Cinq ans plus tard, les Universités pour le climat toujours actives en Tchéquie

En 2019, le mouvement Fridays for Future se diffusait dans le monde entier, sous l’impulsion de  la jeune militante suédoise Greta Thunberg. Le principe : faire grève tous les vendredis dans les lycées et universités pour réclamer que les gouvernements agissent davantage en faveur du climat. En Tchéquie, le mouvement des Universités pour le climat est né dans le sillon de cette mobilisation pour organiser l’action des étudiants tchèques. Cinq ans plus tard, les Universités pour le climat sont toujours actives en Tchéquie, comme le racontent Anna et Matěj à l’antenne de Radio Prague International :

Anna : « Je m’appelle Anna Maurin, j’ai déjà fini mes études en interprétariat et traduction entre le français et le tchèque. »

Matěj : « Je m’appelle Matěj Dlab et j’étudie les sciences politiques, je viens d’arriver dans le mouvement. »

Comment et quand est né votre mouvement ?

Matěj : « Les Universités pour le climat sont nées au printemps 2019 en réaction au mouvement des lycéens Fridays For future. Le but était de créer une version étudiante de ce mouvement. »

Anna Maurin | Photo: Karolína Němcová,  ČRo

Anna : « Oui, au début c’était pour soutenir les lycéens, nous trouvions que la thématique du climat devait se retrouver parmi les étudiants parce que nous sommes tous concernés. Que ce soit dans la vie de tous les jours ou dans la vie universitaire nous voulions que ces thèmes soient beaucoup plus promus, avec des cursus spécialisés dans le changement climatique, des ateliers, et qu’il y ait plus de travaux de recherche sur le sujet. Nous trouvions que l’enjeu du changement climatique n’était pas du tout évoqué dans le milieu universitaire. »

Justement, y a-t-il des associations, des cours, ou des ateliers de sensibilisation sur le changement climatique dans les universités tchèques ?

Anna : « Il y a un décalage entre l’urgence de la situation, parce que nous croyons que la crise climatique est la menace la plus grave de notre époque, et nos programmes d’études, qui comportent très peu de cours sur cette crise et ses conséquences. »

Les Universités pour le climat existent à travers toute la Tchéquie, dans quelles villes le mouvement est-il présent et comment vous organisez-vous pour vous coordonner ?

Photo: René Volfík,  iROZHLAS.cz

Matěj : « Nous sommes présents dans cinq villes : Prague, Brno, Olomouc, Hradec Králové, et à Ostrava, elle est en train d’être créée. Nous discutons sur Discord et nous organisons des réunions stratégiques auxquelles nous sommes tous présents. »

Anna : « Oui il y a justement eu récemment une réunion stratégique pour toute la Tchéquie, durant laquelle nous avons discuté de nos objectifs pour cette année et de la stratégie à adopter. Nous essayons d’améliorer la coordination entre les différents mouvements, et notamment de davantage se voir en personne parce que c’est très différent de discuter à distance. Nous avons une équipe entièrement dédiée à la coordination des cellules dans les différentes facultés. »

« Nous avons réussi à coordonner plusieurs évènements à travers la Tchéquie, comme par exemple la grève du 17 novembre à l’occasion de la journée étudiante, qui a eu lieu dans neuf universités du pays. Des ateliers, des lectures et des débats ouverts au grand public ont aussi été organisés. »

« Cette année, notre thème est la vie étudiante, autrement dit comment concilier nos études avec les emplois étudiants que nous sommes bien souvent obligés de faire pour payer nos logements, les transports etc. »

Photo: René Volfík,  iROZHLAS.cz

Vous portez donc des revendications qui sont assez sociales, quel est le lien avec le changement climatique selon vous ?

Anna : « Nous pensons que la justice climatique est directement liée à la justice sociale. Les personnes fortunées ont davantage la possibilité de vivre en accord avec leurs convictions, ce qui n’est pas le cas pour les autres, comme les étudiants. Nous avons interpellé le gouvernement à plusieurs reprises mais notre appel n’a pas été entendu, comme l’illustrent la lenteur des plans d’abandon de l’industrie fossile, ou la proposition du gouvernement de doubler le prix des transports en commun. Nos membres ont aussi été présents lors des négociations sur le contenu de la loi climatique. »

Vous avez déjà esquissé quelques grandes lignes de vos revendications, notamment en ce qui concerne la vie étudiante. Quelles sont les revendications sur le plus long terme que vous essayez de porter au sein des universités, et aussi peut-être au sein du gouvernement ?

Photo: Zuzana Jarolímková,  iROZHLAS.cz

Anna : « Nous regardons de près les plans climatiques des universités, car nous pensons que ceux-ci devraient être plus clairs et plus cohérents, afin que les universités soient plus durables. Par exemple nos collègues de Brno et de Hradec Králové s’opposent au partenariat de leurs universités avec Daniel Křetínský, magnat du charbon tchèque. Cela illustre bien la situation en Tchéquie, où l’industrie fossile joue un rôle très important, ce qui mène à certains paradoxes. Des contrats ont par exemple été signés entre différents ministères et un autre magnat du charbon, Pavel Tykač. »

« J’aimerais également revenir sur la grève de novembre. Notre but était d’ouvrir un grand débat dans la société, et nous avions trois objectifs. Le premier, c’était d’introduire des outils de démocratie participative sous la forme d’assemblées citoyennes ou par la participation des employés au fonctionnement des entreprises. En effet ce sont ceux qui travaillent dans les industries minières qui seront le plus touchés par le changement climatique donc nous devrions les inviter. Le deuxième objectif, c’était de commencer à diriger la société d’après un autre indice que le PIB, parce qu’il ne prend pas du tout en compte le bien-être des citoyens et citoyennes. Et enfin, avoir une loi climatique claire et cohérente, parce que ce n’est toujours pas le cas. »

En tant qu’étudiants ou anciens étudiants tchèques est-ce que vous avez la sensation que la jeunesse tchèque est particulièrement engagée pour le climat ?

Anna : « Nous essayons de montrer l’urgence mais en général, j’ai l’impression que si les gens se soucient du changement climatique, il y a un fossé entre cette prise de conscience et le passage à l’action. Nous aimons bien dire que si chacun consacrait une heure et demie par semaine à s’engager dans un mouvement qui lutte pour un monde plus juste, le changement serait fait la semaine prochaine. »

Matěj : « Je rajouterai qu’après la vague de grèves qui a eu lieu dans le sillage du mouvement Fridays for Future, la jeunesse engagée était fatiguée par la vie étudiante. »

Anna : « Oui, c’est pour cela que nous essayons de nous partager le travail et de ne pas nous lancer dans des projets énormes, au détriment de notre santé ou de notre vie, tout simplement. »