Cinquante trois ans depuis la réforme monétaire de 1953
Il y a tout juste 53 ans, le 30 mai 1953, l'assemblée nationale a voté secrètement la loi sur la réforme monétaire. Entrée en vigueur deux jours plus tard, la réforme a appauvri la population et achevé le passage à l'économie socialiste. La réaction indignée de la population est devenue la première manifestation de résistance contre la dictature communiste installée en février 1948. Les arrestations massives et les condamnations au terme de procès manipulés font, seulement 53 ans après, l'objet d'enquêtes de l'Institut de documentation et d'investigation sur les crimes du communisme.
Le 1er juin 1953 fut une journée noire pour les Tchèques : leur argent liquide au-dessous de 300 couronnes a été changé en proportion de 5 à 1, ainsi que les salaires et les pensions de retraite. L'argent liquide au-dessus de 300 couronnes a été dévalué en proportion de 50 à 1. Le cours de change des épargnes déposées a été différencié suivant le montant des dépôts, la proportion allant de 5 jusqu'à 50 couronnes contre une. Les assurances, les valeurs et les bons d'Etat ont été liquidés sans compensation. Le bénéfice réalisé par l'Etat a dépassé 22 milliards de couronnes nouvelles. La nouvelle monnaie a été imprimée en URSS, qui a gagné sur cette transaction 27 millions de couronnes...
La réforme s'inscrivait dans le cadre des changements opérés après l'arrivée des communistes au pouvoir, en février 1948. L'économie tchécoslovaque, avant la guerre l'une des 10 économies mondiales les plus prospères, était en baisse. L'automobile, le textile, le verre, la chaussure, toutes les branches traditionnelles et réputées étaient en voie de liquidation à la suite de la nationalisation. Pour achever le passage à une économie socialiste, le président Klement Gottwald a proposé, en novembre 1952, donc peu avant sa mort, le projet de réforme monétaire.
Les objectifs de la réforme étaient avant tout politiques : liquider les restes des éléments bourgeois et capitalistes, supprimer les différences sociales, niveler la population. Les conséquences économiques de cette banqueroute de l'Etat - la liquidation de la petite et moyenne entreprise, du marché des capitaux, la fin de la convertibilité de la couronne, la hausse des prix, la baisse des salaires, la chute de la demande... Parallèlement à la réforme, l'Etat a supprimé le système de rationnement et introduit les nouveaux prix de détail...La réforme était tenue dans le plus strict secret. N'empêche qu'un pressentiment se propageait parmi la population. Un mauvais signe de ce que quelque chose se prépare était la fermeture du premier grand magasin à Prague, Bila Labut. Les gens ont cherché à acheter tout ce qui était trouvable sur le marché libre. Les 30 - 31 mai, la police a interdit la vente des boissons contenant plus de 10% d'alcool. Encore le 31 mai, le président Antonin Zapotocky assurait la population qu'elle n'avait pas à craindre pour son argent. Le lendemain matin, la réforme a été lancée. Durant les 4 premiers jours, les citoyens ont eu le droit de changer l'ancienne monnaie contre la nouvelle. D'autres moyens étaient dévalués selon les proportions que je viens de mentionner. Dans la pratique, cela signifiait que chaque citoyen se retrouvait avec quelques 60 couronnes dans la poche.
Le jour même de la réforme, le vice-ministre de la Sécurité nationale Antonin Prchal a ordonné de « prendre, en cas de provocations et manifestations hostiles à l'Etat, des mesures nécessaires en vue de les liquider. »
La réforme monétaire a durement touché l'ensemble de la population : le niveau de vie était le même : bas, à l'exception de la nouvelle élite politique. Les ouvriers, pilier du régime, ont été parmi les premiers qui sont allés dans les rues pour protester contre cette décision qui les a appauvris, indignés par les assurances de leur président « ouvrier » Zapotocky » que la monnaie restera ferme et que la réforme n'aura pas lieu. Les plus grandes protestations ont éclaté à Plzen : plus de 20 000 ouvriers des usines de mécanique lourde, Skoda, ont occupé la mairie en jetant par les fenêtres les bustes et les portraits des dirigeants communistes.
Ils se sont également emparés de la radiodiffusion locale. La direction du PCT a envoyé à Plzen les unités du ministère de la Sécurité nationale, des milices populaires et de la StB pour instaurer de l'ordre. Des centaines d'opposants ont été licenciés, transférés de Plzen vers des régions limitrophes ou déportés dans des camps de travaux forcés.Dans le livre intitulé Le grand vol financier 1953 ou 50 : 1 du professeur Zdenek Jirasek, on peut lire que 14 procès politiques manipulés ont eu lieu à Plzen entre le 13 et 22 juillet 1953 : 472 personnes ont été arrêtées, 331 personnes, dont 48 femmes, jugées et condamnées à des peines de prison allant de 6 à 14 ans. Ce n'est que 53 ans après que l'Institut de documentation et d'investigation sur les crimes du communisme est en train de reconstituer les documents sur les manifestations de protestation qui ont eu lieu également à Prague, Vimperk, Svitavy, Bohumin, Koprivnice et d'autres villes et auxquelles plus de 30 000 ouvriers ont pris part.