Climat : la faculté de Lettres occupée par les étudiants à Prague
Depuis le début de l’année, le mouvement lycéen ‘Fridays for Future’ rassemble régulièrement à Prague des centaines de jeunes qui dénoncent une inaction politique face au changement climatique. Désormais, ce sont les étudiants qui passent à l’action. Depuis mardi, environ trois cents étudiants ont pris part à une grève d’occupation dans les locaux de la faculté des lettres, située place Jan Palach, au centre de Prague, afin de se faire entendre.
A l’entrée de la faculté des lettres, une banderole noire et blanche annonce la couleur; on peut y lire ‘Climate Justice’ en lettres capitales. Dans l’enceinte de la faculté et au milieu d’un florilège de dessins et messages en lien avec l’environnement, Michaela Babišová, étudiante en écologie sociale et porte-parole du mouvement, a planté le décor pour Radio Prague Int.:
« L’idée principale est venue d’une initiative nommée ‘Les universités pour le climat’. Les étudiants ont décidé qu’il n’y aurait ni hiérarchie, ni leaders ou organisateurs. Nous avons choisi cette forme de protestation en grande partie parce que notre gouvernement est très passif et ne fait rien concernant la question du changement et de la crise climatiques. Nous avons voulu créer un espace ouvert à tous pour en parler, et montrer qu’une action concrète s’impose dès maintenant. Les universités sont aussi des lieux qui devraient répondre aux défis posés par le changement climatique. »« Tous les étudiants ont commencé à demander aux académiciens ou aux scientifiques qui le souhaitaient de s’exprimer au sujet de la crise climatique. Et ils ont été très réceptifs et désireux de participer. Nous ne voulions pas interrompre les cours donc des enseignements ont lieu actuellement dans les classes et nous, nous occupons tout le reste de l’espace. Nous avons demandé aux professeurs de la faculté de rejoindre la grève, et d’éventuellement ouvrir leurs cours à tout un chacun, modifier les cours pour parler du changement climatique. Nous avons eu de très bonnes réactions à cette requête. Plusieurs ont modifié leurs conférences. D’autres restent simplement passifs, mais nous n’avons pas été confrontés à des réactions négatives. »
Une protestation qui se veut donc tolérante, et bel et bien dirigée contre les dirigeants du pays. Si le mouvement étudiant a pris ses quartiers dans la faculté des lettres, à Prague 1 et au bord de la Vltava, ce n’est pas un hasard, si l’on en croit Michaela:
« La raison pour laquelle nous nous trouvons dans ce bâtiment n’est absolument pas parce que nous sommes en désaccord avec le directeur de la faculté, ce n’est pas non plus une contestation de la faculté des lettres. Nous avons choisi ce lieu puisque vous pouvez voir, en face, le Château de Prague (siège de la présidence, ndlr) et depuis le Château, ils peuvent voir ce que nous faisons ici. »Une programmation riche et constructive dans un calme presque surprenant, en grande partie permis par une administration conciliante, qui reste en marge de la manifestation. Daniel Soukup est vice-directeur des relations extérieures et des admissions étudiantes et il insiste sur la particularité de la faculté des lettres. Si elle œuvre dans le sens d’une protection de l’environnement malgré l’ancienneté des locaux et le manque de financements, elle ne fait que tolérer l’organisation d’un tel événement. Daniel Soukup :
« Nous, en tant que faculté des lettres, nous ne participons pas officiellement à la manifestation, nous ne l’organisons pas, mais bien évidemment, nous respectons le droit des étudiants d’exprimer leurs opinions. »
Une position qui s’explique notamment par le fait que la faculté des lettres ne soit pas visée par les revendications :
« Je peux vous citer ce qu’on dit les organisateurs : que ce n’était pas contre le mode d’organisation de la faculté. Mais il y a un événement prévu mercredi, intimement lié à ce qui se passe aujourd’hui. Il s’agit d’une manifestation contre le recteur de l’université Charles. Bien sûr que nous respectons leur autonomie, c’est leur événement, pas le nôtre, mais la communication est nécessaire pour résoudre tout simplement les questions de sécurité. Par exemple, on a seulement appris mardi qu’ils prévoyaient de passer la nuit dans la faculté et on leur a donc dit que l’on n’était pas d’accord. »
Finalement un accord a été trouvé pour que les protestataires puissent dormir sur le site. Le second volet de la protestation a consisté en une campagne de sensibilisation. Vanda, diplômée de l’université Charles depuis une dizaine d’années, en a profité pour venir accompagnée de sa fille de 5 ans. L’occasion de partager avec elle son engagement :« La grève et l’occupation pour le climat sont des sujets importants pour moi puisque j’ai un enfant. Elle va grandir et je veux un endroit où elle puisse vivre. Je voulais l’emmener ici aujourd’hui, avec moi. Je veux lui montrer qu’il y a des problèmes que l’on doit résoudre. »
Entre conférences, stands de nourriture vegan, peinture sur tissus et points d’information, c’est une véritable fourmilière qui s’est organisée dans les couloirs de la faculté. C’est donc à l’atelier de pochoirs et de tampons à encre que nous retrouvons Vanda et sa fille. Un moyen ludique de découvrir les symboles de cette lutte, comme nous le raconte Vanda :
« Elle a fait quelques dessins pour Extinction Rebellion (mouvement social écologiste, ndlr), principalement des animaux. Mais c’est le début, elle n’a que cinq ans ! »
Le mouvement est prévu pour durer jusqu’à mercredi après-midi et se terminer par une manifestation de la place Jan Palach jusqu’au rectorat de l’Université Charles.