les mesures de sanction, il avait mis en garde : « Si certains pensent que nous allons fermer la frontière avec la Pologne, la Lituanie, la Lettonie et l'Ukraine et devenir un camp pour les réfugiés d'Afghanistan, d'Iran, d'Irak, de Libye, de Syrie ou de Tunisie […], alors ils se trompent. », renchérissant non sans ironie : « Nous ne retiendrons jamais personne : d’ailleurs ils ne viennent pas pour nous, mais pour l’Europe éclairée, tempérée et accueillante ». La migration est ainsi devenue une arme politique entre les mains du chef d’Etat biélorusse pour faire pression sur l’Union européenne.
Reste à présent à définir les contours de l’aide proposée par la République tchèque à Vilnius dans ce nouveau bras de fer avec Minsk. Cette dernière pourrait, selon Jan Hamáček, prendre la forme d’un soutien financier ou humain afin d’assurer la surveillance de la frontière entre la Lituanie et la Biélorussie.